Les résultats de l’élection brésilienne et les incertitudes qu’elle génèrent quant à la politique commerciale que mettra en place le nouveau président élu Jai Bolsonaro, classé à l’extrême droite, ne semble pas perturber outre mesure les négociaturs européens du traité de libre-échange avec le Mercosur. Le pacte commercial UE / Mercosur, négocié à grand-peine depuis 1995, « pourrait être scellé d’ici la fin de l’année », insiste ainsi l’eurodéputé Francisco Assis.
Membre d’une délégation du Parlement européen – en visite officielle cette semaine à Montevideo, au Paraguay, pour faire le point sur l’état d’avancée des discussions – le Portugais estime même que les pourparlers sont désormais « dans une phase décisive ». Les obstacles majeurs ayant, selon lui, été levés, seuls « des problèmes d’ordre secondaires » restent en suspens avant la signature de l’accord de bloc à bloc.
Une phase finale qui exige néanmoins une forte volonté politique. « Il est temps que nos responsables se retrouvent autour d’une table pour mettre le point final à ces négociations ». Et s’ils perdent cette opportunité unique, « nous risquons de repartir pour de longues années de discussions », pronostique l’élu européen.
Un négociateur européen optimiste
Décrits « au point mort » depuis le printemps dernier, fragilisés par la crise argentine et la campagne électorale au Brésil, les pourparlers « se sont poursuivis entre nos équipes techniques même s’ils sont sortis des écrans radars des médias », confirme un négociateur à Bruxelles. Les responsables du Mercosur se sont mis d’accord sur de nouvelles propositions, envoyées il y a deux semaines au siège de la Commission « où elles ont été très bien accueillies », indiquait le 29 octobre, Luis Alberto Castiglioni, le ministre paraguayen des Affaires étrangères.
Cité par le quotidien catalan La Vanguardia, il décrit des « concessions importantes », côté sud-américain, susceptibles de sortir de l’impasse. « Nous sommes très optimistes et attendons confirmation qu’un accord est désormais à portée de main». Plutôt avare de détails à ce stade stratégique des discussions, il confirme néanmoins la finalisation de la grande majorité des chapitres du pacte.
Un diplomate uruguayen agacé
« Deux tiers des demandes du Mercosur ont été prises en compte », s’est félicité Luis Alberto Castiglioni. Mais les offres récemment soumises aux Européens « sont bien des lignes rouges », précise un diplomate paraguayen, en poste à Bruxelles, qui déplore une « asymétrie » dans les objectifs fixés dès le départ au sein des deux blocs.
L’UE vise tous les secteurs, de l’agriculture à l’automobile, en passant par les marchés publics, l’investissement «jusqu’à vouloir imposer son agenda dans la sphère sociale et environnementale ». Alors que du côté du Mercosur « il s’agit avant tout de négocier une extension des quotas dans le domaine agricole afin d’obtenir un meilleur accès au marché européen pour ces produits ».
Outre les quotas de viande bovine, la question des produits laitiers reste non résolue à ce stade, « car les deux blocs sont producteurs », souligne ce diplomate. Même chose pour les indications géographiques que les Européens souhaitent protéger sur le marché sud-américain. « Ce n’est pas le champagne français qui pose problème, mais la protection de certains fromages qui existent ici, sous un nom européen, depuis plus de 200 ans ».
La Commission européenne reste discrète
Si un accord reste donc souhaité côté sud-américain, il ne pourra pas se conclure à n’importe quel prix. « Les limites sont les limites. Et si les Européens, après avoir reçu nos propositions, continuent à formuler de nouvelles demandes, l’échec est assuré », confiait-il au Moci, indiquant que la balle était désormais dans le camp de Bruxelles.
Les responsables à la Commission européenne sont, quant à eux, restés plus discrets, refusant de commenter, à ce stade, les propositions actuellement sur la table. « Ce n’est pas le moment de mettre de l’huile sur le feu », tranche une source proche du dossier.
« Officiellement, si on lit les communiqués, l’Union européenne porte toujours un intérêt au Mercosur (…). Mais est-ce une vision partagée par l’ensemble des États membres ? C’est moins évident », analyse Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), dans une interview accordée au site touteleurope.eu.
Les 28 partagés sur un accord avec le Mercosur
Outre l’Espagne et le Portugal, partenaires historiques des pays d’Amérique latine, ou l’Allemagne qui vise le marché pour son secteur automobile, l’accord UE/Mercosur n’est visiblement plus une priorité pour les autres pays du bloc. Certains États, comme la France ou l’Irlande, ayant même tenté de « freiner les négociations », rappelle cet expert.
Mêmes difficultés dans le camp du Mercosur, dont l’unité apparaît plus fragile que jamais à l’issue des élections au Brésil. Si le nouveau président d’extrême droite, Jair Bolsonaro, s’est dit favorable au libéralisme économique fondé sur des accords de libre-échange, rien ne garantit qu’il souhaitera poursuivre les discussions de bloc à bloc. Paulo Guedes, le futur ministre de l’économie, a d’ailleurs reconnu que le Mercosur, dont le Brésil prendra la présidence tournante le 1er janvier 2019, n’était pas une priorité pour son gouvernement qui préfère mettre l’accent sur les relations et accords bilatéraux*.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Lire dans la LC de cette semaine Brésil / Risque pays : J. Bolsonaro, un président élu sans projet économique clair