L’Italie est un marché sophistiqué et concurrentiel, qui offre des opportunités de niche dans de nombreux secteurs. Un terrain favorable à la « french touch », à condition d’y cultiver sa différence… Enquête en partenariat avec la revue « France-Italie » de la Chambre de commerce italienne en France (CCIF).
Une file pratiquement continue de camions sur l’autoroute entre Turin et Venise. Des villes historiques prospères comme Vérone, Bergame ou Trévise, entourées de zones industrielles où on trouve une myriade de PME. Un séjour en Italie du Nord, aussi bref soit-il, suffit à détruire les clichés. Si le Sud, le Mezzogiorno, demeure englué dans des problèmes dont certains relèvent purement et simplement de l’histoire et de la culture, il y a une autre Italie, celle du Nord et du centre, dont les Français auraient bien tort de se moquer. Témoin, Milan vient d’être sélectionnée pour accueillir l’Exposition universelle de 2015. Et celle-ci aura pour thème dominant « Nourrir la planète, énergie pour la vie », un thème d’une actualité brûlante.
Quelques chiffres suffisent à remettre les idées en place. En 2007, l’Italie a réduit son déficit commercial à 9,4 milliards d’euros (20,5 milliards en 2006). Et elle nous vend davantage que nous ne lui achetons, notamment de biens de consommation et de biens d’équipement professionnels. D’où un déficit commercial bilatéral de 2 milliards d’euros en 2007 pour la France.
L’excédent commercial du secteur italien de la mode (habillement, textile, maroquinerie et chaussure) a atteint 16,5 milliards d’euros en 2007 avec un taux d’exportation de plus de 60 %. En dépit de l’offensive mondiale des producteurs asiatiques, et en particulier de la Chine, la filière textile-habillement résiste bien mieux que celles des autres pays européens. Les entreprises italiennes ont parié avec succès sur la créativité et le label « made in Italy ». Mais, surtout, elles font preuve d’un sens aigu du marketing et de la vente.
« Le pays dispose d’une classe d’entrepreneurs de haut niveau, réactifs, capables de surmonter les crises et ce, sans rien attendre de l’État », explique Pierre Destefanis, associé de CDR Associati et président de la section Italie des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF). Il y a 4,3 millions d’entreprises en Italie, dont 4,2 millions sont des TPE (moins de 20 salariés). Celles-ci sont habituées, et c’est un élément clé, à s’en sortir sans l’appui d’un État souvent inefficace, comme le montre le mauvais fonctionnement du système postal. Ce sont surtout les régions et les associations professionnelles qui les appuient.
Certes, l’économie connaît une conjoncture difficile. Elle devrait stagner en 2008 après deux années consécutives de croissance. L’appréciation de l’euro, la hausse du prix du pétrole, le ralentissement des marchés des pays industrialisés freineront la croissance des exportations. Le marché intérieur donne des signes de faiblesse. L’État est lourdement endetté et l’inflation est repartie à la hausse (+3,3 % en avril 2008 en rythme annuel) tandis que le pouvoir d’achat recule.
Comme en France, le nouveau Premier ministre, Silvio Berlusconi, est confronté à la nécessité à la fois de relancer l’économie et de faire des réformes structurelles. Mais, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la coalition au pouvoir dispose d’une majorité absolue indiscutable et peut donc appliquer son programme sans craindre les traditionnelles crises de gouvernement.
Le contexte est donc favorable à une redécouverte de l’Italie. Son marché intérieur de près de 60 millions d’habitants et son pouvoir d’achat élevé offrent bien des atouts, souvent méconnus. « Le consommateur est ouvert à la nouveauté. Si l’entreprise française présente un produit ou un service original avec un rapport qualité/prix raisonnable, elle a toutes les chances d’intéresser. Le pays est un marché de niches », explique Chantal Pallin Zanardi, directrice générale de la Chambre française de commerce et d’industrie en Italie (CFCII).
Mieux, le fait que la péninsule soit très compétitive dans la mode ou l’alimentaire ne signifie pas une fermeture automatique. Car le fort développement de ces secteurs est lié à l’existence d’une demande forte sur le marché intérieur. Par ailleurs, le consommateur italien est moins protectionniste qu’on ne le croit généralement : il est par définition toujours séduit par la nouveauté. C’est donc un contexte particulièrement favorable pour la « french touch », d’autant que les produits venant de France bénéficient d’un a priori favorable.
Toute la difficulté réside dans l’identification des niches et la nécessité pour les entreprises françaises de s’adapter au contexte local. Celles qui ont tenté l’aventure ont eu l’heureuse surprise de constater que Français et Italiens sont bien plus complémentaires qu’ils ne le pensent, les premiers apportant des qualités d’organisation et les seconds un dynamisme et une créativité qui nous font défaut. Les expériences des sociétés que nous avons rencontrées montrent que l’Italie est un marché où la « french touch » a encore de belles perspectives de développement.
Daniel Solano, envoyé spécial à Milan