Entamées en 1999, les négociations de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur seraient sur le point d’aboutir à un accord après avoir longtemps été au point mort.
« La signature d’un accord Mercosur-UE est imminente », a assuré Jair Bolsonaro, le président brésilien, lors d’une visite officielle à Buenos Aires le 6 juin dernier. Des propos confirmés par Maurico Macri, son homologue argentin, qui a pour sa part indiqué que les deux camps étaient « très proches d’un accord ».
Toujours pas d’échéance fixée
Cet optimisme est toujours de mise deux semaines après ces déclarations. « Nous pourrions signer en juillet prochain » a précisé Ernesto Araújo, le ministre brésilien des Affaires étrangères, dans une interview accordée au Financial Times lundi 17 juin. « Il existe un élan politique que nous n’avons pas connu depuis longtemps ».
Côté européen, toutefois, pas question à ce stade de fixer une échéance. « Il reste plusieurs volets en suspens, l’agriculture notamment et quelques autres », a indiqué Cecilia Malmström la semaine passée. « Mais je pense qu’il est désormais possible de clore les discussions avant la fin du mandat de cette Commission », soit d’ici au mois d’octobre, a précisé la commissaire européenne au Commerce, rappelant que cet objectif figurait au premier rang de ses priorités.
« En termes de réduction tarifaires, il pourrait devenir l’accord le plus lucratif jamais signé par l’UE. Les économies potentielles sont quatre fois supérieures à celles du CETA (accord UE / Canada) et du JEFTA (accord UE / Japon) combinés », a-t-elle estimé.
Encore des obstacles avant un accord politique
Les obstacles restent nombreux avant d’aboutir à un accord politique sur le futur traité commercial UE / Mercosur.
Des progrès auraient été réalisés, lors du dernier round de pourparlers en mai, sur les indications géographiques, intérêt offensif pour les Européens. Le volet consacré aux spécifications techniques, en particulier les règles d’origine pour le secteur automobile, ou l’accès au marché pour certains produits industriels, « sont aujourd’hui quasi bouclés », assure un négociateur européen.
Mais des deux côtés, des voix s’élèvent pour dénoncer les pourparlers en cours. Car la perspective d’une concurrence accrue effraie tant les agriculteurs européens, surtout les éleveurs de bœuf, que les constructeurs automobiles sud-américains. La suite dépendra « de la volonté politique » de la part des deux camps, poursuit ce responsable à la Commission.
Le réchauffement des relations entre le président argentin et son homologue brésilien a récemment donné un nouveau souffle aux discussions en cours. « Bolsonaro se montre en effet plus intéressé qu’il y a quelques mois par la signature d’un accord avec l’UE », confiait au Moci un diplomate espagnol. Mais, si la conjoncture est, selon ses dires, « plus favorable aujourd’hui », tous les obstacles sont loin d’être levés.
« Les négociations sont difficiles », a admis Jean-Claude Juncker, la semaine passée, lors d’une interview accordé au site politico.eu. Interrogé sur les chances d’aboutir rapidement à un accord, le président de la Commission européenne s’est montré évasif : « Je ne suis pas optimiste mais je ne suis pas pessimiste non plus ».
La Commission aura du mal à « vendre » cet accord au sein de l’UE
Car au-delà des difficultés rencontrées avec les pays partenaires du Mercosur, la Commission aura bien du mal à « vendre » cet accord au sein même de l’UE.
Dans une lettre datée du 7 juin, adressée à Phil Hogan, le commissaire en charge de l’Agriculture à Bruxelles, l’Irlande fait part de ses préoccupations quant à l’évolution des pourparlers entre les deux blocs. « Ces négociations ont évolué d’une manière qui a suscité un grand malaise de la part de l’Irlande et d’autres États membres quant à leurs conséquences potentiellement très négatives pour l’agriculture de l’UE et pour (…) la viande bovine en particulier », écrit Michael Creed, le ministre irlandais de l’Agriculture.
Dans une autre lettre envoyée le 18 juin à la Commission, 340 associations de la société civile – dont la Confédération paysanne, Emmaüs International, France Nature Environnement, Les Amis de la Terre, Attac France et beaucoup d’autres – exhortent l’UE à « mettre immédiatement fin aux négociations pour un accord de libre-échange avec le bloc Mercosur en raison de la détérioration des droits humains et des conditions environnementales au Brésil ».
Le même jour, 150 manifestants, soutenus par plusieurs eurodéputés verts et de la gauche radicale, ont défilé devant les institutions européennes à Bruxelles pour protester contre une signature précipitée du traité commercial. « Faut-il que l’Union européenne signe un accord d’association avec un tel partenaire ? Les conséquences de l’utilisation du glyphosate ou encore le refus de Bolsonaro d’appliquer l’accord de Paris sur le climat posent question », a indiqué Paul-Emile Dupret, membre du Comité pour les droits humains.
Pas de conclusion à n’importe quel prix
Des contestations que la Commission assure prendre en compte dans ce sprint final vers un accord politique.
Si Cecilia Malmström continue de vanter les mérites d’un pacte commercial entre les deux blocs, qui « enverrait un signal fort au monde » sur le soutien des deux régions au libre-échange, elle rappelle toutefois que la Commission ne conclura pas les négociations « à n’importe quel prix ». « Nombreux sont ceux qui suivent cela de près », a-t-elle reconnu.
Interrogée sur les préoccupations soulevées par diverses organisations non gouvernementales (ONG) au sujet du risque de déforestation une fois l’accord conclu, la commissaire au Commerce assure que l’accord contiendra « un chapitre ambitieux sur le commerce et le développement durable », avec une référence à la déforestation.
Un volet jugé indispensable par les défenseurs de l’environnement mais qui risque d’être insuffisant pour calmer la colère des agriculteurs, vent debout contre un pacte qui sacrifie, selon eux, les intérêts de leur secteur au profit de ceux des constructeurs automobiles allemands.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles