La contestation gronde de part et d’autre de l’Atlantique tant dans la classe politique qu’au sein de l’opinion publique. Aux États-Unis, Donald Trump, le favori républicain, et Bernie Sanders, en lice du côté des démocrates, ont tous deux exprimé des fortes réserves vis-à-vis de l’accord commercial négocié entre Bruxelles et Washington. Mais c’est en Europe que les mobilisations anti-TTIP sont les plus nombreuses et les plus récurrentes, et la perspective de la prochaine visite du président américain en Allemagne attisent les flammes*.
En Allemagne, une nouvelle manifestation contre l’accord est prévue à Hanovre le 24 avril, jour de l’ouverture de la grande foire industrielle, alors que Barack Obama et son représentant au Commerce, Michael Froman, seront accueillis par la chancelière allemande – les États-Unis étant cette année le pays invité d’honneur de la foire de Hanovre. Ils seront rejoints le 25 avril par le président français François Hollande et le Premier ministre italien Matteo Renzi, a annoncé le 20 avril l’Élysée. Le TTIP a bien sûr été inscrit en tête de liste du menu des discussions de cette rencontre au sommet, qui se tient en outre un jour avant le début du 13e round de négociations à New York. Une occasion à ne pas manquer, estiment les défenseurs de l’accord, pour confirmer l’engagement politique des deux parties à conclure ces pourparlers avant l’arrivée d’une nouvelle équipe à Washington.
La France bientôt rejointe par les Pays-Bas ?
Si contrairement à l’opinion d’une majorité d’Allemands, Angela Merkel reste engagée à boucler le plus rapidement possible ces pourparlers, la France, elle, affiche un scepticisme croissant. « S’il n’y a pas de réciprocité, s’il n’y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si on n’a pas accès aux marchés publics et si, en revanche, les États-Unis peuvent avoir accès à tout ce que l’on fait ici, je ne l’accepterai pas », a déclaré François Hollande, lors de l’émission « Dialogues citoyens », diffusée en direct sur France 2, le 14 avril.
« Je crois de moins en moins » à une conclusion des négociations commerciales avec les États-Unis, a pour sa part récemment souligné le secrétaire d’État français au commerce extérieur. « Nous arrivons à la fin d’un cycle. On ne peut plus dire, comme au début des années 2000 mondialisation = bonheur = libre-échange = plein emploi. Çà ne marche pas », ajoute Matthias Fekl, cité par l’hebdomadaire l’Obs. Et si jusqu’ici les Français se sont moins mobilisés que les Allemands – champions européens de la contestation anti-TTIP – « c’est sur le point de changer. Ça va devenir un problème important en France, c’est certain », pronostique le député socialiste Emmanuel Maurel.
Mais un autre pays, de tradition pourtant libérale, pourrait lui aussi menacer l’accord : les Pays-Bas. Après avoir rejeté, à l’issue d’un référendum le 6 avril le traité d’association UE/Ukraine, des électeurs néerlandais réclament désormais une consultation sur le TTIP. 100 000 citoyens ont déjà signé une pétition pour convoquer ce nouveau référendum, 300 000 signatures sont nécessaires. Mais une fois que le TTIP sera finalisé, tous ceux qui ont signé la pétition devraient recevoir un courriel pour relancer la mobilisation en vue d’obtenir un vote national sur l’accord. Or pour entrer en vigueur, le TTIP devra d’abord être ratifié, au sein de l’UE, par le Parlement européen et les 28 parlements nationaux. Bien que consultatif et non contraignant, un « non » à un éventuel référendum risque de convaincre certains élus nationaux et européens à rejeter l’accord.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Lire également à la Une de la Lettre confidentielle aujourd’hui : TTIP / Libre échange : du patronat au gouvernement, le consensus français contre un « accord au rabais »