La Commission européenne dévoilera ce mercredi sa « boussole de la compétitivité », une feuille de route pour les cinq prochaines années, inspirée du récent rapport de Mario Draghi. Parmi les mesures avancées, la mise en place d’une préférence européenne dans les marchés publics, susceptible de créer de la controverse au sein des États membres. Revue de détail dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
Deux mois après son entrée en fonction, la Commission européenne s’apprête à dévoiler mercredi 29 janvier son premier texte majeur : la « boussole de la compétitivité ». Inspirée des rapports remis par Enrico Letta et Mario Draghi à Ursula von der Leyen, cette feuille de route, consultée en sa version provisoire par BLOCS, fait état d’un ensemble de projets qui devront être concrétisés dans les mois à venir par des propositions et des législations spécifiques afin de renforcer la compétitivité européenne.
Pour l’UE, il est urgent d’agir : l’économie du bloc, qui décroche dangereusement par rapport aux puissances chinoise et américaine, se trouve d’autant plus menacée face aux menaces protectionnistes de Donald Trump.
« Dans un système global où les tensions géopolitiques, la compétition pour la suprématie technologique et la lutte pour le contrôle des ressources sont croissantes, la liberté, la sécurité et l’autonomie de l’Europe dépendent plus que jamais de sa capacité à innover, à rivaliser et à croître », précise la version provisoire du document.
Préférence européenne
Dans cette perspective, la boussole de la compétitivité place la sécurité économique et la résilience commerciale au cœur de ses priorités. Bruxelles entend réduire les dépendances stratégiques qui fragilisent son autonomie, notamment dans les secteurs critiques.
Le document, long d’une vingtaine de pages, souligne ainsi que les tensions internationales, les menaces sur les infrastructures et les surcapacités industrielles créées artificiellement par certains pays tiers constituent autant de risques pour les entreprises européennes.
Une des propositions majeures de cette version provisoire de la feuille de route concerne la révision de la directive sur les marchés publics en 2026. La Commission envisage d’introduire une préférence européenne pour les secteurs et technologies stratégiques, afin de renforcer les chaînes d’approvisionnement locales et garantir une meilleure sécurité technologique. Selon l’exécutif européen, ces actions devraient permettre à l’Union de mieux se préparer aux abus de certains acteurs économiques, tout en simplifiant l’accès des startups et entreprises innovantes aux marchés publics.
« Dans un contexte où d’autres acteurs majeurs imposent des restrictions d’accès à leurs marchés et cherchent à renforcer les capacités de production dans des technologies essentielles, l’Europe doit préserver ses propres capacités », explique Bruxelles dans son document.
Cette proposition hautement politique, dans un contexte où les États-Unis et la Chine adoptent des positions protectionnistes, promet des débats houleux entre les États membres, avec d’un côté des pays comme la France, qui appellent depuis plusieurs années à la mise en place d’une telle mesure, et de l’autre, les pays du Nord, traditionnellement libéraux et globalement opposés à toute intervention sur le marché.
Agrégation de la demande
Parallèlement, la Commission propose des mesures visant à diversifier les chaînes d’approvisionnement à travers des partenariats bilatéraux et multilatéraux, tout en encourageant « l’innovation et la recherche, le soutien financier ciblé pour la mise en place ou la promotion de capacités nationales de transformation ou de fabrication et la création de réserves et de stocks ».
En s’inspirant du mécanisme d’agrégation de la demande de gaz, mis en place en 2022, la Commission européenne propose de créer une « plateforme » commune de l’UE pour faciliter l’achat conjoint de matières premières critiques, considérés comme des « intrants cruciaux pour les secteurs de l’énergie et de l’industrie ».
L’exécutif européen souhaite renforcer ses outils de protection économique. Le contrôle des investissements étrangers, le règlement sur les subventions étrangères et la coordination accrue entre les États membres figurent parmi les moyens envisagés pour prévenir les pratiques déloyales et défendre le marché unique.
Sur le volet commercial, la Commission met l’accent sur l’ouverture stratégique. En s’appuyant sur des accords commerciaux modernisés – comme ceux conclus avec le Mercosur et le Mexique – l’UE veut conjuguer « prospérité économique, réciprocité et sécurité ». Elle souhaite développer de nouveaux partenariats de commerce et d’investissement propres, qui viseront à « sécuriser l’approvisionnement en ressources critiques, technologies vertes et énergies propres, tout en favorisant les investissements durables ».