Grâce à une hausse de 8,7 % en valeur, les exportations françaises de vins et spiritueux ont connu un niveau historique à 11,7 milliards d’euros en 2015, dont plus de 9,7 milliards pour les vins (+ 6,7 %) et 3,7 milliards pour les spiritueux (+ 12,3 %), a détaillé, le 10 février, devant la presse Christophe Navarre (notre photo), qui préside la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (Fevs).
Des chiffres dont on pourrait donc se féliciter, d’autant que le solde commercial, traditionnellement excédentaire, a encore progressé de 9,5 % pour atteindre 10,5 milliards d’euros. Le champagne et le cognac sont à eux deux responsables des trois quarts de la croissance des livraisons. Mais, si l’on y regarde de plus près, il y a aussi des motifs de réelle inquiétude. En volume, la France ne cesse des perdre du terrain, avec une baisse de 3,6 % à 188 millions de caisses en 2015 (1 caisse = 12 bouteilles de 9 litres). Et c’est surtout flagrant dans le vin : les quantités livrées ont encore chuté l’an dernier de 3,6 % pour tomber à 138,19 millions de caisses.
La France, généralement absente du vrac, n’a pas non plus réussi son émergence dans les cépages, malgré les intentions affichées. Depuis 2000, la part de marché de l’Hexagone est passée en valeur de 45 à 30 % en 2014 et en volume de 25 à 14 %. Face aux compétiteurs du Nouveau Monde (États-Unis, Chili, Australie…) et ses concurrents européens, Italie et surtout Espagne, qui ont accru leur production, les entreprises françaises peinent, avec des quantités relativement faibles, après plusieurs récoltes modestes, et des prix trop élevés.
Allemagne et Royaume-Uni : des ventes françaises en chute
Preuve en est la chute concomitante en valeur et en volume des ventes françaises en Allemagne, troisième débouché extérieur en valeur avec 686,85 millions d’euros l’an dernier et premier marché en volume, avec plus de 21,27 millions de caisses. Cette diminution est respectivement de 11,6 % et 18,9 %, ce qui reflète, selon Christophe Navarre, « la sensibilité aux prix dans ce pays ».
De façon concrète, a-t-il reconnu, l’offre française est trop faible. « On n’a pas suffisamment de disponibilités, ce qui un impact sur les prix que nous proposons en Allemagne », a-t-il regretté. Mais « aussi au Royaume-Uni », a-t-il ajouté. En effet, outre Manche, si en valeur les expéditions de l’Hexagone ont continué à progresser, tant pour les vins (+ 4,8 %) que pour les spiritueux (+ 7,6 %), ce qui a permis d’afficher une hausse globale de 5 % à 1,4 milliard d’euros, les quantités livrées, comme en Allemagne, ont reculé. Dans le vin en particulier, elles ont régressé de 6 % à 18,45 millions de caisses, ce qui est aussi le résultat « de la faiblesse de nos disponibilités en produits », a indiqué Christophe Navarre.
Pour relancer production et améliorer leur compétitivité, les viticulteurs tricolores devraient profiter de la libéralisation des droits de plantation en vigueur depuis le début de l’année dans l’Union européenne. Mais il n’est pas certain qu’ils soient prêts à investir dans des vins sans identification géographique, les anciens vins de table qui sont des produits moins valorisés même s’ils figurent au cœur de marché et « plaisent plus aux consommateurs parce que plus faciles à boire », soulignait Nicolas Ozanam, délégué général de la Fevs.
États-Unis : des livraisons dopées par le cours du dollar
Géographiquement, la bonne nouvelle vient des États-Unis, qui sont devenus en 2015 le premier débouché extérieur en valeur, avec 2,6 milliard d’euros d’exportations françaises, réalisées à part égale dans les vins (+ 24,5 %) et les spiritueux (+ 32,1 %. Un chiffre en hausse de 28 % %, ce qui s’explique, d’après la Fevs, « par le dynamisme de l’économie américaine et le recul de l’euro ainsi que par une demande croissance pour des produits à haute valeur ajoutée » qui profite à la France. « Nous avons évalué à 6 % l’impact pour la profession de la baisse de l’euro, de 16 % en moyenne par rapport au dollar et de 10 % par rapport à la livre sterling, en 2015 », a précisé Christophe Navarre.
Selon Philippe Casteja, le P-dg de la maison bordelaise Borie-Manoux, « bordeaux est parvenu à reprendre en main la distribution aux États-Unis, après y avoir souffert de la disparition des anciens distributeurs ». Reste que « les maisons de bordeaux font aujourd’hui face à des grossistes colossaux » disposant de multiples références. D’où, selon lui, « pour faire valoir son offre » la nécessité « d’investir en hommes et de mettre en place des moyens d’aide à la distribution et l’implantation des produits dans les points de vente ».
Le succès de la marque australienne Yellow Tale montre que « les PME peuvent aussi réussir » aux États-Unis, observait, par ailleurs, Antoine Leccia, le P-dg D’AdVini, maison ayant associé le languedocien Jeanjean et le bourguignon Laroche, qui reconnaît, néanmoins, que « la taille des sociétés françaises ne leur permet pas toujours de dégager les équipes commerciales suffisantes sur le terrain ». D’où l’importance de la consolidation « en cours en France et qui va se poursuivre », confiait-il.
Chine : le rebond
En 2015, les États-Unis et la Chine ont absorbé les trois quarts de la croissance des exportations françaises de vins et spiritueux (et même 84 % avec Hong-Kong). Sur un marché asiatique bien orienté (3 milliards d’euros d’exportations tricolores), les ventes françaises ont bondi de 23 % en Chine à 830 millions. Un rebond « grâce à un mix produits plus équilibré, contribuant à la reprise des volumes », d’après la Fevs.
« On est sorti progressivement de la phase du déstockage et on arrive à une phase de normalisation, avec une offre de produits plus tournée maintenant vers l’entrée de gamme », a commenté Christophe Navarre. « Le marché chinois est reparti », confirmait Philippe Casteja, selon lequel « on sort des produits exceptionnels, un peu spéculatifs, pour entrer dans un marché de consommation ». Preuve en est la professionnalisation progressive de la distribution.
François Pargny
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