La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont confirmé, mardi 31 mars, que le dispositif INSTEX (Instrument in Support of Trade Exchange) avait réalisé avec succès sa première transaction, permettant l’exportation de produits médicaux de l’Union européenne (UE) vers l’Iran, pays durement frappé par la pandémie Covid-19.
Les équipements européens exportés via INSTEX sont arrivés à destination le 14 mars dernier, ont confirmé les autorités iraniennes. L’identité des fournisseurs n’a pas été dévoilée à leur demande, pas plus que le type de biens délivrés. Selon des précisions obtenues par Le Monde, il s’agirait d’un lot de tests sanguins, pour une valeur de 500 000 euros, livrés par un laboratoire allemand.
« La première transaction étant désormais réalisée, INSTEX et son homologue iranien STFI vont poursuivre leur coopération sur de nouvelles transactions et sur le développement du mécanisme », s’est félicité le Quai d’Orsay le 31 mars. Le Special Trade and Finance Institute (STFI) mis en place par les Iraniens l’an dernier est l’organisme miroir d’INSTEX.
La transaction, qui a été effectuée en toute discrétion, reste étroitement liée à l’objectif initial de ce mécanisme de compensation : faciliter les échanges entre les deux blocs autorisés dans le cadre de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, notamment l’exportation des denrées et équipements de première nécessité vers l’Iran, malgré les sanctions américaines.
Dans les tuyaux depuis plusieurs mois
Cette opération figure dans les tuyaux depuis plusieurs mois.
Inscrite au menu des discussions dès décembre 2019, elle avait été décidée lors de la dernière réunion de la commission mixte en février dernier, à Vienne, réunissant des représentants de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, côté européen, mais aussi de la Chine, de la Russie, et enfin de l’Iran, tous signataires de l’accord sur le nucléaire de juillet 2015.
Si le matériel livré via INSTEX n’est pas lié à la pandémie Covid-19, selon des sources européennes, la crise sanitaire a toutefois pesé sur la rencontre et figure d’ailleurs expressément dans le communiqué final de cette réunion, les participants ayant souhaité exprimer « leur solidarité » avec la Chine, l’Iran et tous les pays touchés, dans leurs efforts pour faire face à la pandémie.
« La crise du coronavirus a atténué l’acrimonie iranienne envers les Européens », note Nicolas Gros-Verheyde, le fondateur du site B2, spécialisé dans les questions de défense. Selon cet expert, la pandémie a permis de « remettre au centre cette chambre de compensation, que certains disaient mortes-nées ».
D’autres transactions attendues
INSTEX a été mis au point en janvier 2019 par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni avec l’aide des équipes du Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE), basées à Bruxelles.
Objectif ? Maintenir les échanges entre l’UE et l’Iran malgré les sanctions extraterritoriales américaines. Comment ? Par le truchement d’un mécanisme inédit supposé fonctionner sous la forme d’un troc à grande échelle.
Selon le schéma envisagé, semblable à celui d’une chambre de compensation, une entreprise iranienne pourra vendre des produits à une société européenne et se voir ainsi ouvrir un crédit. Lequel pourra servir ensuite à l’acquisition d’autres biens, tout en évitant les transferts d’argent. Grâce à INSTEX, l’argent ne sera échangé qu’entre importateurs et exportateurs européens d’une part, et importateurs et exportateurs iraniens d’autre part, en fonction des crédits ou des dettes dont ils disposent à la suite de leurs échanges.
« Instex va travailler sur d’autres transactions » avec l’Iran et « continuer de développer ce mécanisme », a précisé la diplomatie allemande. Sans plus de précisions non plus à ce stade.
Kattalin Landaburu