Entre 2009 et 2013, le produit intérieur brut (PIB) du Vietnam a bondi de 1 000 à 1 900 dollars par habitant. Pour poursuivre son ascension et éviter de tomber dans le piège des pays à revenus moyens, il lui faut encore améliorer sa compétitivité. D’où la nécessité de renforcer sensiblement ses infrastructures et sa production énergétique.
Lors de l’atelier Vietnam, organisé par Ubifrance à Paris, le 23 septembre, Rémi Genevey, directeur de l’Agence française de développement (AFD) dans ce pays, indiquait que depuis dix ans la demande d’électricité y augmente de 14 % par an. Ce qui explique les énormes investissements prévus, pas moins de 30 milliards d’euros, devant être financés par l’État, les bailleurs de fonds et le secteur privé bancaire et industriel. Avec pour objectif de passer d’une capacité de 20 gigawatts (GW) en 2011 à 75 GW en 2030.
Selon le dirigeant de l’AFD, « il y a un potentiel hydraulique », ce segment couvrant déjà « 50 % des besoins », mais « le mix énergétique risque de se dégrader ». La part du charbon pourrait, en effet, s’accroître et donc « la contribution du Vietnam aux émissions de gaz carbonique ». L’organisme japonais de coopération, Jica, l’AFD et la Banque mondiale ont, d’ailleurs, concocté un programme d’appui aux réformes permettant de lutter contre les menaces sur le climat.
L’Union européenne, par exemple, dont l’aide s’élèvera à 400 millions d’euros entre 2016 et 2020, a prévu de consacrer 80 % de cette somme à l’énergie, à l’amélioration de l’efficacité, le développement des énergies renouvelables, la réforme du secteur, notamment avec le financement de sources de substitution aux énergies fossiles. En matière d’électricité, l’AFD finance aussi une ligne à haute tension nord-sud et la Banque asiatique de développement (Bad) de nombreux projets de transmission et de distribution.
L’enjeu des énergies renouvelables et du nucléaire
« Nous voulons promouvoir les énergies renouvelables », a confirmé à Paris la vice-ministre à l’industrie et au commerce (MOIT), Ho Thi Kim Thoa. « Notre but, précise Pham Khac Tho, directeur général adjoint de l’Énergie au MOIT, est de passer à 4,5 % de ces énergies propres en 2020 et 11 % en 2050 ». L’idée serait ainsi de réduire la part du charbon, qui serait réorienté vers l’export, d’accentuer l’utilisation de pétrole recueilli en offshore profond et de développer le secteur nucléaire. Selon Pham Khac Tho, le nucléaire devra représenter 4 000 mégawatts (MW) en 2020 et 10 700 MW en 2030.
Deux projets de centrales électriques doivent être lancés entre 2021 et 2025, représentant 2 400 MW et 7 projets entre 2025 et 2020 pour un total de 6 800 MW. Des appels d’offres vont aussi concerner des complexes gaziers. Dans le cadre de la coopération France-Vietnam, EDF, via sa filiale Mekong Energy Company (Meco), est propriétaire de la centrale Phu My 2-2, réalisée sous forme de BOT (Build-Operate-Transfer). Pour Philippe Varin (notre photo), représentant spécial du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) pour les Affaires économiques dans l’Asean (Association des nations du Sud-est asiatique), il y a, certes, une offre chinoise, mais, affirme-t-il, « il y a de la place pour d’autres acteurs, à condition que ceux-ci se coordonnent mieux ».
Projet aéroportuaires et PPP vont de pair
A Paris, Hoang Thi Tuyet Hoa, directrice adjointe du Plan au MOIT, déclarait que « le gouvernement était sur le point de valider les nouvelles règles du partenariat privé public (PPP) pour des projets d’infrastructures, de transport et d’énergie ». Un dossier d’autant plus sensible pour la France, qui cible les grands programmes aéroportuaires du Vietnam. Or, d’après le Service économique, dans ce secteur, l’essentiel des projets, qui constitueraient un montant significatif (13 milliards de dollars), serait financé avec un PPP.
Le nouvel aéroport de Lang Thanh compterait à lui seul pour 7 milliards de dollars. Il devrait permettre de désengorger celui d’Ho Chi Minh Ville, qui serait saturé à partir de 2015. La France peut espérer l’emporter en matière de construction et d’exploitation du terminal passagers et de la zone cargo. Thalès, après avoir gagné les contrats pour les ouvrages de Ho Chi Minh Ville et de Danang, peut aussi être sélectionné pour la gestion du trafic aérien.
Autre pôle d’excellence de la France, la construction et l’exploitation du métro. A Ho Chi Minh Ville, sur un plan directeur de 6 projets, une première ligne est prévue en 2017. A Hanoï, le plan directeur comprend cinq lignes. En janvier, le contrat, sur financement de la France, la Bad et la BEI (Banque européenne d’investissement), portant sur la vérification et certification de la sécurité de la ligne Nhon-gare de Hanoï, a été attribué au consortium composé d’Apave, de Bureau Véritas et de Certifer. L’ingénierie est confiée à Systra. Et en avril, le coréen Daelim Industrial a été choisi pour construire la partie aérienne de la ligne.
« Pour tous les grands projets d’infrastructures, de transport et d’électricité, nous cherchons à diminuer les délais d’expropriation des terrains », souligne Hoang Thi Tuyet Hoa. « Et pour cause ! La longueur des délais explique une grande partie des retards dans les projets de métro », commente pour Le Moci un acteur de la filière au Vietnam.
Des opportunités dans l’agriculture, le textile, le plastique, la pharmacie
La vice-ministre Ho Thi Kim Thoa était accompagnée à Paris d’une forte délégation d’hommes d’affaires, actifs dans toute une série de secteurs : industrie, agriculture, construction, textile, électroménager, etc. Par exemple, dans l’agriculture, le Vietnam souhaite accueillir plus d’investissements dans la transformation afin d’exporter en Europe.
« Dans le textile et les chaussures, a poursuivi Ho Thi Kim Thoa, le Vietnam, avec deux milliards de dollars d’exportations, figurent dans les cinq premiers dans le textile et les quatre premiers dans les chaussures dans le monde. Mais nous avons grandement besoin de sources d’approvisionnement en matières premières et d’investissements étrangers », plaide la vice-ministre.
Autre exemple de produit qui devrait tenter les entreprises françaises, le plastique. Selon la directrice adjointe du Plan au MOIT, son pays « importe des matières premières » et « la production locale ne couvre que 20 à 30 % de la demande locale ». Encore un domaine qui intéresse la France, selon Hoang Thi Tuyet Hoa, la pharmacie. Le Vietnam, pour traiter les maladies transmissibles ou les virus, voudrait développer la production de médicaments à base de matières premières naturelles, les vaccins et les antibiotiques.
François Pargny