Dans le monde du vin, l’Italie devrait détrôner la France dans les intentions d’achat. Telle est une des principales conclusions du 8e Trade Monitor Wine de Sopexa, réalisé en 2019 auprès d’environ 1 000 professionnels (grossiste, importateurs, distributeurs…) de sept grands marchés : Allemagne, Belgique, Chine, États-Unis, Hong Kong, Japon, Royaume-Uni.
Ils sont ainsi 40 % à placer l’Italie dans le Top 3 des origines dont les ventes progresseront le plus d’ici 2021. De peu avec 39 %, la France serait ainsi dépassée, avec un fort ralentissement sur certains débouchés : Belgique, Chine, Hong Kong, États-Unis.
Les sanctions américaines, avantage à l’Italie
Certes, comme l’enquête a été effectuée entre le 9 septembre et le 25 février, les opérateurs ont pu intégrer dans les prévisions à 24 mois que les vins français étaient sanctionnés, alors que leurs concurrents italiens étaient épargnés, dans le cadre de l’affaire des subventions accordées à Airbus, jugées illégales par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Plus est, l’Italie est la seule nation viticole à tirer profit des sanctions contre des produits européens, actives depuis le 18 octobre. « Ni les vins américains sur leur marché domestique ni les vins chinois n’en bénéficient en particulier », commentait François Collache (notre photo), directeur Vins et spiritueux de Sopexa, lors de la présentation du Wine Trade Monitor, le 21 janvier.
Hors cet aspect conjoncturel – s’agissant du Brexit, celui-ci ne profiterait qu’aux nations de l’hémisphère Sud (Chili, Australie, Argentine, Nouvelle-Zélande) sur le marché britannique – des raisons plus fondamentales expliquent que le voisin transalpin prenne le pas sur l’Hexagone. « L’offre italienne est plus large en gamme et en type de cépages et correspond plus au goût des catégories différentes de consommateurs », remarquait François Collache.
L’Italie a même fait une percée dans les effervescents, notamment aux États-Unis avec ce prosecco. Au point que ce vin pétillant, principalement issu de la transformation du cépage glera, représenterait, hors vins tranquilles, le plus fort potentiel de vente, selon les opérateurs interrogés par Sopexa. Ce produit très à la mode, apprécié aussi au Royaume-Uni et jusqu’en Chine, devancerait ainsi le cava (Espagne), les crémants français et le champagne.
Le retard de la France en matière d’innovation et auprès des jeunes
Le paradoxe est que la France demeure l’origine la plus référencée et possède la meilleure image de tous les pays producteurs de la planète. C’est ainsi que 89 % des répondants commercialisent dans leur gamme des vins de l’Hexagone, contre 75 % pour l’Italie et 67 % l’Espagne.
En terme d’image, la France reste l’origine la mieux perçue pour 59 % des répondants, loin devant l’Italie, avec 11 %. Pour la plupart des caractéristiques testées, elle est en tête, notamment sur les critères de « Vins pour tous les jours », « Vins certifiés Bio », « Prise en compte des aspects climatiques et environnementaux » et « Efficacité des campagnes de communication collectives ».
En revanche, sur la dimension « Innovation » et « Séduction des jeunes », la France, avec 9 % des répondants, est distancée, notamment par l’Australie (19 %) et l’Italie (18 %), dont l’offre de vin est plus adaptée au goût des consommateurs. « C’est surtout le cas aux États-Unis auprès des Millénial, c’est-à-dire la tranche des 23 à 39 ans, et de la génération Z en dessous », a précisé François Collache.
Jouer la carte du bio
Lors de l’enquête de Sopexa, Paolo Librandi, qui dirige la maison éponyme leader dans la production du vin de Cirò et préside l’interprofession du Cirò de Calabre, mettait en avant les efforts de marketing, de communication, de packaging et la variété des cépages de l’Italie. Ces atouts permettent, selon lui, « d’attirer l’attention des jeunes, notoirement sensibles aux nouveautés ».
« Pour lutter contre la sous-consommation relative des jeunes, il faut les convaincre de considérer le bio comme un élément dans les boissons de leur style de vie », commentait François Collache. Non seulement pour 56 % des répondants, la France est en tête sur ce segment, mais il s’agirait du créneau le plus prometteur au monde. D’après 42 % de professionnels interrogés, c’est la catégorie la plus porteuse. Et ce, en particulier dans les pays anglo-saxons, Royaume-Uni (63 %), États-Unis (58 %). Seule nation qui échapperait à cette tendance de fond, la Chine.
Des professionnels généralement plutôt optimistes
Globalement, les opérateurs des sept pays concernés par le 8e Trade Monitor Wine sont plutôt optimistes pour les 24 mois à venir. Dans le détail, ils sont 38 % à penser que leur marché va progresser et 42 % à s’attendre à une stagnation. Avec, toutefois, des nuances selon les pays. Ils sont ainsi 58 % aux Etats-Unis, 52 % en Allemagne et 49 % au Japon à prévoir une croissance de leur marché.
A l’opposé, 44 % misent sur une baisse de leur marché outre-manche. « En dehors de la situation créée par le Brexit, cela fait 35 ans que les taxes augmentent au Royaume-Uni, si bien que vin y est devenu un produit cher », expliquait François Collache. Enfin, le gin y est très populaire et intégré à des cocktails. Des produits qui séduisent les jeunes de plus en plus.
Preuve en est encore la poussée des vins légers (9 % d’alcool) au Royaume-Uni et sur l’autre grand marché européen, l’Allemagne. Après le bio, c’est la deuxième progression la plus attendue pour 2021, avec un taux de 24 % outre-manche et 35 % outre-Rhin. A boire, toujours, avec modération.
François Pargny