Face au protectionnisme et à la politique du « deal » de Donald Trump, l’Union européenne (UE) et le Japon marquent un grand coup dans le domaine du libre-échange en signant aujourd’hui 17 juillet à Tokyo un accord de libre-échange de grande ampleur. Cette signature était initialement prévue la semaine dernière à Bruxelles mais le Premier ministre japonais Shinzo Abe avait décidé d’annuler son déplacement suite aux inondations meurtrières qui ont frappé l’ouest du pays.
Un détail qui a son importance : portant uniquement sur le volet commercial et non sur les investissements, l’entrée en vigueur de ce traité dénommé JEFTA (Japan-UE Free Trade Agreement) devrait être assez rapide, dès l’année prochaine, puisque l’accord n’aura pas à être ratifié par chacun des Parlements nationaux de l’UE.
Un signal fort en faveur du libre-échange
Car si cet accord de libre-échange était prévu de longue date – le texte de l’accord a été finalisé le 18 avril après 7 ans de négociations– , le moment où il est paraphé est bien choisi : Donald Trump a déclenché sa guerre commerciale avec l’acier et l’aluminium et peut-être demain l’automobile, et le Japon fait partie, tout autant que l’Union européenne, des pays qui ont été contraints d’y riposter tout en ayant plaidé jusqu’au bout pour une issue négociée et multilatérale.
En outre, avant de rejoindre le Japon, Jean-Claude Junker et Donald Tusk, respectivement président de la Commission européenne et président du Conseil européen, s’étaient arrêtés en Chine pour le 20ème Sommet UE-Chine, le 16 juillet. Une occasion de réaffirmer un attachement commun, avec Pékin, au « multilatéralisme », et à avancer dans plusieurs domaines, dont le projet d’accord sur les investissements, pour lequel les premières offres ont été échangées, le respect des indications géographique ou la coopération en matière de respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre le changement climatique.
« Le multilatéralisme est sous attaque, c’est une attaque sans précédent depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale », a notamment lancé Jean-Claude Juncker lors d’un entretien avec le président chinois Xi Jinping. « Il est encore temps d’éviter le conflit et le chaos », a de son côté déclaré Donald Tusk. Même son de cloche à Pékin et, aujourd’hui, à Tokyo, où, selon des propos rapportés par les médias, le ministre japonais de la Revitalisation économique Toshimitsu Motegi a déclaré que « à un moment où les mesures protectionnistes gagnent du terrain à travers le monde, la signature aujourd’hui de l’accord UE-Japon montrera au monde une fois de plus notre volonté politique inébranlable de promouvoir le libre échange ».
Agroalimentaire contre industrie automobile
Le Jefta est un accord de libre-échange est considéré comme « historique » et constituant « le plus important jamais négocié par l’Union européenne », car couvrant environ un tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial selon un porte-parole de la Commission européenne. Nous renvoyons à ce sujet aux nombreux articles que Le Moci a publiés sur son contenu. Après la signature officielle des représentants de l’exécutif à Bruxelles et du gouvernement japonais, il devra être ratifié par le Parlement européen et le Parlement japonais pour une entrée en vigueur espérée dès 2019.
Pour rappel, parmi les ouvertures importantes pour les exportateurs européens, celles obtenues dans le très fermé marché agricole et agroalimentaire japonais, à l’exception notable du riz, exclu de cet accord. A terme, avec des calendriers d’ouverture échelonnés, environ 85 % des produits agroalimentaires de l’UE pourront entrer au Japon sans droits de douane. Parallèlement, les droits pesant sur d’autres produits sensibles comme le bœuf, seront progressivement réduits. Les droits de douanes sur plusieurs fromages seront éliminés mais la période de transition pourra atteindre 15 ans.
En outre, les Japonais se sont engagés à reconnaître plus de 200 indications géographiques européennes protégées parmi lesquelles le Roquefort français, le Tiroler Speck autrichien, le Jambon d’Ardenne belge ou la Polska Wódka, la vodka polonaise.
De son côté, l’UE s’est engagée à ouvrir progressivement son marché automobile au produits japonais à l’issue d’une période transitoire de plusieurs années.
Cet accord de libre-échange comprendra aussi un chapitre sur le développement durable mais aucun volet sur les modalités de résolution des litiges en matière d’investissement, les deux blocs n’étant pas parvenus à se mettre d’accord sur ce point. Mais c’est aussi ce qui permettra à ce texte de faire l’économie d’un long processus de ratification par les Parlements nationaux de l’UE pour entrer en vigueur.
Desk Moci
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