L’UE conclura-t-elle en 2025 un accord de libre-échange avec l’Inde, le pays le plus peuplé de la planète ? C’est en tout cas l’engagement qu’ont pris le Premier ministre indien Narendra Modi et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le vendredi 28 février, à l’issue d’un déplacement l’exécutif de l’UE à New Delhi. Revue de détail dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
« Je suis parfaitement consciente que ce ne sera pas facile, mais je sais aussi que le timing et la détermination comptent (…). C’est pourquoi nous avons convenu avec le Premier ministre Modi de faire en sorte que cela soit réalisé cette année, et vous pouvez compter sur mon engagement total », a notamment lancé Ursula von der Leyen.
Le timing ? Alors que Donald Trump menace l’Union d’imposer de nouveaux droits de douane, l’idée est, pour Bruxelles, d’accélérer la diversification de ses relations commerciales avec le reste du monde.
Après la finalisation de la négociation de l’accord de libre-échange du Mercosur fin 2024, la Commission a annoncé un approfondissement de ses partenariats avec le Mexique et le Canada ou encore la relance des discussions avec la Malaisie enlisées depuis dix ans. Cette stratégie est aussi vouée à réduire la dépendance des chaînes de valeurs européennes envers la Chine.
124 milliards d’euros d’échange de marchandises
Toper avec l’Inde, dont le marché est en pleine expansion, aurait pour l’Europe un potentiel « immense », a insisté Ursula von der Leyen. Avec 124 milliards d’euros d’échange de marchandises en 2023, soit environ 12 % du total du commerce indien, l’Union est déjà le plus important partenaire commercial de l’Inde, devant les États-Unis et la Chine.
Cependant l’Inde n’est pour sa part que le dixième partenaire commercial de l’UE. Le géant asiatique, qui ne représente pour l’instant que 2,2 % du commerce de marchandises de l’UE, demeure protégé par des droits de douane élevés que New Delhi est jusqu’ici resté réticent à abaisser.
Des motifs de crispation dans l’automobile ou agriculture
Si Bruxelles lorgne en particulier un meilleur accès au marché indien pour les voitures et les vins et spiritueux européens, conclure un accord d’ici fin 2025 relèverait d’un petit exploit, au vu des échecs du passé. Les premières négociations entre l’Europe et l’Inde remontent à 2007. Faute d’avancées suffisantes, elles avaient été suspendues en 2013, avant d’être finalement relancées en 2022.
Une série de points d’achoppement demeurent, dans l’automobile notamment. Les pays européens producteurs de voiture, – l’Allemagne en tête – rêvent d’écouler leurs productions en Inde, d’autant plus face à la menace tarifaire américaine. Mais l’Inde a une autre idée en tête : le pays a mis en place de hautes barrières douanières, afin de forcer les constructeurs étrangers à investir sur place et à créer des emplois.
Comme souvent dans ce type de négociation, un autre point de crispation sera l’agriculture. Ici, « il va être très compliqué de convaincre les Indiens de baisser leurs droits de douane dans ce secteur. Car les produits européens sont bien plus compétitifs », estime le politiste Christophe Jaffrelot dans Les Échos.
Des législations européennes qui crispent les Indiens
S’ajoute à cela des tensions récurrentes autours des lois européennes sur le respect du droit du travail et de l’environnement que l’Inde juge intrusives. New Delhi est en particulier vent debout contre le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE, qui doit taxer certains produits importés en fonction de leur empreinte carbone à compter du 1er janvier prochain.
Le volontarisme affiché de part et d’autre suffira-t-il à franchir tous ces obstacles ?
L’Inde, qui a besoin de transferts de technologies vers son industrie pour pallier son manque d’innovation, et qui craint aussi de payer une dépendance excessive aux États-Unis, cherche également à sceller de nouveaux deals. Réputé être un négociateur difficile, le gouvernement indien a notamment rouvert la semaine dernière d’anciennes tractations commerciales avec le Royaume-Uni.
Lors d’une visite du premier ministre Modi à Washington, mi-février dernier, l’Inde et les États-Unis avaient aussi convenu de négocier la première tranche d’un accord commercial bilatéral « mutuellement bénéfique et multisectoriel » d’ici l’automne. L’annonce avait suivi d’âpres critiques de Donald Trump à l’encontre des « droits de douane très forts et injustes » appliqués par l’Inde. Le président américain avait menacé de prendre des mesures de rétorsion si New Delhi ne réduisait ses barrières.