Les États membres ont donné leur feu vert, lundi 15 octobre, aux textes finalisés du pacte commercial et d’investissement négocié depuis 2010 avec Singapour. Moins important que celui conclu avec le Japon, il est néanmoins le premier accord de libre-échange de ce type à être scellé entre l’UE et un État membre de l’Association des nations de l’Asie du sud-est (Asean). D’où son intérêt pour les exportateurs. « C’est une porte d’entrée » vers la région Asie-Pacifique « et il est essentiel que nos entreprises puissent y prendre pied », s’est félicité Cecilia Malmström, la commissaire en charge du Commerce à Bruxelles.
Ces accords sont aussi les premiers « dits de nouvelle génération », rappelle un communiqué du Conseil. Contrairement aux précédents, ils ne se limitent pas à la suppression des droits de douane et des obstacles non tarifaires, mais contiennent aussi d’importantes dispositions sur la protection de la propriété intellectuelle, la libéralisation des investissements, l’accès aux marchés publics, la concurrence et le développement durable.
Entrée en vigueur du volet commercial en 2019
« La Commission tient ses engagements, l’accord de libre-échange pourra entrer en vigueur courant 2019 », soit avant la fin de son mandat, souligne un porte-parole de l’exécutif. Cette échéance avait pourtant jusqu’à présent été maintes fois reportée. Conclue au niveau politique en 2014, la finalisation du pacte a ensuite été menacée par une décision de la Cour de justice de l’UE (CJUE).
Rappelons que saisie par la Commission elle même- dans le but de clarifier ses compétences dans le domaine commercial – celle ci a estimé, dans un avis rendu en mai 2017, que l’accord conclu avec Singapour ne relevait pas exclusivement du bon vouloir de Bruxelles. Si l’avocate générale avait confirmé la compétence exclusive de l’UE pour la plus grande partie des dispositions des accords commerciaux, deux volets précis – le domaine des investissements étrangers, autres que directs, et le régime de règlement des différends entre investisseurs et États – relèvent quant à eux de la compétence mixte des États et de l’UE, selon la CJUE.
Conséquences? Tous les accords dits de nouvelle génération devront être ratifiés non seulement par le Conseil et le Parlement européens mais aussi par la trentaine des Parlements nationaux et/ou régionaux des États membres. Même s’il clarifie ses compétences, l’avis avait donc constitué un sérieux avertissement pour la Commission au moment même où celle-ci cherchait à multiplier les accords commerciaux. En conséquence, et pour éviter toute marche arrière, l’exécutif européen avait décidé, en avril dernier, de dissocier les parties des traités à ratifier. L’accord avec Singapour, tout comme celui avec le Japon et le Canada, intègre cette nouvelle modalité.
Commerce et et investissement traités séparément
Ainsi, le pacte commercial et d’investissement conclu avec Singapour, à l’instar de celui scellé avec le Japon, comprend désormais deux accords distincts, l’un traitant du commerce, l’autre de l’investissement :
1/-Un traité de libre-échange, d’abord, qui inclut les domaines relevant de la compétence exclusive de l’UE –commerce et réglementations relatives au commerce- et ne requiert donc que l’approbation du Conseil et du Parlement européens pour pouvoir entrer en vigueur. Celui-ci permettra l’élimination, d’ici trois à cinq ans, des droits de douane encore d’application.
Il supprimera également les barrières non tarifaires grâce à la reconnaissance des normes et évaluations de sécurité de l’UE, dans des secteurs stratégiques comme l’électronique, la pharmacie ou les pièces automobiles. Certains droits de douane continueront cependant de s’appliquer aux produits de la pêche et aux produits agricoles transformés qui entrent en Europe.
L’accord de libre-échange lèvera également les restrictions dans le secteur des services, « où les échanges bilatéraux se sont montés à 44,4 milliards d’euros en 2016 (…). Plus de 10 000 entreprises européennes utilisent Singapour comme pôle pour desservir l’ensemble de la région », détaille un communiqué du Conseil.
2/- Le Pacte UE / Singapour comprend, ensuite, un accord de protection des investissements dont les dispositions ont été reconnues par la CJUE « de compétences partagées ». Contrairement à l’ALE proprement dit, il devra donc être ratifié par l’UE et par chaque État membre avant d’entrer en vigueur.
Une fois prêt à être mis en application, il renforcera la protection des investisseurs des deux blocs, « tout en préservant les droits de chaque partie en matière de réglementation et de poursuite d’objectifs de politique publique comme la protection de la santé publique, la sécurité et l’environnement », précise le Conseil européen.
La signature des deux accords du pacte, auxquels s’ajoute un accord de partenariat, est programmée le 19 octobre, à Bruxelles, en marge du 12e sommet du dialogue Europe-Asie (ASEM). Si l’entrée en vigueur du traité de libre-échange devrait se concrétiser courant 2019, une fois adopté par le Parlement européen, l’application de l’accord d’investissement n’interviendra qu’après sa ratification par tous les Parlements nationaux et régionaux des États membres de l’UE. Une procédure plus longue, mais aussi plus incertaine.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour en savoir plus :
Les textes relatifs aux deux accords sont en ligne sur le site « Registre » de l’Union européenne (https://www.consilium.europa.eu/register/). Cliquez sur les liens suivants :
-L’accord de libre-échange : https://www.consilium.europa.eu/
-L’accord d’investissement : https://www.consilium.europa.eu/