Dans le vin, comme dans l’ensemble des biens de consommation, l’e-commerce s’est taillé une place de choix au Brésil. Au point que le géant latino-américain était déjà, avant la crise sanitaire et économique liée au Covid-19, numéro trois mondial de ce type de vente, soulignait Philippe Ormancey, CEO et fondateur de Chez France, lors d’un wébinaire sur l’Amérique latine de Business France et Vitisphère, le 4 juin.
Selon cet importateur et distributeur en ligne de vins français, « 30 % des achats sont réalisés grâce au e-commerce, contre seulement 10 % en France ». Une proportion qui ne cesse d’augmenter depuis l’irruption du coronavirus et qui devrait perdurer avec la sortie progressive du confinement.
« Pendant le confinement, la consommation de vin a augmenté. Et l’e-commerce, en particulier, a progressé de 20 %, mais aussi les supermarchés dans une proportion équivalente », indiquait Hugues Pichon, chargé de Développement agrotech au sein du bureau de Business France au Brésil. Chez France a, pour sa part, accru de 300 % ses ventes en ligne pendant la crise.
Cette évolution est notable parce que les Brésiliens sont « des gens très connectés », selon Philippe Ormancey, également conseiller du commerce extérieur (CCE) en charge du vin au Brésil. Et que, par ailleurs, la bière demeure de très loin encore la première boisson alcoolisée, représentant 91 % de la consommation totale en 2019. Pendant le confinement, il était possible de livrer les marchandises. Les États fédérés, voire les municipalités avaient pris des mesures de confinement partiel, des facilités douanières avaient été instaurées, notamment pour le matériel médical, et un plan d’aides des entreprises avait été lancé.
L’an passé, les Brésiliens ont consommé 325 millions de litres de vin, ce qui reste très modeste par rapport au volume global de boissons alcoolisées d’environ 1,6 milliard de litres. Mais l’intérêt pour le vin est aujourd’hui une réalité.
Succès des produits Vin de France
Reste que le positionnement prix est très important dans un pays dont la monnaie s’est fortement dépréciée par rapport à l’euro. « Les produits européens sont maintenant 15 à 20 % plus coûteux, ce qui peut dissuader des professionnels pour de nouveaux référencements, mais certainement pas stopper totalement des importations », précisait Hugues Pichon.
La pression sur les prix est une des raisons du succès des vins sans identification géographique livrés sous la dénomination nationale Vin de France qui permet d’assembler des cépages de différents vignobles français, plus abordables que les appellations d’origine. « Depuis 2015, confirmait Philippe Ormancey, la dévaluation de la monnaie locale s’est traduite par une forte pression sur les prix. Ainsi au lieu des appellations d’origine à plus de 4 euros Ex Works (départ usine), les acheteurs ont recherché des produits à 2-3 euros Ex Works ».
C’est ainsi que les premiers, les Languedoc, se sont développés au Brésil. Cette région à mono cépages a rejoint la concurrence chilienne et argentine présente depuis 20 ans offrant des vins simples et lisibles vendus en supermarché et en ligne. La Loire suscite aussi aujourd’hui l’engouement, tant en rouge qu’en blanc, avec ses cépages Cabernet franc, Sauvignon blanc et Chenin.
Au Brésil, les grandes surfaces demeurent primordiales, en représentant bon an mal an 50 % des achats de vin. Les Carrefour et autres Casino, selon Philippe Ormancey, « mettent en rayon des vins simples, des Vin de France ». Le consommateur de ce type de produits serait plutôt « un jeune de 30-35 ans, célibataire, homme ou femme à la découverte de vins légers, fruités, dans la tendance organique, biodynamique », détaille Philippe Ormancey, qui se déclare lui-même intéressé par des produits « HVE (haute valeur environnementale) dans le fruit, naturels et légers ».
Jeunes néo-consommateurs et connaisseurs plus âgés
Au Brésil, deux types de consommateurs se côtoient dorénavant : les connaisseurs âgés de plus de 50 ans et les jeunes néo-consommateurs, décomplexés par rapport au vin. Les connaisseurs restent attachés aux classiques, bordeaux et bourgogne, généralement des appellations d’origine. Eux s’approvisionnent auprès des cavistes ou appartiennent à des clubs de consommateurs de vins.
Philippe Ormancey se félicitait lors du wébinaire que l’Association nationale interprofessionnelles des vins de France (Anivin), appuyé par Business France, ait choisi d’engager des budgets marketing pour promouvoir les produits Vin de France au Brésil. Une option payante, selon lui, et dont profite, en fait, l’ensemble de l’offre tricolore. Pour lui, il faut persévérer, il y a de la place et de la marge pour les produits de l’Hexagone. Paris, avant l’irruption de la pandémie, avait annoncé son intention d’accroître sa coopération avec Brasilia. Il est l’heure d’en profiter. Dans le vin, la France ne compterait encore que pour 10 % des importations.
François Pargny