La réponse de l’Union européenne (UE) aux aspects protectionnistes du plan américain Inflation Reduction Act (IRA), annoncé l’été dernier, sera au menu du Conseil Affaires étrangères qui réunira les ministres du Commerce ce 25 novembre à Bruxelles. Un dossier sensible alors que les appels à la « réciprocité » se sont multipliés ces dernières semaines, notamment de la part des industriels.
C’est ni plus ni moins qu’un nouveau contentieux naissant qui s’est fait jour entre les Européens et les Américains après la lune de miel qui a suivi l’arrivée de l’administration Biden au pouvoir en 2021, marquée par la suspension des surtaxes douanières et la mise en place d’un calendrier de négociation sur les dossiers Acier/Aluminium et Boeing / Airbus.
Des critères d’attribution de subvention jugés discriminatoires
En cause, la préférence pour le Made in America clairement mise en place par l’administration Biden pour l’attribution d’une grande partie des subventions prévue dans le volet climat de l’IRA promulgué en août dernier, soit un programme de 370 milliards de dollars visant à relancer les investissements pour lutter contre le changement climatique. « Environ 200 milliards seront attribués avec des exigences de contenu local » souligne-t-on au ministère de l’Europe et des affaires étrangère, que représentera Olivier Becht, en charge du Commerce extérieur, au conseil Commerce.
Exemple désormais connu : les subventions aux ménages américains pour l’achat de voitures à propulsion électrique, jusqu’à 7500 dollars à condition que le véhicules soit construit aux États-Unis et que la batterie soit Made in America. « Il faut limiter les aides aux véhicules fabriqués en Europe » avait déclaré Carlos Tavares, patron du groupe Stellantis, lors du dernier salon de l’automobile à Paris. « Nous regardons tous les leviers qui sont à notre disposition. L’Europe doit défendre ses intérêts. Personne ne lui fera de cadeau, ni la Chine ni les États-Unis » avait estimé quelques jours plus tard Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des finances.
Pour Paris, qui plaide depuis longtemps pour la « réciprocité » dans les échanges internationaux, à un tel niveau, c’est contraire aux règles de l’OMC car discriminatoire vis-à-vis des entreprises étrangères, et cela introduit d’ores et déjà une distorsion de concurrence : « nous voyons des entreprises qui s’interrogent sur l’opportunité d’aller investir aux États-Unis plutôt qu’en Europe » assure-t-on au Quai d’Orsay. La question des coûts de l’énergie, plus bas actuellement aux États-Unis, est certes un critère, mais l’IRA en rajouterait dans le côté incitatif, estime-t-on.
Un premier bilan des avancées de la task force
Le sujet est suffisamment brûlant pour que les Américains aient accepté de créer une « task force », un groupe de travail de haut niveau avec les Européens sur le sujet. Cette task force a été annoncée le 25 octobre, à l’issue d’une rencontre à Berlin entre Bjoern Siebert, le chef de cabinet de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le conseiller américain adjoint à la sécurité nationale, Mike Pyle. « Le groupe de travail traitera des préoccupations spécifiques soulevées par l’UE concernant l’IRA, précisait alors un communiqué de la Commission. Les deux parties ont convenu de l’importance d’une coordination étroite pour soutenir des chaînes d’approvisionnement durables et résilientes à travers l’Atlantique, y compris pour construire l’économie de l’énergie propre ».
Les ministres du Commerce européen auront droit, le 25 novembre, à un premier bilan des avancées de ce groupe de travail dont la première réunion a eu lieu une semaine après sa constitution. Il implique, côté américain, le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, le directeur du Conseil économique national, Brian Deese, et le conseiller principal pour l’innovation et la mise en œuvre de l’énergie propre, John Podestat.
En attendant les éventuelles exemptions ou concessions que pourraient obtenir les Européens, le gouvernement français pousse pour aller vite en besogne afin d’éviter que le sujet ne s’enlise pendant des années comme dans le contentieux Airbus / Boeing. Il plaide pour une solution à court terme, négociée avec les Américains, et souhaite que toutes les options soient mises sur la table pour éviter que le jeu de la concurrence ne soit faussé.
A suivre….
Christine Gilguy