La grogne monte dans les rangs français du Parti Populaire Européen (PPE). En ligne de mire ? « La boulimie libre-échangiste » de Jean-Claude Juncker, pourtant membre de ce groupe et élu par ses membres, en 2014, au poste de président de l’exécutif européen. « La Commission a perdu tout sens des réalités », tacle un eurodéputé français conservateur interrogé sur la volonté de Bruxelles de boucler les pourparlers commerciaux avec le Mercosur d’ici la fin de l’année. « La Commission oublie bien vite que le risque europhobe et populiste était à nos portes il y a peu. Il n’a pas disparu (…). Or les agriculteurs ont besoin d’une Europe qui les protège plutôt qu’une Europe qui les vend aux plus offrants ».
Le dernier message rappelle celui d’Emmanuel Macron et ses tentatives, lors du dernier sommet les 19 et 20 octobre, à Bruxelles, de ralentir la course folle, orchestrée par Jean-Claude Juncker, pour multiplier les accords commerciaux. Et c’est bien le traité en cours de discussions avec le bloc Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay), qui cristallise les crainte des Français, quelle que soit leur appartenance politique. Mais la Commission n’en démord pas : elle mise sur un accord politique avant 2018 et ses représentants ont fait le tour des capitales européennes en vue de proposer aux pays sud-américains un accès privilégié aux marchés de l’UE pour l’éthanol et le bœuf.
Les échanges se sont intensifiés ces dernières semaines
Les échanges avec les États du Mercosur se sont aussi intensifiés au cours de ces dernières semaines. Le 9 novembre dernier, Jyrki Katainen, l’un des vice-présidents de l’exécutif d’origine finlandaise, s’est envolé pour l’Argentine et le Brésil. Multipliant les rencontres au sommet, notamment avec Mauricio Macri, le président argentin, ou son homologue brésilien, Michel Temer, il s’est attelé à préparer la dernière ligne droite avant la fin des pourparlers.
Reste désormais à convaincre les plus indécis des États membres en leur démontrant les opportunités d’un accord entre les deux blocs régionaux. « Selon nos calculs et nos chiffres, la France serait l’un des plus grands bénéficiaires de cet éventuel accord. Cela donnerait des opportunités à l’industrie française et aussi à son secteur agricole », a plaidé le commissaire finlandais, devant la presse à Bruxelles, à l’issue de sa tournée sud-américaine. « Nous comprenons parfaitement cette question de bœuf et d’éthanol et nous devons trouver une solution », a-t-il ajouté, tout en soulignant qu’il était « trop tôt » pour définir des mesures précises en vue de dédommager les secteurs potentiellement affectés par l’accord de libre-échange.
Des progrès accomplis sur le plan technique
Affichant son optimisme quant à la volonté politique des acteurs concernés, la Commission s’est également félicitée des progrès accomplis sur le plan technique. Organisée à Brasilia, la dernière session de pourparlers s’est clôturée le vendredi 10 avril « dans un climat favorable, qui laisse les portes ouvertes à un accord d’ici la fin de l’année », confiait au Moci un membre de l’équipe de négociateurs européens.
Selon un communiqué officiel, des progrès « significatifs » ont été enregistrés dans tous les chapitres du futur traité en particulier sur les volets consacrés à l’échange des biens et services, aux marchés publics, aux questions sanitaires et phytosanitaires, à la propriété intellectuelle, aux indications géographiques, aux PME, aux obstacles techniques au commerce ou à la résolution des différends.
Chaque camp aurait par ailleurs préparé le terrain en vue de mettre sur la table des offres améliorées d’accès aux marchés pour un certain nombre de produits. Prévu du 29 novembre au 5 décembre à Bruxelles, le prochain round de discussions « devrait donc être décisif », pronostique-t-on à la Commission.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Lire dans la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : UE / Chili : feu vert au lancement des négociations de libre-échange
Pour prolonger :
– UE / Mercosur : le libre-échange oppose lobbies agricoles et industriels
– UE / Mercosur : le bloc sud-américain espère signer un accord de libre-échange en 2017