Le Conseil européen, organe de représentation des Vingt-sept États membres de l’Union européenne (UE), a adopté à l’unanimité, le 25 novembre, sa position commune sur deux projets de règlement majeurs pour l’économie et le commerce numériques européens : le Digital Service Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA). Ils visent à réguler l’espace numérique et mettre à jour la directive sur le commerce électronique datant de l’an 2000. Mais le calendrier est loin d’être bouclé.
Il aura fallu un peu plus de 11 mois après la proposition initiale de la Commission européenne – un temps record – pour que les Vingt-sept ministres en charge du dossier se mettent d’accord pour remettre de l’ordre dans l’espace numérique. « Un accord aussi rapide c’est exceptionnel, s’est félicité Cédric O, le secrétaire d’État français au numérique. Ces deux textes sont peut-être les plus importants dans l’histoire de la régulation du numérique ».
Le DMA vise les « plateformes structurantes »
Le DMA, d’abord, vise à encadrer les activités des « plateformes structurantes » ou « gatekeepers » afin d’éviter les abus de positions dominantes.
Pour entrer dans le champ d’application du texte, ces plateformes doivent avoir une position économique forte, un impact significatif sur le marché intérieur, être actives dans au moins trois pays du bloc. En bref, il concerne « les acteurs ayant acquis un pouvoir de marché quasi-incontestable », résume un communiqué du gouvernement français.
Outre les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), les nouvelles règles pourront également s’appliquer à des plateformes européennes telles que Booking, ainsi qu’aux géants chinois Alibaba et ByteDance (TikTok).
Le DMA fixe une liste de pratiques déloyales et des obligations strictes, définies en fonction du poids de la plateforme. Il prévoit notamment l’interdiction, pour ces portails, de favoriser leurs propres produits au détriment des autres ou encore l’obligation d’autoriser les professionnels à conclure des contrats avec les consommateurs en dehors de la Plateforme.
Le projet de règlement prévoit aussi un contrôle plus sévère et plus rapide des acquisitions des géants du Net, pour éviter qu’elles ne constituent un frein à la libre-concurrence.
Le DSA fait encore l’objet de discussion complexes
Le DSA vise quant à lui à mieux encadrer les contenus et sera applicable à tous les intermédiaires en ligne.
De nombreux sujets entrent dans son champ de compétence tels que la responsabilité des plateformes, la lutte contre la diffusion de contenus illicites et contre la désinformation sur Internet, la lutte contre la contrefaçon ou la publicité en ligne.
Les obligations légales qui s’appliqueront aux entreprises de la tech varieront en fonction de leur taille. Des exemptions de diligence raisonnable pourront être accordées aux PME. Ce volet fait encore l’objet d’intenses débats au sein du Parlement européen (PE).
Contrairement au DMA, qui n’a pas subi de modifications majeures de la part des États membres, le DSA a donné lieu à des discussions complexes au sein du Conseil. Même constat au PE ou les députés n’ont pas encore arrêté leur position commune sur le texte alors que le projet de règlement sur les marchés numériques (DMA) a été voté le 23 novembre, à une écrasante majorité (42 voix pour 2 contre et 1 abstention), par les députés de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO).
Rehaussement des seuils pour les « gatekeepers »
Parmi les modifications apportées à la proposition initiale de la Commission concernant la DMA, les eurodéputés ont modifié les seuils définissant une plateforme de « gatekeeper ». « Il s’agissait de restreindre le nombre d’entreprises visées », explique un collaborateur d’Andreas Schwab (PPE, Allemagne), rapporteur sur le texte. Ce dernier voulait initialement le limiter aux GAFAM « afin de concentrer les ressources de mise en œuvre sur les plus grandes plateformes ».
Face à l’opposition, notamment des Verts et des Socialistes, les seuils ont finalement été légèrement revus à la hausse.
Pour entrer dans le champ d’application du DMA, une entreprise doit avoir un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros annuel, contre 6,5 milliards d’euros auparavant. De plus, leur capitalisation boursière doit être de 80 milliards d’euros, contre 65 milliards d’euros d’après le texte de la Commission. Pour être qualifiées de contrôleur d’accès elles devront également disposer d’au moins 45 millions d’utilisateurs finaux par mois ainsi que de plus de 10 000 entreprises utilisatrices.
La France aura un rôle clé dans le calendrier
Prochaines étapes ? L’adoption en plénière, probablement courant du mois de décembre, de la position du PE sur le DMA. Les eurodéputés devront également finaliser les discussions sur le DSA.
Une fois cette phase de négociation achevée, les discussions en trilogue – qui réunit les représentants de la Commission, du Conseil et du PE – pourront débuter afin d’aboutir à une position finale commune.
La France, qui tiendra la présidence du conseil de l’UE de janvier à juin 2022, jouera un rôle clé dans l’adoption des deux projets de règlement. « La France, pendant sa présidence, travaillera à faire aboutir ces textes ambitieux », a souligné Clément Beaune, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles