Initialement prévue à Leipzig, la rencontre entre les Vingt-sept et les plus hauts émissaires de Chine, devait être l’un des temps forts de la présidence allemande de l’Union européenne (UE). La pandémie a changé la donne, obligeant les dirigeants à réduire le format du sommet qui s’est finalement tenu le 14 septembre en visioconférence. Au centre des discussions, l’accord sur la protection des investissements négocié depuis sept ans entre Bruxelles et Pékin.
« Nous avons besoin de résultats concrets » a insisté, à l’issue du sommet, Ursula Von Der Leyen, la Présidente de la Commission européenne. Une preuve que les discussions sur le traité d’investissement, que les deux parties souhaitent boucler d’ici la fin de l’année, n’ont pas connu de percées majeures lors de cette rencontre virtuelle qui a réuni, outre la cheffe de l’exécutif, le président du Conseil européen Charles Michel, la chancelière allemande Angela Merkel et le président chinois Xi Jinping.
Des avancées dans trois domaines
Les pourparlers se sont toutefois intensifiés au cours de ces dernières semaines.
« Il y a six mois, je pensais que l’accord était mort mais, à ma grande surprise, il semble avoir repris vie cet été », reconnaît Joerg Wuttke, le Président de la Chambre de Commerce européenne à Pékin.
Des avancées confirmées par Ursula Von Der Leyen lors de sa conférence de presse. Trois questions importantes du traité feraient ainsi désormais l’objet d’un accord : les disciplines concernant le comportement des entreprises publiques ; les transferts de technologie forcés ; et la transparence des subventions.
Mais « il reste beaucoup, beaucoup à faire sur d’autres choses importantes et difficiles de l’accord », a ensuite tempéré la Présidente de la Commission.
Le dossier de l’accès au marché chinois
Outre le volet ‘Développement durable’, l’autre chapitre en suspens concerne l’accès au marché chinois.
Dans certains secteurs clés – tels que les télécommunications, l’informatique, la santé, les biotechnologies, les véhicules à nouvelles énergies ou les transports -, les investisseurs européens rencontrent encore de nombreux obstacles.
Ceux-ci se seraient même multipliés depuis la pandémie de Covid-19, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables ou des hautes technologies, souligne un récent rapport de la Chambre de commerce européenne à Pékin.
« On doit avancer sur ces deux questions », pour pouvoir boucler les négociations à la fin de l’année, a insisté Ursula Von Der Leyen. « En d’autres termes, la Chine doit nous convaincre qu’un accord d’investissement vaut la peine d’être conclu ».
« Mieux vaut pas d’accord qu’un mauvais accord »
Pour Bruxelles la balle est désormais dans le camp de la Chine. « Mieux vaut pas d’accord qu’un mauvais accord », affirme un proche collaborateur de Charles Michel.
Lui-même a d’ailleurs donné le ton dès le début du sommet : « l’Europe doit être un acteur et pas un terrain de jeux », a averti le Président du Conseil européen, n’hésitant pas à évoquer les sujets qui fâchent face à Xi Jinping, en particulier les questions relatives aux droits de l’homme.
Preuve que les Vingt sept sont bel et bien décidés à instaurer un vrai rapport de force avec Pékin, partenaire incontournable mais désormais qualifié de « rival systémique ».
Une défiance croissante
Une défiance croissante de la part des Etats membres que Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères chinois, a d’ailleurs pu mesurer lors de sa tournée européenne organisée du 25 août au 2 septembre.
Venu vanter les bienfaits de la coopération entre les deux blocs, il n’a pas été reçu avec les cordialités d’usage. A Berlin la rencontre a quasiment viré à la confrontation. Ce qui témoigne, aussi, d’un changement de cap radical dans la stratégie de l’Allemagne vis-à-vis de son premier partenaire commercial.
Et si Angela Merkel a tout intérêt à conclure l’accord d’investissement négocié avec la Chine, qu’elle a d’ailleurs érigé comme l’une des priorités de la présidence allemande de l’UE, elle a voulu réaffirmer, lors du dernier sommet, que les Européens n’étaient plus les partenaires complaisants d’hier mais qu’ils pouvaient se montrer aussi coriaces que les Etats-Unis.
Une stratégie susceptible de se révéler payante, selon Marc Julienne, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI). « On oublie trop souvent que la Chine a beaucoup d’intérêt à coopérer avec l’Europe. Et de plus en plus d’intérêt puisque la rivalité sino-américaine s’accentue, qu’un grand nombre d’entreprises chinoises ou de produits chinois n’ont plus accès au marché américain. Et donc le marché européen devient de plus en plus important. »
Un accord est-il possible avant fin 2020 ?
Mais si la Chine affirme être dans de bonnes dispositions pour négocier, elle n’aurait fait jusqu’ici que des concessions mineures, déplore-t-on à la Commission. Et faute de pression directe sur Pékin, il est peu probable que Xi Jinping cède aux demandes des Européens.
« L’UE est devenue plus vigilante, plus affirmée mais elle ne s’engagera pas sur la voie choisie par Trump », analyse un diplomate européen. Dans ce contexte, un accord reste-t-il possible fin 2020 ?
« C’est peu probable, estime cette même source. Attendons le résultat des élections américaines pour établir un pronostic plus fiable ». Selon cet expert, l’issue du scrutin, aux Etats-Unis, pourrait être déterminante dans la phase finale du bras de fer opposant Bruxelles à Pékin.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles