« Le nouveau président est imprévisible et impulsif », « l’Europe doit sortir de sa servitude volontaire »*, « il faut répondre coup par coup ». C’est une évidence, il ne s’en cache d’ailleurs pas, laissant transparaître, contrairement à son habitude, une certaine exaspération, voire de la colère rentrée : Matthias Fekl exècre le personnage de Donald Trump et ses orientations, et pour le secrétaire d’État français au Commerce extérieur, les réactions de l’Union européenne (UE) aux saillies verbales du nouveau président américain ou via Twitter, ne sont pas à la hauteur, c’est le moins qu’on puisse dire.
C’est ce qu’il a laissé transparaître lors de la séance des questions de la presse qui a suivi la traditionnelle conférence de presse pour la présentation des résultats annuels du commerce extérieur, le 7 février, au Quai d’Orsay**, lorsque lui a été posée la question, par Le Moci : « Pour vous, quelles sont les lignes rouges que doit franchir Trump pour déclencher les foudres de l’Union européenne ? ».
Car jusqu’à présent, malgré, pêle-mêle, les menaces de taxes aux frontières sur les importations ou d’enterrement du partenariat transatlantique, le martellement du « America first », la volonté affichée d’affaiblir les institutions internationales, ou encore les dérapages sur l’immigration des musulmans, les applaudissements au ‘Brexit’ et l’appel à d’autres sorties de l’UE, de foudres européennes, il n’y a pas eu.
« Cet homme là ne comprend qu’une seule chose : les rapports de force, il parle de faire des ‘deal‘ …»
« Je suis d’accord avec vous » a convenu Matthias Fekl, qui semble donc considérer que de multiples lignes rouges ont déjà été franchies par le nouvel hôte de la Maison blanche sans que l’UE en tant que telle, ni les dirigeants européens, ne donnent autant la voix. « L’Europe doit répondre très fortement, et d’abord en mettant un terme officiel aux négociations transatlantiques » a-t-il déclaré, ironisant sur « une commission qui continue à faire des offres », comme si de rien n’était.
L’agressivité de Donald Trump, en l’occurrence, s’ajoute à un autre motif majeur de discorde, le problème de l’extraterritorialité des lois américaines, qui date de bien avant le nouveau président, et a fait l’objet d’un rapport parlementaire trans-partisan l’an dernier*** : mettre fin à cette orientation doit être « l’un des éléments pour reprendre les discussions » considère Matthias Fekl, « il faut que l’Union européenne et notre pays sortent de leur sommeil ».
Ce socialiste qui soutiendra le vainqueur des primaires Benoit Hamon à la présidentielle, ne manque pas une occasion de rappeler qu’il est un « Européen convaincu ». Il estime que le bon échelon d’action face aux attaques du président Trump est l’UE, qui, rappelle-t-il, pèse plus que les Etats-Unis au plan économique mondial. Mais « à condition de prendre rapidement des décisions ». « Cet homme là ne comprend qu’une seule chose : les rapports de force, il parle de faire des ‘deal‘ », a insisté le secrétaire d’Etat. « Ce rapport de force, il faut l’installer sans tarder ».
Reste à savoir ce que sera vraiment la nouvelle politique commerciale américaine. Pour l’heure, au-delà du flot de déclarations, nul ne sait vraiment encore quels contours elle prendra, et Paris est en attente de clarification comme la plupart des capitales dans le monde. Concernant d’éventuelles taxes aux frontières, « la première question qui se posera sera leur compatibilité avec les règles de l’OMC », a observé Thomas Courbe, directeur général adjoint du Trésor, présent à la conférence de presse du secrétaire d’Etat. Mais pour le moment « on a peu d’éléments », citant des propositions qui circulent dans le camp des Républicains sans certitudes sur leur chance d’être retenues.
En attendant, la DG Trésor étudie de multiples scénarios, intégrant aussi l’impact d’une politique budgétaire plus stimulante et diverses hypothèses sur la politique de taux de change.
Christine Gilguy
*Une déclaration qu’il avait déjà faite au JDD le 5 février : Matthias Fekl : Trump fait peser un très fort risque d’instabilité
**Lire sur notre site : Commerce extérieur / France : contre-performance confirmée pour l’export tricolore en 2016
***Lire dans une précédente édition de la LC : États-Unis / Extraterritorialité : P. Lellouche et K. Berger lancent un cri d’alarme contre les abus du système judiciaire américain
Pour prolonger :
Lire au Sommaire de la Lettre Confidentielle d’aujourd’hui :
–Royaume-Uni / Brexit : Les Européens unis doivent être fermes avec Londres, selon M. Fekl
–France / Iran : comment Bercy cherche à rassurer les entreprises françaises
Et aussi :
–Commerce extérieur / France : l’Europe doit s’affirmer face à “l’impérium américain”, selon M. Fekl
–États-Unis / Monde : Donald Trump principal facteur de risque pays en 2017…