Faute d’obtenir des dérogations de la part des États-Unis sur l’IRA (Inflation Reduction Act), les Européens s’apprêtent à renforcer eux aussi le soutien à leurs industries vertes. Dans son discours au Forum mondial économique de Davos, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a ainsi dévoilé, le 17 janvier, les grands principes d’une nouvelle politique industrielle commune axée sur les technologies vertes. Des propositions dans la même ligne que celles formulées par la France.
C’était un discours très attendu par les entreprises européennes impliquées dans les secteurs liés à la transition énergétique, des véhicules électriques à l’éolien en passant par l’hydrogène ou les pompes à chaleur. Il a été livré le 17 janvier lors du forum de Davos.
Face à la concurrence chinoise, mais aussi à l’Inflation Reduction Act, le gigantesque plan de relance américain à 369 milliards de dollars pour développer les industries vertes et ses généreuses subventions réservées aux entreprises de droit américain, la Commission européenne entend proposer « un nouveau règlement pour une industrie à zéro émission » qui « suivra le même modèle que celui sur les semi-conducteurs » et « fixera des objectifs clairs pour une technologie européenne propre d’ici à 2030 », a annoncé sa présidente.
Pour ce faire, les investissements, qui doivent augmenter, seront concentrés « sur des projets stratégiques tout au long de la chaîne d’approvisionnement ». Concernant l’accès aux matières premières, Ursula von der Leyen a proposé la création « d’un club des matières premières critiques qui travaillerait avec des partenaires partageant les mêmes valeurs – des États-Unis jusqu’à l’Ukraine – pour collectivement renforcer les chaînes d’approvisionnement et les rendre plus diverses pour nous affranchir des fournisseurs uniques ».
Création d’un fonds de souveraineté avant la fin de l’année
Pour stimuler l’investissement et « maintenir l’attractivité de l’industrie européenne », la Commission entend « adapter temporairement nos règles en matière d’aides d’État afin d’accélérer et de simplifier les choses », autrement dit, les assouplir.
Concrètement, la présidente de la Commission a évoqué « des modèles simples d’allègement fiscal » ainsi qu’ « une aide ciblée pour les installations de production au sein des chaînes de valeur des technologies propres ». « Mais parce que cela prendra du temps, nous chercherons une solution de transition pour fournir un soutien rapide et ciblé là où il est le plus nécessaire », a-t-elle ajouté.
Ces initiatives destinées à pallier les urgences précèderont la création d’un « fonds de souveraineté européen dans le cadre de l’examen à mi-parcours de notre budget qui aura lieu dans le courant de l’année ».
Enfin, deux axes supplémentaires, le développement des compétences et « un programme commercial ambitieux, qui tirera aussi le meilleur parti des accords commerciaux » viendront compléter l’architecture de cette politique industrielle.
Ces propositions ambitieuses pour l’avenir de l’industrie européenne rejoignent celles formulées par la France. Dans un document de dix pages transmis à Bruxelles par Paris, que nos confrères des Echos ont pu consulter, elle propose en effet la création d’ « un fonds de souveraineté ».
Des propositions qui rejoignent celles de la France
« Pour l’Hexagone, afin d’aller vite, il faudrait le lancer en deux temps, précisent les Echos. Avec » un fonds d’urgence « , créé » à très court terme en s’appuyant sur les financements existants « , qui précéderait un fonds de souveraineté » complet » censé être opérationnel avant la fin 2023. Paris cite notamment tout ou partie des 365 milliards de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) » alloués et non encore décaissés « qui pourraient être réaffectés aux secteurs stratégiques de l’UE. »
Pour permettre une répartition équitable entre les États membres, Paris souhaite mettre un place un dispositif similaire à l’instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE) adopté par l’UE en mai 2020 pour financer les dispositifs de chômage partiel au début de la pandémie de Covid-19.
En outre, l’Hexagone en appelle aussi à un « choc de modernisation et de simplification du cadre des aides d’État », actuellement en cours de réforme. Par exemple, en réduisant à quatre mois, au mieux de deux ans, les délais d’instruction des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC).
Enfin, hors financements, « la France estime nécessaire des » cibles de production à atteindre d’ici 2030 » et des législations sectorielles à l’image de celle qui a été conçue pour le » Chips Act « , qui a permis de débloquer des milliards pour booster la production de puces en Europe afin de réduire sa dépendance à l’Asie », précisent Les Echos.
Si les propositions d’Ursula von der Leyen montrent la volonté européenne de frapper vite et fort, reste encore à préciser le mode de fonctionnement du fameux fonds souverain européen, loin de faire l’unanimité, notamment dans le Nord du Vieux Continent. En attendant, la mise en place par les États-Unis d’un plan de relance aux forts accents protectionnistes, aura eu pour conséquence d’inciter les Européens non seulement à muscler les investissements dans des secteurs d’avenir, mais aussi a poser les premiers jalons d’une politique industrielle commune.
Sophie Creusillet
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