La France au sommet de son art. En 2021, ses exportations de vins et spiritueux, en dépit des aléas sanitaires, logistiques et géopolitiques, ont inondé le monde entier, avec un montant cumulé de 15,5 milliards d’euros (10,6 milliards pour les vins, 4,9 milliards pour les spiritueux), soit en un an une hausse de 28,3 %. L’année 2022 pourrait toutefois être moins favorable.
C’est du jamais vu à l’export, si l’on considère que cette activité a aussi cru de 10,5 % (+ 13,1 % pour les vins, + 5 % pour les spiritueux) par rapport à 2019, année d’avant crise sanitaire, qui était déjà « une année historique à 14 milliards d’euros », s’est réjoui César Giron, le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (Fevs)*, le 14 février, lors du salon Wine Paris et Vinexpo Paris (13-15 février).
Toutes les appellations en ont profité, notamment le champagne (+ 42,2 % en valeur en un an !), portées par la vague de « premiumisation » (montée en gamme) résultant des frustrations générées par la pandémie de covid-19. Ce qui est encore plus remarquable est que les volumes ont suivi : + 10 % en un an pour le vin (près de 145 millions de caisses de bouteilles de 9 litres), + 10,6 % pour les spiritueux (54,5 millions de bouteilles de 8,4 litres), et plus ou moins + 4 % pour les deux sur 2019.
Deux tiers de la croissance sur les États-Unis et la Chine
The last but not the least, la France a engrangé des gains sur toute la planète, et en particulier sur son premier marché, les États-Unis (26,4 % du total monde, + 33,8 % sur 2020), devant le Royaume-Uni (10,1% et + 20,3 %), la Chine (8,2 %, + 56,9 %), l’Allemagne (6 %, + 15 %) et Singapour (5,7 %, + 39 %).
Pourtant, le conflit Airbus-Boeing, dont la filière aura été la victime collatérale, lui aura coûté 560 millions d’euros, selon la Fevs. Les sanctions américaines (taxe sur les exportations européennes de 25 %), à partir d’octobre 2019 par l’Administration Trump, ont finalement été suspendues par le président Biden pour cinq ans à compter du 11 mars 2021.
La Fevs souhaiterait que la France profite de sa présidence de l’Union européenne pour régler définitivement un conflit qui lui est étranger. « Il faut absolument lever la menace que les sanctions soient rétablies dans quatre ans et demi », a souligné César Giron.
La Fevs exhorte aussi à ne pas se laisser aspirer par un courant de protectionnisme qui pourrait survenir dans le sillage de la vague de réindustrialisation-relocalisation encouragée par le gouvernement français. Et César Giron de rappeler, par exemple, que, depuis que Pékin lui a fermé son marché pour des raisons politiques (appel de Canberra à une enquête sur les origines de l’épidémie de Covid-19…), l’Australie n’exporte plus que 1% de son vin en Chine au lieu de 50 % il y a un an.
Des nuages sur 2021
S’agissant du Royaume-Uni, c’est une bonne surprise alors que le Brexit aurait pu faire craindre le pire. Comme « c’est un marché qualitatif, malgré la fermeture des restaurants, la consommation y est toujours restée à un bon niveau », s’est félicité Philippe Castéja, P-dg du groupe bordelais Borie-Manoux. C’est pourquoi, alors que Londres pourrait imposer des taxes à l’entrée sur son territoire, il se montrait confiant pour l’avenir.
Globalement, l’année en cours pourrait, toutefois, ne pas être aussi favorable à l’export tricolore. Pour toute une série de raisons, a listé Antoine Leccia, prédécesseur de César Giron à la Fevs et président du directoire d’Advini : le réseau des clients a stocké un maximum pendant la crise sanitaire ; le coût des matières solides (verre, bois…) a explosé, tout comme celui des expéditions (elles sont passées en Chine de 2 000 / 2 500 dollars par conteneur à plus de 12 000 dollars) ; et la récolte est très basse, en raison du gel, notamment en Bourgogne ou dans le Languedoc.
Or, il faudra bien continuer à exporter pour préserver ses parts de marché, alors que, selon Antoine Leccia, « le marché français est atone ».
François Pargny
*Sur notre photo, de gauche à droite : César Giron (Fevs, Philippe Casteja (Borie-Manoux), Antoine Leccia (Advini).