De nouvelles étapes importantes ont donc été franchies, la semaine dernière, dans l’agenda commercial ambitieux que s’est fixé la Commission Juncker. Après avoir finalisé, le 18 avril, les projets d’accord avec Singapour et le Japon, l’exécutif européen a annoncé, deux jours plus tard, un accord de principe avec le Mexique pour la modernisation du traité qui régit, depuis 2000, les relations commerciales entre ce dernier et l’Union européenne (UE)*. « Des questions techniques » restent à résoudre entre les négociateurs avant de finaliser l’accord, ont précisé dans un communiqué conjoint les commissaires européens Cecilia Malmström (Commerce) et Phil Hogan (Agriculture), et le ministre mexicain de l’Economie Ildefenso Guajardo Villarreal. Mais cette finalisation est attendue « d’ici à la fin de l’année », pronostique la Commission européenne.
Ce pacte modernisé se traduit par une franchise de droits pour « pratiquement tous les échanges de marchandises entre l’UE et le Mexique (…), y compris dans le secteur agricole », se félicite-t-on à Bruxelles où l’on précise que des produits comme la volaille, le fromage, le chocolat, les pâtes alimentaires et la viande de porc, « devraient en être les principaux bénéficiaires ».
340 IG européennes reconnues, sauf le Manchego espagnol
Quelque 340 Indications géographiques (IG) européennes seront protégées des imitations sur le marché mexicain. Une victoire pour les Européens, qui ont bataillé jusqu’au bout pour obtenir un compromis satisfaisant sur ce volet de l’accord. Certains n’ont toutefois pas eu gain de cause.
Ainsi, au grand dam de l’Espagne, le Queso Manchego, ne figure pas sur la liste. Malgré les heures de négociations autour de ce seul produit, les Mexicains ont refusé toute concession ou presque. Le Manchego local représente en effet presque 15 % de toutes les ventes de fromage dans le pays, un label trop précieux pour être abandonné. Ses producteurs devront néanmoins clairement indiquer que leur Manchego n’a pas de lien avec celui fabriqué dans La Mancha.
D’autres types de fromage, dont le Gorgonzola et le Roquefort, bénéficieront quant eux d’un accès préférentiel au marché mexicain. « Les discussions relatives au secteur laitier ont été les plus difficiles à finaliser », admet un négociateur européen. L’accord scellé couvre 5 000 tonnes de fromage frais et 20 000 tonnes d’autres types de fromages, soumis actuellement à des taxes pouvant aller jusqu’à 45 %. 30 000 tonnes de lait en poudre seront également exempts des droits de douane – fixés actuellement à 50 % – dès l’entrée en vigueur de l’accord. Un volume qui sera élevé à 50 000 tonnes après cinq ans.
Marchés publics fédéraux, propriété intellectuelle, services, investissements…
Le pacte commercial prévoit aussi l’ouverture des marchés publics des deux blocs. « Les entreprises européennes et mexicaines seront placées sur un pied d’égalité, qu’elles présentent une offre au Mexique ou dans l’UE », souligne l’exécutif européen. Le gouvernement fédéral mexicain se serait par ailleurs engagé à mener des négociations avec les différents États du pays pour obtenir des concessions similaires, à l’échelle régionale et provinciale, avant la signature finale de l’accord.
Cette ouverture suppose également la reconnaissance d’un certain nombre de règles communes. Les droits de propriété intellectuelle, notamment, bénéficieront à l’avenir « d’un niveau élevé de protection », selon la Commission.
Ses responsables se félicitent également du compromis obtenu dans le chapitre « protection des investissements ». Après avoir freiné des quatre fers, le Mexique a finalement accepté la mise en place d’un nouveau système juridictionnel, pour trancher les différends dans ce domaine. Ce nouveau système devra garantir « la transparence et le droit des gouvernements à réglementer dans l’intérêt public», indique un communiqué de l’exécutif.
L’accord consacre également l’ouverture du marché des services, tels que les services financiers, les transports, et les télécommunications. Le commerce électronique y a également été inclus afin de supprimer les obstacles au commerce en ligne – tels que les droits de douane perçus au moment du téléchargement d’une application – et de garantir des règles claires pour protéger les consommateurs.
Enfin, parmi les nouveautés figurant dans ce traité modernisé : la référence au respect du développement durable, à la lutte contre la corruption ou à celle contre le changement climatique, « notamment les obligations contractées de part et d’autre au titre de l’Accord de Paris », précise un communiqué de la Commission.
D’autres garanties devraient également être gravées dans le futur pacte commercial. Les Etats membres garderont par exemple le droit d’organiser, comme ils l’entendent, leurs services publics. Une référence explicite au principe de précaution a également été inscrite, ce qui permettra à l’UE de refuser l’accès à son marché aux produits susceptibles de représenter une menace pour la santé ou l’environnement.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*UE / Libre-échange : Bruxelles transforme l’essai avec Singapour, le Japon et le Mexique
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