Une nouvelle étape a été franchie dans le dossier européen pour un mécanisme de filtrage des investissements directs étrangers (IDE) réalisés au sein de l’Union européenne (UE). Les députés du Parlement européen (PE) ont approuvé, le 14 février, par 500 voix pour, 49 contre et 56 abstentions, un instrument européen de filtrage des IDE réalisés par des entreprises d’État originaires de pays tiers « opaques » –détenues par l’État ou ayant un lien avec les gouvernements. Le vote du Parlement crée « le tout premier système européen qui soutient le filtrage des IDE par les États membres, pour des motifs de sécurité et d’ordre public ».
L’UE demeure ouverte aux investissements directs étrangers (IDE) mais ces vingt dernières années, la structure et la provenance des IDE ont radicalement changé avec une multiplication d’IDE en provenance d’économies émergentes comme la Chine et le Brésil, et ciblant des secteurs de haute technologie, justifie un communiqué de la Commission européenne publié le jour-même du vote. Il était donc temps que l’UE se dote d’un mécanisme pour contrôler ces IDE afin de s’assurer qu’ils ne risquent pas de mettre en danger ses intérêts stratégiques.
« Ce mécanisme est une avancée concrète qui protège nos industries, nos technologies et nos intérêts stratégiques des menaces », estime Franck Proust, député français membre du groupe du Parti populaire européen (PPE), en charge du dossier au Parlement. Le texte du Parlement suggérant la mise en place d’un cadre européen, non contraignant, essentiellement destiné à favoriser la coopération entre États membres, avait été présenté en septembre 2017, sous la pression de la France, de l’Allemagne et de l’Italie –inquiètes de voir certaines entreprises stratégiques rachetées par des investisseurs étrangers, en particulier chinois, comme ce fut le cas de Kuka, un spécialiste allemand de la robotique.
Protéger des secteurs stratégiques : énergie, intelligence artificielle, santé, sécurité alimentaire…
Le nouveau règlement protège des secteurs européens stratégiques comme les infrastructures critiques telles que l’énergie, le transport, les télécommunications, les données, l’espace et la finance. Il protège également des technologies comme les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle et la robotique. Les négociateurs du Parlement y ont ajouté les secteurs de l’eau, de la santé, de la défense, des médias, des biotechnologies et de la sécurité alimentaire.
Le règlement met en place un mécanisme de coopération renforcé permettant aux États membres d’échanger entre eux des informations et de publier des commentaires sur les IDE ciblant d’autres États membres. La Commission européenne peut de son côté demander des informations et présenter son avis au pays au sein duquel l’investissement est prévu, mais la décision finale revient au pays concerné.
L’approbation du PE acquise, le Conseil européen devrait adopter formellement ce nouveau règlement le 5 mars prochain. Il entrera en vigueur 18 mois après sa publication au Journal officiel de l’UE. Actuellement, seuls 14 pays de l’UE (Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Royaume-Uni) disposent de mécanismes de filtrage des IDE, mais ils diffèrent grandement en termes de champ d’application et de conception.
Desk Moci