Déficit de notoriété et perception négative sur le prix, jugé trop élevé, tels sont les handicaps à l’émergence du vin bio en Europe, d’après l’institut Ipsos, qui a réalisé, pour le compte de l’association Sudvinbio, une étude en juillet 2015 auprès de plus de 4 000 personnes de plus de 18 ans, répartis à part égale entre quatre pays : Allemagne, France, Royaume-Uni, Suède. Pour autant, l’enquête menée sur Internet montre que le bio a aussi des atouts : respect de l’environnement notamment, mais aussi bienfait pour la santé.
Ce type de vin, répondant à un cahier des charges précis en matière de viticulture et de vinification, a aussi, relativement au produit conventionnel, plus de succès auprès des jeunes et des femmes, « ce qui est porteur d’avenir », a souligné Patrick Guiraud, président de Sudvinbio, association interprofessionnelle membre de la fédération France Vin Bio (ex-Fnivab).
« Reste que le bio sera toujours un premium. Il faut que le consommateur comprenne qu’il y a des coûts supplémentaires et un travail manuel plus important, a encore expliqué cet exploitant dans le Gard (Domaine Guiraud). Le bio, c’est une culture. C’est un engagement militant et social de consommer bio ». Et, s’il reconnaît qu’il n’y a aucune raison pour que le bio soit meilleur que le conventionnel, en revanche, il estime que le bio peut avoir plus de « personnalité » dans la mesure où il est réalisé sans pesticides de synthèse, engrais chimiques, OGM, etc.
Suède : doublement de la consommation bio en 2014
Comme le montre l’étude Ipsos, il y a un gros effort d’information à consentir auprès des consommateurs pour leur faire partager cette culture. « Mais ce n’est pas le travail des producteurs, assurait Patrick Guiraud, car ils ne peuvent pas être crédibles ». Il faut donc, selon lui, en France que l’Agence bio puisse obtenir plus de subventions pour lancer une campagne de promotion générique du bio, c’est-à-dire tous les produits bio », ce qui « n’est pas le cas », déplorait-il encore.
Présente dans la salle, la directrice générale de l’Agence bio, Élisabeth Mercier, s’est félicitée du choix des quatre pays de l’étude Ipsos, qui représentent ensemble, tous produits confondus (solides et liquides), les deux tiers de la consommation bio dans l’Union européenne. Tout en se réjouissant de l’intérêt des jeunes pour le vin bio, elle a tenu à rappeler qu’en Suède la consommation de ce type de vin avait doublé en 2014 et qu’il représentait dorénavant 10 % des achats du monopole suédois.
Pour lutter contre le déficit de notoriété, il y a les logos nationaux et le logo européen. « Or, les logos ne sont pas assez connus et les étiquettes souvent ne sont sans doute pas assez simples », a reconnu Séverine Bourrier, responsable de la commission Communication de Sudvinbio. Il s’agit du des logos nationaux (AB en France, BIO en Allemagne…) et européen (Eurofeuille) « Le logo, c’est, pourtant, une garantie en matière sanitaire, d’environnement, d’utilisation de l’eau, en matière d’emploi », a renchéri le président de l’association.
Conscient de la nécessité « de vulgariser et d’expliquer », Patrick Guiraud compte sur les conférences techniques auxquelles sont invités les acheteurs pendant le salon MillésimeBio, le Mondial du vin biologique qui se tiendra à Montpellier l’an prochain du 25 au 27 janvier. Créé par Sudvinbio, MillésimeBio, « vitrine internationale, reçoit notamment 40 % de l’offre française. C’est le premier salon mondial », pointait à Paris son président. En 2016, il accueillera 900 exposants de 14 pays, dont « la France, l’Allemagne, le Chili, la Grèce ou la Nouvelle-Zélande », détaillait Séverine Bourrier.
Lors de la présentation de l’étude, sa responsable chez Ipsos, Amandine Lama, affirmait que « le contexte sociétal est favorable partout en Europe », parce que « plus des deux tiers des Européens aiment boire du vin » et que ces « Européens sont en attente de réponses sur la traçabilité et l’environnement ». Toutefois, ils sont à peine 35 % à boire du bio. Sur cette proportion, c’est dans l’Hexagone que le taux de notoriété de ce type de vin est le plus élevé (74,6 %), devançant de peu la Suède (73,7 %), mais c’est dans cette nation de l’Europe du Nord, où la protection de l’environnement est très importante, que le taux de consommation est supérieur aux autres pays (51,2 %, devant la France avec 35,8 %).
Royaume-Uni : taux d’achat le plus élevé à 12,3 euros la bouteille
C’est au Royaume-Uni que l’on trouve les taux les plus bas de notoriété (44,7 %) et de consommation (21 %). Mais c’est aussi dans ce pays que le prix d’achat moyen déclaré d’une bouteille de vin bio est le plus élevé (12,3 euros, soit + 2,6 euros par rapport à un produit conventionnel) devant la Suède (9,6 euros, soit 0,5 euro de plus qu’un vin classique). En Allemagne, le prix tombe à 7,7 euros (au lieu de 6,5 euros). « Le Royaume-Uni reçoit des vins du monde entier, mais toute bouteille importée subit une taxe de 2,5 livres », a rappelé Guillaume Siard (notre photo), fondateur d’un bar à vins bio à Londres, l’Antidote. Selon lui, « le bio reste encore une niche », « c’est seulement le début » et les consommateurs « sont des personnes de 30 à 50 ans, qui travaillent et ont de l’argent ».
Fait aussi notable, mis en valeur par l’étude Ipsos, la moitié des consommateurs réguliers de bio sont des femmes. Et c’est au Royaume-Uni que cette part est la plus forte (54,3 % % contre 49,7 % pour les vins conventionnels). « La clientèle des bars à vin est maintenant essentiellement féminine, a commenté Guillaume Siard, qui racontait que les femmes dans la capitale britannique « abandonnent les pubs, lieux bondés où l’on boit des pintes de bière ». A noter que la part des femmes parmi les consommateurs réguliers de bio est supérieure par rapport à celle concernant les vins conventionnels dans les quatre pays de l’étude.
François Pargny