Face à la propagation du coronavirus Covid-19 en Europe et à la crise économique qui se propage, l’Union européenne (UE) a tardé à se mettre en ordre de bataille. C’est chose faite avec l’annonce du lancement d’un plan de 25 milliards d’euros pour soutenir les secteurs les plus touchés, d’une flexibilité sur le plan budgétaire et d’une meilleure coordination des États membres.
Attentisme de Bruxelles
Il aura donc fallu un lundi noir pour les marchés financiers, largement dû à l’épidémie qui frappe désormais tous les États membres, et la multiplication des appels à « plus d’Europe » pour accélérer la réaction de Bruxelles. La décision du gouvernement italien d’étendre à tout le pays, à partir du 10 mars, les mesures de confinement, déjà décidées dans le nord du territoire, ont accentué la panique et mis en lumière le besoin d’une réponse plus coordonnées au niveau de l’UE.
Car jusqu’ici, les dirigeants européens semblaient espérer que le virus partirait comme il est venu et que l’impact économique sur le continent serait limité. Un attentisme qui rappelle leur réaction trop tardive lors de la crise financière de 2008.
Pourtant, si au niveau sanitaire la virulence qu’aura l’épidémie reste difficile à évaluer, le choc économique ne fait plus de doute. En témoigne la débandade observée le 9 mars sur les places boursières européennes : à Paris, le CAC 40 a perdu 8,39 %, à Francfort, la Bourse a plongé de 7,94 %, celle de de Milan a fini, elle, sur une dégringolade de plus de 11 %, et la Bourse de Madrid sur une chute de 7,96 %.
L’Italie a ouvert la voie avec un plan d’urgence de 7,5 milliards d’euros
Premier foyer de l’épidémie en Europe, l’Italie a réagi en présentant la semaine passée un plan d’aide de 7,5 milliards d’euros, soit 0,4 % de son PIB. Le Premier ministre Guiseppe Conte n’a cessé depuis de demander l’aide de Bruxelles afin d’obtenir plus de flexibilité sur son déficit.
Mêmes appels pressants de la part de la France. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des finances, a lui aussi exhorté ses homologues à mettre rapidement en œuvre une réponse « massive » ainsi qu’un plan de relance à l’échelle du continent.
A l’initiative d’Emmanuel Macron, une réunion d’urgence a été finalement organisée mardi 10 mars à 17h par vidéoconférence. Outre les Vingt-sept chefs d’État et de gouvernement, Charles Michel, Ursula Von Der Leyen et Christine Lagarde – respectivement Président(e)s du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne (BCE) – ont participé à ce conseil extraordinaire. Ils ont réussi à produire un plan d’urgence de 25 milliards d’euros.
Un plan européen de 25 milliards d’euros ciblant les PME
« Nous utiliserons tous les instruments à notre disposition pour que notre économie résiste à cette tempête », a insisté la chef de l’exécutif européen lors d’une conférence de presse organisée à l’issue de cette réunion.
Dans la foulée, l’ex ministre allemande a annoncé qu’un « fonds d’investissement de réponse au coronavirus » sera prochainement créé, qui pourrait « rapidement atteindre 25 milliards d’euros » de capacité d’investissement au bénéfice « des PME », du marché de l’emploi, et plus largement des « parties les plus vulnérables de notre économie » qui souffre de la propagation du Covid-19.
« Pour réaliser cela, je proposerai cette semaine au Conseil (États membres) et au Parlement de libérer 7,5 milliards de liquidités d’investissement », une somme qui est disponible « au titre des fonds structurels » et permettra ensuite de mobiliser plus largement les 25 milliards évoqués, a-t-elle expliqué
Assurer la disponibilité des équipements médicaux nécessaires
La Commission a également été chargée d’analyser les besoins des pays en matériel médical, particulièrement les masques de protection, et de présenter des mesures pour éviter les pénuries.
