Le Conseil et le Parlement de l’Union européenne sont parvenus le 30 juin à un accord provisoire sur un instrument de lutte contre les subventions étrangères faussant le marché intérieur. S’il doit encore être formellement entériné par chaque institution, il propose en l’état de venir combler un vide juridique faisant la part belle à des entreprises de pays tiers ne jouant pas selon les mêmes règles.
En matière d’acquisitions et de passations de marchés publics, les entreprises de pays tiers devront dorénavant se soumettre aux mêmes règles que celles de l’UE. En effet, à l’heure actuelle, des législations européennes encadrent strictement les aides que les États membres leur accordent afin d’éviter toute concurrence déloyale, mais ne concernent pas les subventions des pays tiers à leurs entreprises.
Garanties, avantages fiscaux, aides directes ou crédits à taux zéro… Certaines entreprises des pays tiers disposent de multiples outils leur permettant de fausser la concurrence. Conséquence : des subventions étrangères tendent parfois à faciliter injustement la réalisation de certaines activités commerciales au sein de l’UE et privent les entreprises européennes d’opportunités économiques.
Concrètement, si une subvention étrangère faussant le marché intérieur est caractérisée, la Commission européenne pourra dorénavant, au terme d’une enquête, prendre toutes les mesures nécessaires (réduction de la présence sur le marché, cession de certains actifs, remboursement de la subvention étrangère, etc.) afin de restaurer une concurrence loyale, et pourra appliquer des sanctions financières en cas de non-respect de ces mesures.
La Chine en ligne de mire
Cet instrument aura également un rôle incitatif car, tout en défendant les intérêts des entreprises européennes, il aura vocation à inciter les États tiers qui ont massivement recours à des subventions à les encadrer avant leur octroi. L’idée étant d’engager un dialogue avec les pays tiers octroyant des subventions de manière répétée, pour remédier aux distorsions dès l’origine.
En filigrane, Bruxelles entend lutter contre la politique particulièrement agressive des entreprises chinoises. Ainsi, un rapport de la Cour des comptes européennes de 2020 alertait des dangers de « la stratégie d’investissement étatique de la Chine » qui « pose problème à l’UE en raison de l’importance croissante de ce pays en tant qu’acteur économique ». Selon les calculs de la Cour, le stock d’investissements chinois dans les pays de l’Union atteignait en effet 202 milliards d’euros en 2018, soit l’équivalent du PIB de la Nouvelle-Zélande.
« Les entreprises d’État bénéficiant de financements publics chinois, notamment, font partie de cette stratégie d’investissement. Conformément à la réglementation de l’Union européenne, si ces subventions étaient accordées par les États membres, elles seraient considérées comme des aides d’État, regrettait la Cour. En raison de cette différence de traitement, il est difficile pour l’UE d’assurer des conditions de concurrence équitables avec la Chine. »
Ceci étant, comme le soulignait Le Moci en février dernier, cette stratégie d’investissement est en perte de vitesse dans les PECO, où Pékin avait jeté son dévolu.
Sophie Creusillet