Adopté par les 28, le 13 décembre dernier, après trois ans de blocage au Conseil, le texte sur la révision des instruments de défense commerciale (IDC) de l’Union européenne (UE) doit désormais être débattu en trilogue, entre représentants de la Commission, du Conseil et du Parlement européen (PE). Des négociations qui s’annoncent difficiles au vu des premières réactions de certains eurodéputés qui dénoncent un arsenal trop diluée par rapport à la première mouture du texte, présenté en 2013 par l’exécutif européen.
« Nous avons attendu ces discussions pendant trois ans et nous constatons avec regret que les Etats membres ne partagent pas notre ambition. (…) Nous ferons de notre mieux pour modifier la proposition sur la table afin qu’elle rencontre les attentes des travailleurs et de l’industrie », a expliqué Alessia Mosca, porte-parole des Socialistes et démocrates (S&D) pour les questions commerciales, à l’issue du premier round de discussions qui s’est tenu ce mardi 21 mars à Bruxelles. En ligne de mire ? Les concessions accordées aux Etats membres les plus récalcitrants pour aboutir à une position commune.
Alors que cette révision était soutenue par la France et l’Allemagne pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales, d’autres pays de tradition libérale, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, ont freiné des quatre fers l’adoption du paquet au nom des sacro-saints principes de la libre concurrence.
La règle du droit moindre atténuée
Longtemps opposés à l’abandon de la règle du droit moindre – qui limite considérablement le montant des taxes dans les cas avérés de dumping – ces Etats ont finalement consentis à sa levée partielle dans les cas où les prix des matières premières utilisées par les exportateurs tiers, sont maintenus à un niveau artificiellement bas par les pouvoirs publics de leurs pays. Et pour que ces taxes puissent être augmentées, « les matières premières, incluant l’énergie, doivent représenter plus de 27 % du coût total de production et compter pour 7 % individuellement », précise un document du Conseil de l’UE.
Ces conditions sont jugées trop strictes par les négociateurs du S&D. Pour eux, cette règle du droit moindre devrait être abandonnée « lorsqu’il est établi qu’un pays exportateur met en œuvre des pratiques qui perturbent le cours normal du commerce, en n’appliquant pas, par exemple, les standards internationaux en matière sociale et environnementale ou quand la plainte a été déposée par des PME », détaille Bernd Lange, président de la commission du Commerce international (INTA) au PE.
Le socialiste allemand estime par ailleurs que les petites et moyennes entreprises devraient être mieux soutenues par l’UE. La complexité et le coût du lancement d’investigations antidumping et anti-subventions – pouvant aller jusqu’à 200 000 euros – découragent bon nombre d’entre elles d’initier des enquêtes visant à démontrer l’ampleur du préjudice subi.
Désaccord sur les délais d’information
Autre exigence des négociateurs du S&D : l’annulation de la « shipping clause » prévue dans le compromis ficelé par le Conseil. Dans sa proposition initiale, la Commission prévoyait d’avertir les importateurs européens et les exportateurs des pays tiers, deux semaines avant la mise en œuvre effective des taxes antidumping. Un délai allongé à quatre semaines dans le compromis adopté par les 28. Pour éviter que les pays ou opérateurs concernés profitent de cette période pour stocker rapidement leurs marchandises dans les ports européens, les socialistes refusent d’accorder le moindre délai avant l’entrée en vigueur des mesures correctrices.
« Notre objectif est clair : nous voulons proposer des instruments efficaces à nos industries pour lutter contre les pratiques déloyales », a précisé Bernd Lange, exhortant les Etats membres à faire preuve de plus de flexibilité sur ce dossier très sensible pour les entreprises européennes. « Nous sommes prêts à engager une discussion constructive mais il faut être deux pour danser le tango », a-t-il conclu.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
UE / Commerce international : l’UE se dote (enfin) d’un nouvel arsenal de défense commerciale