C’était le 29 avril dans les locaux du Medef, avenue Bosquet à Paris. Accompagné d’une brochette de ministres et d’une partie des 40 entrepreneurs composant sa délégation officielle, Mehdi Jomaâ, Premier ministre de Tunisie en visite pour la première fois en France pendant deux jours (28-29 avril), semblait à son aise, entouré du patron des patrons français Pierre Gattaz et de la présidente de l’organisation tunisienne sœur Utica Ouided Bouchamaoui (notre photo).
Devant une salle comble, représentant ainsi toute la panoplie des entreprises françaises, cet ancien membre du comité de direction d’Hutchinson, filiale de Total,a évoqué l’équipe qu’il dirige depuis le début de l’année. Ce gouvernement, affirme-t-il, s’apprête à « tourner la page de trois années de gestation politique difficiles » depuis le début officiel de la révolution du jasmin, le 14 janvier 2011.
Maintenir l’attractivité du site Tunisie
Fin mai, a promis Mehdi Jomaâ, « le consensus sur les principales réformes sera fait », s’agissant notamment du cadre légal qui doit « favoriser le passage d’une approche administrative à une approche pour faciliter la vie des entreprises ». « Cà prendra un peu de temps », a-t-il averti, mais selon son ministre de la Coordination et des affaires économiques, Nithal Ouerfelli – sous le précédent gouvernement déjà rattaché comme secrétaire d’État chargé de l’Énergie et des mines à Mehdi Jomaâ qui était ministre de l’Industrie -, « le travail est déjà commencé pour limiter la lourdeur administrative dans les appels d’offres et mettre en place les normes internationales devant favoriser la transparence et faciliter les démarches administrative et juridique ».
Conscient de l’importance de maintenir l’attractivité du site Tunisie auprès des investisseurs de l’Hexagone, le Premier ministre a assuré « qu’après les embauches et les hausses de salaires données pour satisfaire la demande sociale », il n’y aurait pas de recrutement dans la fonction publique de façon à « orienter notre énergie vers les secteurs productifs ».
De même, en ce qui concerne les subventions en matière d’énergie et de denrées alimentaires, « le système, censé au départ aider les couches défavorisées, n’a plus de sens, puisqu’il s’est généralisé » et donc « le gouvernement va le rationaliser », s’est aussi engagé Mehdi Jomaâ, qui veut encore entamer « un dialogue national » pour réaliser une réforme bancaire et fiscale.
La Tunisie, « start-up de la démocratie »
Selon le président du Medef, « l’adoption de la Constitution tunisienne au début de l’année montre bien l’attachement de la population à l’ouverture et la modernité. Remerciant ainsi Pierre Gattaz de « marketer la Tunisie », le chef du gouvernement à Tunis a qualifié son pays de « start-up de la démocratie ». Une petite entreprise « en souffrance », mais dont « l’économie est résiliente » et qui a besoin de « la confiance » des dirigeants politiques et des hommes d’affaires de son premier partenaire économique (tant dans les échanges que dans les investissements) et principal créateur d’emplois étranger et bailleur de fonds bilatéral.
La veille de l’arrivée du Premier ministre tunisien à Paris, Laurent Fabius avait annoncé qu’il passerait une partie de ses vacances de l’autre côté de la Méditerranée « pour montrer l’exemple ». Lors de la réunion au Medef, René-Marc Chikli, qui préside le Syndicat des entreprises du tour operating (Seto), a indiqué que « le tourisme sur la Tunisie avait augmenté de 7 % », mais qu’il « était urgent de lancer une campagne de promotion en France ».
Le tourisme « n’est pas reparti avec la France et 7 %, ce n’est pas suffisant, alors que les troubles sécuritaires sont maintenant derrière nous », assure Mehdi Jomaâ. Le tourisme est, d’ailleurs, est un des six groupes de travail mixtes (avec l’agroalimentaire, les infrastructures, les TIC, la mécanique et l’électronique) constitués par le Medef et l’Utica, qui coprésident aussi le Conseil des chefs d’entreprise France-Tunisie.
En réponse à Xavier Beulin, président de Sofiprotéol (Lesieur…) et de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) constatant « un manque de capacité de coordination dans les politiques agroalimentaires », le Premier ministre tunisien a reconnu qu’il fallait une véritable stratégie « pour organiser les filières, régler les problèmes de morcellement des terrains ». C’est « très important pour le rééquilibrage régional de créer des filières dans les zones défavorisées », a-t-il ajouté. C’est, d’ailleurs, au cœur de la Tunisie, dans la ville de Sidi Bouzid que date le premier soulèvement populaire ayant marqué le début de la révolution. Malgré le retard pris par l’Assemblée constituante, Mehdi Jomaâ est enfin persuadé que les élections générales pourront se tenir avant la fin de l’année.
François Pargny