Pour son traditionnel Wine Trade Monitor, rendu public cette année le 6 octobre, la Sopexa avait choisi d’interroger plus de 1100 acheteurs professionnels et distributeurs des marchés du vin tranquille (non effervescent) dans sept pays tiers (États-Unis, Canada, Japon, Russie, Chine, Hong-Kong, Corée du Sud), représentant, au total, une consommation de 67 millions d’hectolitres (hl), dont 28 millions hl importés, soit l’équivalent d’un chiffre d’affaires de 11 milliards d’euros.
Principal enseignement de cette enquête en ligne, menée entre le 8 mars et le 13 avril, la montée en puissance de l’Espagne, déjà visible aujourd’hui, va se confirmer dans le futur. « Ce que l’on constate, c’est que dans une grande diversité d’origines – plus de 8 origines par portefeuille – si la France demeure incontournable, étant référencé par 94 % des répondants, l’Espagne figure maintenant dans les fonds de portefeuille, avec un score de 76 %, juste derrière l’Italie, deuxième avec 80 % », a commenté François Collache (notre photo), directeur Vins et spiritueux de Sopexa. Derrière, pointent d’autres challengers, comme le Chili, avec 64 %, qui bénéficie des accords de libre-échange conclus avec la Corée, le Japon et la Chine, et l’Australie, avec 62 %, qui sont « les pays du Nouveau Monde les plus agressifs depuis des années », soulignait le responsable de l’agence de communication et de marketing spécialisée dans l’agroalimentaire.
L’Allemagne, vers une chute historique
La Sopexa a aussi interrogé les professionnels des pays tiers sur leurs intentions dans les deux à venir. Ainsi, parmi les trois origines qui progresseront le plus, figurent dans l’ordre France, Espagne et Italie. « Ce qui m’impressionne le plus, c’est la position favorable de l’Espagne », confiait François Collache. En effet, si l’on met bout à bout ces progressions avec les baisses également attendues par des professionnels des différents pays tiers, l’Espagne sera l’origine avec la différence positive la plus importante (+ 24), alors que l’Allemagne notamment devrait subir un chute historique (- 17).
Dans le détail, d’après le Wine Trade Monitor 2016, 40 % des opérateurs interrogés attendent une progression de leurs ventes de vins espagnols à l’horizon 2018. En Chine, où le bordeaux règne toujours en maître, « les vins espagnols font désormais jeu égal avec leurs concurrents australiens, qui, pourtant, étaient nettement plus présents en 2011 dans l’offre des opérateurs », note la Sopexa. Et dans les deux ans à venir, un opérateur sur deux s’attend encore à un « essor important » de l’origine Espagne au Canada, en Russie et en Corée du Sud.
Selon François Collache, les raisons de ce succès sont multiples : « le dynamisme de la production », « une offre bien positionnée, comprenant à la fois des produits plaisirs pour une consommation courante et une offre assez large pour s’adapter aux différents segments de la distribution », enfin, « des marques fortes, vecteurs de notoriété qualitative ». Dans un film court diffusé le 6 octobre, le président de la Fédération espagnole du vin, le Français Christian Barré, directeur général Espagne de Pernod Ricard Winemakers, a cité d’autres causes de cette réussite : « l’excellent rapport qualité-prix », la prise de conscience « de la nécessité de se développer à l’export » – « depuis six à sept ans, il y a de plus en plus de marques espagnoles sur les marchés traditionnels et nouveaux » – la capacité de la filière à « s’appuyer sur les aides européennes » pour la promotion de vins hors Europe. A cette promotion extérieure, s’ajouterait celle des régions viticoles elles-mêmes, à l’instar de la Rioja qui y investirait dix millions d’euros par an.
La Rioja est, d’ailleurs, la région européenne la plus plébiscitée, derrière le Languedoc, mais devant Côte du Rhône et Bordeaux. A cet égard, la chute de l’origine allemande est confirmée par les scores désastreux de toutes les régions allemandes dans les intentions d’achats des professionnels des pays tiers. Dans le score final (écart entre augmentations et diminutions des approvisionnements attendus), elles sont toutes classées avec un résultat négatif : Rheingau, avec – 6 (c’est le même écart que le Sud-ouest) ; Pfalz, Campo de Borja, Rheinhessen, Mosel, Baden, Franken et Wurttemberg, entre – 13 à – 22 (c’est moins, toutefois, que l’Alsace et le Beaujolais, avec, respectivement, – 53 et – 84). Or, au Japon, par exemple, les vins allemands ont déjà dégringolé de 20 points dans les catalogues des professionnels par rapport à 2011.
La France, numéro un pour l’image et la réputation
Dans le Wine Trade Monitor, l’Espagne et le Chili sont largement plébiscités pour « l’attractivité des prix » et comme des fournisseurs de « vins pour tous les jours », alors que la France devance largement les autres compétiteurs en ce qui concerne l’image et la réputation de ses vins, en particulier en Asie. « Notre pays est perçu comme une nation d’offre premium, avec une qualité de produits et de services, mais elle est en retard pour l’attractivité des prix, l’innovation et le vin de tous les jours », exposait encore François Collache.
Les vins d’Espagne bénéficient aussi de la montée en puissance de la gastronomie espagnole, avec ses tapas accessibles à tous, dont l’impact est aussi positif que l’est déjà depuis des années la restauration italienne pour les produits de la péninsule. Selon Christian Barré, il faut aussi tenir compte du poids des cadors de la filière en Espagne. Selon lui, sur un total de 5 000 bodegas, « les dix premières représentant plus de 45 % du business tirent l’export ».
En Corée, outre le bon rapport qualité-prix et l’influence de la gastronomie, Suk Young Chung, directrice du bureau de Sopexa à Séoul ajoute la qualité du goût, « une saveur que les Coréens apprécient et qui pourrait se traduire par le mot japonais Umami (5e saveur), et « un relatif effet nouveauté par rapport aux offres française, italienne et chilienne qui sont déjà présentes sur ce marché ».
François Pargny
Pour prolonger :
– Dossier Canada 2016 : le plan économique qui ouvre des marchés
– Dossier États-Unis 2016 : comment est-on passé de la « French Touch » à la « French Tech »