Le ‘toilettage’ juridique s’est achevé fin février dernier, un nouvel accord a été scellé sur le futur système d’arbitrage investisseurs/Etats : l’Accord économique et commercial global (AECG) plus connu sous son signe anglais Canada EU Trade Agreement (CETA) va désormais entrer dans sa phase de ratification finale plus de deux ans après l’annonce d’un compromis au plus haut niveau politique. Lors du sommet européen de juin prochain, à Bruxelles, il devra d’abord être approuvé par les 28 chefs d’Etat et de gouvernement avant d’être débattu au Parlement européen pour ratification, mais aussi à la Chambre des communes à Ottawa.
Une fois ratifié, 90 % de l’accord commercial pourra être mis en œuvre. « La quasi-totalité de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada pourrait être effectif en toute fin d’année ou en janvier 2017 », a confirmé Marie-Anne Coninsx, l’ambassadrice de l’UE au Canada.
Considéré comme l’un des accords commerciaux les plus modernes au monde, il doit permettre une augmentation de près de 23 % des échanges de biens et services bilatéraux. « Le PIB de l’UE devrait augmenter de 11,6 milliards d’euros par an », souligne la Commission européenne.
Nombreux gains pour les exportateurs européens selon la Commission
L’élimination des droits industriels permettra ainsi aux exportateurs européens, selon la Commission, « d’économiser environ 470 millions d’euros par an ». Le secteur de l’agriculture et de l’alimentation connaîtra un processus similaire: près de 92 % des produits agricoles et alimentaires de l’UE seront exportés au Canada en franchise de droits.
En outre, l’élimination de la quasi-totalité des droits de douane canadiens sur les produits agricoles transformés (PAT) – qui font partie des principales exportations de l’UE – permettra à l’industrie agroalimentaire européenne de tirer largement profit de l’accord. En ce qui concerne les vins et les spiritueux, l’élimination des droits de douane couplée à la levée d’autres obstacles au commerce, faciliteront également l’accès au marché canadien.
Autre avantage notable pour les entreprises européennes : la possibilité de participer aux marchés publics canadiens, à tous les échelons – notamment au niveau provincial. Dans une étude conjointe UE/Canada, publiée en 2008, la valeur totale des marchés attribués chaque année par le gouvernement fédéral canadien est estimée entre 15 et 19 milliards de dollars canadiens. Et à d’autres niveaux de pouvoir, ce chiffre est nettement supérieur. En 2011, par exemple, les marchés publics attribués par les municipalités canadiennes étaient estimés à 112 milliards de dollars canadiens (environ 82 milliards d’euros), soit près de 7 % du PIB du pays.
Des progrès dans les services
A l’instar des négociations en cours entre l’UE et les Etats-Unis, l’accord scellé avec Ottawa vise aussi à renforcer la coopération réglementaire entre les deux blocs. Au sein du « Forum pour la coopération réglementaire », les autorités réglementaires des deux parties procéderont à l’échange d’expériences et d’informations utiles, mais ne bénéficieront pas d’un pouvoir de décision.
Le CETA prévoit également l’harmonisation des règles en matière de propriété intellectuelle. « L’évolution du système canadien des brevets profitera directement au secteur pharmaceutique de l’UE. En outre, les innovations, les œuvres d’art et les marques européennes seront mieux protégées contre le risque de copies illégales », souligne l’exécutif européen sur son site consacré aux relations entre les deux blocs. De nombreux produits agricoles européens d’origine géographique spécifique, comme le Grana Padano ou le Roquefort, seront protégés sur le marché canadien. L’accord prévoit également la possibilité d’ajouter à l’avenir d’autres noms de produits à la liste.
Le secteur des services profitera lui aussi des ouvertures prévues dans le CETA. Selon les estimations de Bruxelles, plus de la moitié de la hausse du PIB de l’UE pourrait provenir de la libéralisation du commerce des services. Plusieurs secteurs clés du Canada – les services financiers, les télécommunications, l’énergie et le transport maritime – devraient en effet ouvrir de nouvelles opportunités aux entreprises européennes.
Au-delà de l’accord, enfin, l’UE pourrait aussi se tourner vers le Canada pour sécuriser ses approvisionnements énergétiques, particulièrement en gaz naturel liquéfié (LNG). « C’est en 2020 que les exportations de LNG à partir de la côte atlantique du Canada et à destination de l’Europe pourraient commencer », a indiqué Marie-Anne Coninsx.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles