Entamé ce lundi 27 août à Bruxelles, le troisième round des pourparlers sur le ‘Brexit’ a mal débuté. « Pour être honnête, je suis inquiet. Le temps passe vite. Nous devons commencer à négocier sérieusement », a déclaré Michel Barnier, le négociateur en chef côté européen, avant de rejoindre son homologue britannique David Davis. Mais le problème ne se limite pas à une question de timing, le contenu devient problématique, avec des sujets épineux qui ne se limitent pas aux seuls dossiers prioritaires des négociateurs européens, à l’instar de la Banque européenne d’investissement (BEI), au menu des pourparlers cette semaine.
Rendez-vous en octobre pour un premier bilan
Le calendrier d’abord. « Jusqu’ici, c’était plutôt un manque de substance qui nous a empêché d’avancer », relève une source européenne. Car les dernières prises de positions de Londres sur les sujets jugés prioritaires à Bruxelles – le sort des citoyens européens résidents au Royaume-Uni, le règlement financier et la question de la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord – n’ont pas convaincu à Bruxelles.
Par exemple, « les Britanniques reconnaissent qu’ils ont des obligations financières, mais n’ont fourni aucun détail », explique cette même source. Et les tentatives répétées de l’équipe de Theresa May pour traiter simultanément ces questions, liées à la séparation, et celles relatives aux relations futures, agacent les Européens qui insistent, depuis l’annonce des résultats du référendum, pour séquencer la négociation en deux étapes distinctes. Objectif : obtenir rapidement des avancées sur les termes du divorce.
En octobre, les chefs d’État et de gouvernement feront un premier bilan. Si des progrès notables sont réalisés d’ici là, sur les trois sujets prioritaires, ils autoriseront le lancement des discussions sur la seconde phase, à savoir la future relation commerciale entre l’UE et le Royaume-Uni. Mais, face à la stratégie britannique, ce scénario bien huilé voit sa possibilité décliner de jour en jour.
La BEI va perdre un de ses plus gros actionnaires
Pourtant, les questions à régler vont bien au-delà des trois sujets phares mis en avant à Bruxelles et largement relayés dans les médias européens. Les négociateurs devront par exemple déterminer le sort des prêts de la BEI, qui courent parfois sur des décennies et qui devaient être en principe garantis par le Royaume-Uni.
Inscrite cette semaine au menu des pourparlers, la question donne des sueurs froides aux responsables de la banque établie au Luxembourg. Car le bras financier de l’UE ne sortira pas indemne du divorce. A l’issue du processus, elle perdra l’un de ses quatre plus gros actionnaires avec l’Allemagne, l’Italie et la France. Selon un rapport publié avant l’été par la chambre des Lords, le Royaume-Uni détient 16,1 % des parts de la BEI, soit 10,1 milliard d’euros. Un chiffre contesté à Bruxelles où l’on avance celui de 3,5 milliards d’euros, soit le montant mis sur la table, au départ, par la Grande-Bretagne.
« Le Brexit risque d’effrayer les investisseurs », indique un haut responsable à la BEI qui craint de voir la note de l’institution dégradée par les agences de notation. Dans un tel scénario, les conséquences risqueraient d’être lourdes : effet de levier réduit, coûts de financement en hausse. « Autant de facteurs qui pourraient limiter le rôle de la BEI dans son soutien à la croissance et l’emploi au sein de l’UE », s’inquiète cette même source.
Et jusqu’ici les États membres n’ont envoyé aucun signal susceptible d’apaiser ces préoccupations. En dehors de la Pologne, qui serait prête à mettre la main au portefeuille pour gagner en influence au sein de la banque, les autres actionnaires n’ont proposé aucune solution pour combler le trou laissé par le départ des Britanniques.
A ce stade la question n’est pas jugée prioritaire. « Il faudra d’abord résoudre le casse-tête du futur budget de l’UE qui devra être compensé d’une façon ou d’une autre par la perte de la contribution britannique », souligne un diplomate français à Bruxelles. Absent des agendas officiels, le dossier a été débattu fin juin par les ministres des Finances de l’UE. Il devrait revenir sur le devant de la scène une fois que les négociations « auront vraiment débuté », ironise cette même source.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
Dossier spécial Brexit : du référendum britannique au début des négociations avec l’UE