Nouveau coup de froid dans les relations entre Bruxelles et Ankara. La victoire étriquée du « oui » au référendum sur la réforme constitutionnelle turque – renforçant les pouvoirs du président turc – va en effet contraindre les Européens à clarifier leur position vis-à-vis de la Turquie. « Il est grand temps d’avoir un débat de fond » sur la question, commentait Johannes Hahn, lundi 24 avril à Bruxelles. « La situation actuelle n’est pas soutenable, ni pour la Turquie ni pour nous », a ajouté le commissaire en charge de l’Élargissement.
Et le dossier figure bien au menu de la réunion des ministres des Affaires étrangères ce vendredi 28 avril à Malte. Alors que certains pays, comme l’Autriche, réclament depuis plusieurs mois déjà la suspension des négociations d’adhésion, d’autres États, notamment l’Allemagne, hésitent à se mettre à dos un partenaire jugé incontournable, en particulier dans la gestion des flux migratoires. Mais si les pourparlers se poursuivent, la Turquie devra remplir les critères imposés à tous les pays candidats, insiste-t-on à Bruxelles où ce scénario reste l’option privilégiée.
Une adaptation de l’accord d’association
Les 28 pourraient néanmoins définir « un nouveau format de coopération », a précisé Johannes Hahn, évoquant une adaptation de l’accord d’association avec la Turquie ou l’amélioration de l’union douanière. Présentée fin 2016 par la Commission, la proposition vise à réorganiser l’union douanière de 1996, qui ne portait que sur les biens industriels et les produits agricoles transformés, en y intégrant les services, la plupart des produits agricoles, mais aussi les projets de développement durable et les marchés publics. Une manière de conserver de l’influence sur Ankara, l’UE demeurant le premier partenaire commercial de la Turquie.
Car si les mises en garde des Européens face aux dérives autoritaires du régime Erdogan ont provoqué un durcissement de la position turque vis-à-vis de l’UE, « l’argument économique pourrait être plus efficace », estime un haut responsable au sein de l’exécutif européen. A l’issue des purges menées par le régime au lendemain de la tentative de coup d’état de l’été 2016, plus de 600 entreprises turques ont été saisies et près de 150 000 personnes ont été suspendues de leurs fonctions ou limogées. Un climat délétère qui inquiète les investisseurs turcs et étrangers. Principaux responsables de la croissance au cours de cette dernière décennie, ils ont, en effet, divisé par deux leurs investissements en un an seulement. Le PIB a lui aussi reculé pour la première fois en sept ans au troisième trimestre 2016 (-1,8 %), et en novembre, le taux de chômage atteignait 12,1 %.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles