Les normes et les standards pourraient constituer la principale pierre d’achoppement à la conclusion du partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP/Transatlantic Trade and Investment Partnership) que négocient les États-Unis et l’Union européenne (UE).
La vision, la culture et donc les systèmes sont différents des deux côtés de l’Atlantique, ce qui rend toute entente difficile constataient ainsi les parlementaires tout comme les représentants des entreprises (Business Europe, Medef, CGPME, CCI Paris-Ile-de-France, Union des industries textiles, Union des industries chimiques) et du Comité économique et social européen (Cese) auditionnés par la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale le 9 septembre à Paris.
Reconnaissance mutuelle, convergence, coopération sur les standards du futur, toutes les solutions ont été évoquées, y compris l’abandon « des niveaux où on ne peut pas harmoniser. Il faut travailler où la convergence est possible », selon Luisa Santos, directrice des Affaires internationales de Business Europe (association patronale représentant 35 pays).
S’entendre sur les normes et standards de demain
Pour Jean Lemierre (notre photo), président du comité Négociations commerciales multilatérales du Medef, le véritable enjeu est double : s’entendre sur « les normes et standards de demain » et proposer aux petites et moyennes entreprises (PME) un système qui leur permette de s’adapter à moindre coût « Pour les PME, insiste-t-il, la recherche, les normes, c’est très coûteux et très difficile. Comme pour les marchés publics, il faut leur en favoriser l’accès ».
« Bien sûr, renchérit Jean-Claude Karpélès, délégué du président de la CCI Paris-Ile-de-France, chargé du Développement international et des affaires européennes, « répondre à la demande très importante des PME sur les États-Unis et leur apporter la connaissance règlementaire nécessaire sont indispensables ». Mais ce n’est pas suffisant. Selon lui, « les Américains participent aux organismes internationaux de normalisation, mais, comme ils considèrent que leurs normes sont aussi internationales, vous ne pouvez pas aller vendre chez eux sans vous adapter à leur système ». Et de constater que « c’est l’usage qui compte et c’est très difficile à changer, car c’est plus ou moins invisible ».
Par exemple, dans le secteur de l’électricité et l’électronique, assure Jean-Claude Karpélès également ancien délégué général de la Fédération des Industries électriques électroniques et de communication (Fieec) jusqu’en 2010, « vous n’obtiendrez pas d’assurances outre-Atlantique si vos produits ne sont pas aux standards américains ».
C’est pourquoi Luisa Santos plaide aussi pour une plus grande implication du secteur privé « Ce sont les branches industrielles qui sont les mieux placées pour orienter sur les compromis possibles ».
Chimie européenne : le règlement Reach doit être maintenu
A l’Union des industries chimiques (UIC), comme des groupes de discussion sectoriels Europe-États-Unis existent déjà, on défend fermement l’idée de convergence. « L’UIC souhaite pousser encore dans le sens de la convergence règlementaire, même si elle constate encore des différences importantes. Par exemple, en matière d’étiquetage des produits, les textes internationaux existent, mais, des deux côtés de l’Atlantique, nous n’en avons pas la même interprétation », expose Pascal Perrochon, son responsable pour les Affaires internationales, les transports et la logistique.
Les réglementations divergent aussi en matière d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restrictions des substances chimiques. En Europe, le règlement Reach est entré en vigueur le 1er juin 2007 pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. « Nous sommes prêts à débattre sur l’étiquetage, mais pas sur Reach, car les chimistes ont beaucoup investi pour s’adapter à ce texte », prévient Pascal Perrochon.
Dans le domaine textile, les pratiques non tarifaires, comme l’étiquetage d’entretien ou les textes d’inflammation, sont aussi différentes. Mais pour Emmanuelle Butaud-Staubs, déléguée générale adjointe de l’Union des industries textiles (UIT), dans certains secteurs comme le textile ce n’est pas l’essentiel. « Dans notre domaine, les États-Unis ont un intérêt stratégique et donc une position affirmée pour des pics tarifaires supérieurs à 15 %. Sur 100 à 120 lignes tarifaires, ce taux peut aller jusqu’à 25 %, qu’il s’agisse de tissus haut de gamme ou de prêt-à-porter ». A ce sujet, précise-t-elle, « les Américains sont prêts à réduire progressivement sur trois, cinq ou sept ans, alors que nous voulons un démantèlement immédiat ».
Dans la chimie, les Américains appliquent en moyenne un taux de 3 %. « Nous pensons que la fin des droits de douane entre l’Union européenne et les États-Unis sera un plus. C’est pourquoi nous sommes favorables à un démantèlement immédiat, sauf pour les produits américains – polyéthylène, PVC… – à bas de gaz de schiste, ayant ainsi bénéficié de bas coûts », souligne Pascal Perrochon. En ce qui concerne ce type de fabrications, l’UIC défend « une suppression des droits de douane sur sept ans, comme le propose la Commission européenne », et « demande à ce que les Européens puissent avoir accès au gaz de schiste américain », ajoute Pascal Perrochon.
Gaz de schiste : Washington réticent à fournir les Européens
Malgré la crise en Ukraine et les risques énergétiques pesant sur l’Europe, Washington semble toujours réticent à répondre favorablement à la demande des Européens d’importer du gaz de schiste américain. Un sujet d’autant plus brûlant que sur l’exploitation et donc l’exploration sur le Vieux continent de gaz de schiste les Européens sont partagés.
En avril dernier, le Premier ministre de la Pologne Donald Tusk, élu président du Conseil de l’UE le 30 août, a lancé un appel pour mettre en place une Union énergétique. Or, il s’agit d’un pays qui a décidé de construire dans le futur 50 nouveaux puits de gaz de schiste chaque année. D’après l’Agence gouvernementale américaine d’information sur l’énergie (EIA), la Pologne possèderait les premières réserves en Europe, devant la France et la Norvège.
François Pargny