La ministre des Finances du Royaume-Uni a ouvert la porte au rapprochement douanier proposé par la Commission européenne la semaine dernière. Si l’accord entrevu pourrait avoir d’importantes conséquences commerciales, le gouvernement britannique apparaît néanmoins divisé face à cette opportunité. Revue de détail dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
Le Royaume-Uni est-il disposé à se rapprocher de l’Union européenne (UE) en matière commerciale ? C’est en tout cas ce qu’a suggéré la ministre des Finances britannique. Dimanche [26 janvier], sur la chaîne Sky News, Rachel Reeves, l’un des principaux visages de l’exécutif, a ainsi assuré regarder d’un bon œil la proposition récemment formulée à Londres par le commissaire européen au Commerce Maros Sefcovic quant à une suppressions de certains obstacles sur le plan douanier.
Concrètement, il s’agirait pour le Royaume-Uni de rejoindre la Convention paneuro-méditerranéenne, un accord scellé en 2012 regroupant certains pays membres, des États méditerranéens et des pays des Balkans. En y adhérant, le pays qui a quitté au 1er janvier 2021 le marché unique et l’Union douanière, bénéficierait d’une réduction significative des barrières aux échanges, d’un accès facilité aux marchés européens et d’une diminution des coûts pour ses entreprises.
De nombreux acteurs économiques soutiennent ainsi cette initiative, estimant qu’elle pourrait réduire la lourde facture commerciale post-Brexit.
« Nous sommes absolument ravis d’examiner ces propositions, car nous savons que l’accord obtenu par le gouvernement précédent ne fonctionne pas suffisamment bien », a indiqué la chancelière de l’Echiquier, alors que l’accord de Commerce et de coopération conclu entre les deux parties en décembre 2020 peut théoriquement être rouvert depuis le 1er janvier 2025. Ce faisant, Rachel Reeves a désavoué le ministre des Relations post-Brexit avec l’UE, Nick Thomas-Symonds, qui avait initialement affirmé que Londres « n'[avait] aucun projet de rejoindre » un tel accord.
La ligne de Londres vis-à-vis de Bruxelles reste ainsi difficile à décrypter. D’un côté, le travailliste Keir Starmer, aux affaires depuis juillet dernier, se dit désireux de fluidifer les échanges commerciaux. Le Premier ministre milite depuis son arrivée pour un « reset » – une réinitialisation de la relation avec l’UE.
Ce rapprochement pourrait d’ailleurs se faire au prix d’une coopération plus étroite sur le plan de la défense, ce qui serait dans l’intérêt de l’UE. Le sujet sera au cœur d’une réunion informelle des Vingt-Sept, lundi prochain [3 février] à Bruxelles, à laquelle a été convié le locataire du 10 Downing Street.
Une certaine ambiguïté stratégique
D’un autre côté, M. Starmer a aussi été élu en fixant trois lignes rouges : ne pas rejoindre ni le marché unique, ni l’Union douanière de l’UE, et ne pas rétablir la libre circulation des personnes. Et il ne semble pas encore prêt à se dédire.
Plus généralement, le Royaume-Uni fait planer une certaine ambiguïté stratégique sur la manière dont il compte naviguer dans un contexte commercial marqué par les tensions sino-américaines, et le retour du protectionniste Donald Trump.
Mi-janvier, la même Rachel Reeves s’était ainsi rendue à Pékin puis Shangaï pour proclamer que renforcer le lien commercial avec la Chine est « absolument dans l’intérêt du Royaume-Uni ». Ce voyage – le premier dans ce format depuis 2017 – n’avait rien d’anodin : il a abouti sur une série d’accords afin de mieux coopérer en matière de commerce, de services financiers, d’investissement et de climat.
Quelques heures plus tard, Keir Starmer affirmait dans une interview au Financial Times son ambition « d’avoir un accord de quelque forme que ce soit avec les Etats-Unis, un accord commercial ». Ce, sans que l’on comprenne s’il lorgne une exemption des potentiels droits de douanes prévus par M. Trump, ou le traité de libre-échange recherché par Londres avec Washington depuis sa sortie du marché européen.
De toute évidence, Londres ne veut fermer aucune porte. Reste que c’est avec l’UE, qui demeure son principal partenaire commercial – et de loin – que le potentiel d’un rapprochement commercial est le plus prometteur sur le plan économique.