Effacé le Covid ! Heureux de se retrouver, deux ans après la précédente édition en 2019 de Wine Paris & Vinexpo Paris (14-16 février, Porte de Versailles), les exportateurs français se montraient cette année particulièrement positifs quant à leur avenir. Malgré la pandémie toujours d’actualité, 25 739 visiteurs, dont 28 % de 109 pays étrangers, se sont précipités, curieux de découvrir les nouveaux vins et spiritueux proposés par 2864 professionnels de 32 pays.
Premier enseignement de cette édition 2022 de Wine Paris & Vinexpo Paris enfin en présentiel, en dépit des difficultés sanitaires, logistiques et géopolitiques, les petits exportateurs tricolores de vins sont parvenus à intégrer le Covid dans leur stratégie. « Les cavistes nous ont permis de compenser les pertes de recettes avec les restaurateurs », rapportait ainsi au Moci Thomas Buttner, le responsable régional des ventes de Maison Ventenac, près de Carcassonne.
Cette entreprise réalise en Europe, en Amérique ou en Asie la moitié de ses ventes en livrant des vins identitaires, « à la philosophie décomplexée et mono cépage », qui ont pour nom Le Paria (grenache élevé en cuve en béton), Le Batard (petite arvine élevée en jarre) ou encore La Culottée (cabernet sauvignon fermentée en barrique et foudre).
Preuve de leur dynamisme pendant la crise sanitaire, les PME du vin se sont aussi diversifiées, certaines en utilisant les outils digitaux proposés par Business France, et plus particulièrement les évènements B2B Tastin’France.
Sur la Chine, les Vignobles Brunot (800 000 euros de CA, dont 30 % à l’export) à Saint-Emilion, ont pu ainsi établir 82 contacts, dont une quinzaine ont pu être relancés. Tastin’France a aussi été retenu par le Château de La Chaize (beaujolais) pour les pays nordiques et le Château Soucherie (Anjou) pour la Corée-Taïwan-le Japon.
Grand C (Alsace) : entre l’Allemagne et la Corée
La Corée est un marché qui décolle, un peu vu aujourd’hui comme le Japon, il y a quelques années. « Du coup, nous avons participé à un salon à distance », révélait Vincent Brunot, à la tête du vignoble du même nom déjà cité.
« C’est un pays qui est ouvert aux nouvelles marques avec des étiquettes élégantes et des codes modernes et design », renchérissait Axel Wulfken, le fondateur de Grand C, une marque de vins d’Alsace proposant surtout des crémants destinés à l’Allemagne, son pays d’origine. « L’Allemagne est le premiers pays de consommation d’effervescents au monde, mais c’est un marché plutôt de mousseux à 3-4 euros la bouteille. Par rapport au champagne, nos crémants à 14-20 euros sont une alternative très intéressante », expliquait-il.
Pour se diversifier, le salon Wine Paris & Vinexpo Paris est souvent considéré comme une plateforme incontournable. « Notre activité est à plus de 50 % à l’export, dont 75 % sur les États-Unis avec nos rosés de Provence. Il faut absolument que nous nous renforcions en Suisse, en Belgique et en Allemagne, et sur le salon nous avons aussi eu des contacts dans de nouveaux pays comme la Roumanie, la Hongrie et la Grèce », se félicitait Sophie Sumeire Denante, représentante de la 8e génération à la tête de Famille Sumeire, à Trets (Bouches-du-Rhône).
Lors de l’évènement parisien, les Fruitières vinicoles de Voiteur et de Pupillin dans le Jura visaient également l’Europe. « Notre activité à l’export est encore faible, 5 %, et nous vendons des produits de terroir au Québec, comme le vin jaune et le vin de paille, et des chardonnays aux arômes floraux et des crémants en Europe du Nord et en Italie », précisait au Moci un des dirigeants, Bertrand Delannay. Et de constater au passage « un fort redémarrage de la consommation au Canada ».
États-Unis : des taxes amorties de part et d’autre
Deuxième enseignement de cette édition, les sanctions contre les produits européens décidées à partir d’octobre 2019 par l’Administration Trump (25 % de taxes à l’entrée sur le marché américain) et jusqu’à leur suspension par l’Administration Biden en mars 2021, ont été amorties.
« Avec nos importateurs nationaux ou locaux, nous nous sommes entendus au cas par cas », indiquait ainsi Sophie Sumeire Denante. « Nous avons consenti un effort sur nos tarifs, et notre importateur a fait de même sur sa marge », confiait, de son côté, Vianney de Tastes, le directeur de Château Soucherie, dont une bouteille sur trois est commercialisée aux États-Unis.
Cette société, basée au sud d’Angers, a noué un partenariat exclusif, il y a plus de 20 ans, avec un importateur à New York auquel des cuvées uniques sont adressées et qui est capable de distribuer dans la quasi-totalité du pays. Le positionnement prix a été essentiel. Ce serait d’autres produits, plus chers comme des Bourgogne à 60 dollars la bouteille, qui auraient souffert. « Certes, complétait Vianney de Tastes, notre cible est le restaurant haut de gamme et la cave, mais notre Savennières y est vendu moins cher, 40-50 dollars, notre Anjou rouge 30 dollars et notre Anjou blanc ou notre rosé de Loire 25 dollars ».
Château de La Chaize (beaujolais) : le prix et le profil aromatique
« Ce sont les vins déjà en place qui ont souffert des taxes américaines. Pour sa part, Château de La Chaize arrivait juste sur le marché avec un vin léger comme le brouilly, sans réel concurrent sur son profil aromatique et offrant un bon rapport qualité-prix », relataient Boris Gruy et Nicolas Mielly, respectivement directeur d’Exploitation et directeur commercial. Un brouilly est ainsi vendu en restauration à 20-25 dollars aux États-Unis, un prix pas beaucoup plus élevé qu’en Allemagne, aux Pays-Bas et en France (15-20 euros).
Les États-Unis demeurent le premier marché des vins tricolores et, pour tous les exportateurs, la suspension des taxes américaines en mars dernier est une bouffée d’oxygène. Une chance, en particulier, pour Famille Sumeire, dont l’offre est composée notamment d’une gamme d’une vingtaine de rosés. « Le Côtes de Provence n’est pas un vin compliqué, il rallie les jeunes comme les plus anciens et est adapté à toutes les cuisines », rappelait Sophie Sumeire Denante. Ainsi, la PME familiale espère-t-elle lancer cette année aux États-Unis un nouveau Côtes de Provence, Château La Jouliane.
François Pargny