« Il est important que tout obstacle injustifié au marché intérieur soit évité », a expliqué Charles Michel, le Président du Conseil européen, alors que l’Allemagne, la France et la République tchèque ont décidé de bloquer l’exportation de masques.
Pays le plus touché par l’épidémie, l’Italie a déploré le manque de solidarité européenne soulignant qu’aucun État membre n’avait répondu à ses appels pour plus de matériel. Seule la Chine s’est manifestée.
Le monitoring de la Commission permettra de « voir où se situent les stocks et les besoins », a souligné Charles Michel. Dans ce but, la Commission mise aussi sur une solidarité plus grande entre les entreprises de l’UE, « surtout lorsqu’elles dépendent d’un même secteur industriel », a indiqué Thierry Breton, le commissaire en charge du Marché intérieur et de l’industrie.
Mardi 10 mars, l’ex-ministre français s’est entretenu par vidéoconférence avec les fabricants de matériel de protection, tels que les masques ou les gants, et les autorités nationales, afin d’assurer la couverture de tous les besoins, tout particulièrement ceux du personnel de santé. Il a également annoncé qu’une réunion semblable serait organisée en fin de semaine avec les représentants de l’industrie pharmaceutique.
Flexibilité budgétaire et en matière d’aides d’État
Conformément au souhait de Rome et de Paris, les règles budgétaires – limitant notamment à 3 % du PIB le déficit d’un État membre – seront assouplies pour limiter l’impact de la crise.
La Commission s’est engagée à apporter plus de précisions quant au mécanisme envisagé d’ici à la prochaine réunion de l’Eurogroupe, prévue le 16 mars. Par ailleurs, des directives sur une utilisation plus souple des règles communautaires en matière d’aides d’État « seront prêtes d’ici à la fin de la semaine », a promis Ursula Von Der Leyen.
De quoi satisfaire les membres des principales familles politiques au Parlement européen (PE). Même dans les rangs du PPE (Parti populaire européen, majoritaire au PE), où une approche rigoriste est généralement de mise, les eurodéputés ont fait pression sur la Commission pour qu’elle adopte rapidement une approche plus flexible, justifiée par les circonstances exceptionnelles.
« Cette crise sanitaire est tout aussi urgente et préoccupante que la crise financière de 2008. Pour éviter une crise économique majeure, nous avons besoin de programmes nationaux de soutien aux entreprises, de régimes de travail à horaire réduit, d’exonérations fiscales pour les secteurs les plus concernés, ainsi que de mesures de relance budgétaire ciblées », analysait la néerlandaise Esther de Lange, vice-présidente du PPE en charge de l’Économie, de la santé et de l’environnement.
Les appels de la France pour aller plus loin en mettant en œuvre une relance budgétaire coordonnée n’ont toutefois pas fait l’unanimité au sein des Vingt-sept. Cette réponse « massive » préconisée par le Président français s’est à nouveau heurtée à la réticence de pays qui, comme l’Allemagne, restent prudents face à toute relance par la dépense publique.
Une coordination journalière entre les Vingt-sept
Pour renforcer leur coordination sur le plan sanitaire, les Vingt-sept se sont enfin mis d’accord pour organiser, chaque jour, des points quotidiens entre les ministres européens de la Santé et de l’Intérieur. Une équipe d’épidémiologistes et de virologues transmettra, en parallèle, des recommandations régulières à l’exécutif européen.
Car jusqu’ici les États membres ont plutôt agi de façon dispersée, donnant une impression de cacophonie au sein de l’UE.
« Pourquoi les matches de foot ont lieu dans des stades vides en Espagne alors que dans d’autres pays tout continue normalement ? Pourquoi les écoles ferment lorsqu’un parent ou un élève est testé positif dans certains États mais pas dans d’autres ?», s’interrogeait Ester de Lange. « Nous exigeons la meilleure coordination possible entre les États membres et les autorités européennes. Au lieu de solutions nationales, nous avons besoin d’une norme européenne », insistait l’élue néerlandaise.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles