Premier consommateur, premier producteur et premier exportateur en valeur de vin rosé, l’Hexagone domine largement, au niveau mondial, ce marché qui s’est globalement essoufflé depuis la crise sanitaire. Des foyers de croissance perdurent et permettent à ce vin moins connu des amateurs internationaux de servir comme « amortisseur de crise » à l’ensemble des vins tranquilles, estime l’Observatoire mondial du rosé.
En France, il est souvent de bon ton de le dénigrer. Pas assez chic ! Pourtant le pays assure un tiers de la production mondiale et détient le record de consommation avec une bouteille vendue sur trois. Une passion qui l’oblige d’ailleurs à importer, surtout des vins d’entrée de gamme avec un prix moyen de 0,5 euro HT pour 75 cl.
Cette couleur qui fleure bon les vacances et les terrasses estivales a également séduit un public plus large ces dernières années. C’est ce que montre la dernière synthèse de cet observatoire créé par le Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence (CIVP) et FranceAgriMer en 2022.
Compilant les données (2021) de 45 marchés, il estime à 19,5millions d’hectolitres la consommation mondiale.
Des marchés naissants en Europe de l’Est et en Asie
La France a bu à elle seule 34 % du rosé consommé dans le monde en 2021. L’Allemagne et les États-Unis complètent ce podium, la première étant passée devant les seconds en 2021, avec des niveaux de consommation quasi équivalents.
Si ce trio de tête représente encore aujourd’hui 60 % de la consommation mondiale, leur part diminue. De nouveaux marchés sont en train d’éclore et laissent deviner une diversification des débouchés pour les rosés français malgré la baisse généralisée de la consommation. C’est le cas des marchés d’Europe centrale et de l’Est et d’Asie-Océanie qui découvrent depuis peu les vins de cette couleur et ne disposent pas d’une production locale.
Tandis que ces pays, où les tendances de consommation sont moins figées qu’en Europe, restent à défricher, les clients traditionnels du petit rosé bien frais importent de plus en plus. Ainsi des États-Unis, sixième importateur en valeur. En dix ans, malgré la guerre des taxes faisant peser des droits de douane de 25 % sur les flacons français, leur part dans les importations mondiales est passée de 2 % à 4 %.
L’Amérique et l’Europe du Nord prêtes à payer plus cher
Bonne nouvelle : parmi les plus gros importateurs mondiaux en volume figurent des marchés qui valorisent particulièrement bien les vins rosés. Ainsi des États-Unis donc (6e, 3,20 € HT/75cl), mais aussi du Canada (9e importateur avec un prix moyen de 3,50 euros HT/75cl départ cave), du Danemark et de la Suède.
Premier pays exportateur en valeur, la France passe derrière l’Espagne en termes de volume, signe d’un positionnement haut de gamme qui correspond bien aux attentes de ces marchés.
Toujours en valeur, les statistiques compilées par l’Observatoire mondial du rosé classent la Belgique et les Pays-Bas aux côtés de la France parmi les plus gros exportateurs mondiaux, ce qui laisse supposer une part plus grande part de rosé français réexporté vers des pays tiers depuis ces destinations, traditionnelles plateformes du commerce mondiale en Europe.
Une nouvelle concurrence sur fond d’augmentation de la production
Au demeurant, avec 45 % de la valeur des exportations mondiales de rosé, la France domine très largement, et de plus en plus, ce classement mondial. Elle est suivie par l’Italie, l’Espagne (positionnées sur une production moins valorisée) et les États-Unis, dont la valeur des exportations a triplé.
En parallèle, la hausse de la production inquiète les analystes de l’Observatoire. « Cette progression pose question, dans un contexte de repli de la consommation, constatent-ils. La production reste concentrée autour de trois pays (66 % de la production mondiale est due à la France, à l’Espagne et aux Etats-Unis) ». Et de citer cinq pays où la production progresse : le Chili et la Nouvelle-Zélande dans l’hémisphère sud, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie en Europe de l’Est.
Ironie de l’histoire : ce vin « marketé » comme typiquement français est en fait au cœur de bouillants échanges internationaux. L’Observatoire mondial du rosé a ainsi calculé que la moitié des vins rosés passent désormais au moins une frontière avant d’êtres débouchées.
Sophie Creusillet