L’Union européenne (UE) et la Chine ont signé ce mercredi 6 novembre à Pékin, un accord sur les IGP (Indications géographiques protégées). Cette signature a été effectuée alors que le président français achevait une visite officielle de trois jours en Chine où il s’est posé en émissaire de l’Europe.
Une fois entré en vigueur, cet accord garantira une protection renforcée, sur les marchés des deux blocs, de 100 produits européens bénéficiant de ce label de qualité, ainsi que de 100 produits régionaux chinois. Au préalable, l’accord va faire l’objet d’un examen juridique de part et d’autre. Du côté de l’Union, le Parlement européen et le Conseil seront ensuite invités à donner leur approbation. L’accord devrait entrer en vigueur avant la fin de 2020.
Cette nouvelle tombe bien alors que les Européens craignent d’être les grands perdants de la négociation commerciale bilatérale en cours entre Pékin et Washington pour mettre fin à leur guerre tarifaire.
100 IGP européennes, dont 26 françaises
« Attendu depuis très longtemps », cet accord représentera « une avancée très importante, qui est le résultat d’une action commune » au niveau européen, a déclaré Emmanuel Macron au premier jour de sa visite en Chine. Il va permettre « de favoriser le commerce et les échanges en protégeant nos marques, notre savoir-faire », s’est félicité le président français face à des chefs d’entreprise français et allemands participant à la Foire aux importations de Shanghai, un rendez-vous annuel dont la France était cette année l’invitée d’honneur.
Gage de qualité, le label IGP garantit qu’au moins une des étapes de production, de transformation ou d’élaboration du produit s’est déroulée dans le lieu affiché.
Très prisés sur un marché en pleine croissance – deuxième importateur de produits agroalimentaires de l’UE, la Chine est également le deuxième importateur de produits labellisés IG – ces produits européens seront donc mieux protégés des contrefaçons ou imitations.
Les exportations européennes de produits agroalimentaires vers la Chine ont ainsi atteint un montant de 12,8 milliards d’euros au cours de la période de 12 mois entre septembre 2018 et août 2019, en progression de 13,5 %. Et les exportations de produits protégés vers la Chine ont représenté 9 % du total des IGP exportées par l’UE.
Au total la liste comprend 100 IGP européennes, comme le whisky irlandais, le Gorgonzola, le cheddar ou la vodka Polska. Parmi eux, 26 IGP françaises, essentiellement des vins (bordeaux, beaujolais, bourgogne, champagne…), des spiritueux (armagnac, cognac…) et des fromages (comté, roquefort…). La liste complète est dans le document attaché à cet article*.
Il s’agit d’une première étape seulement, car la Commission ambitionne d’élargir la liste à 175 nouvelles IGP, quatre ans après la mise en œuvre de l’accord.
« Nos produits d’indication géographique de l’UE sont une véritable réussite, avec des ventes mondiales en croissance dans le monde entier (…). Travailler en étroite collaboration avec nos partenaires commerciaux tels que la Chine est une victoire : cela profite à nos agriculteurs et à nos agro-entreprises », a indiqué Phil Hogan, l’actuel commissaire à l’Agriculture et futur commissaire au Commerce, qui accompagnait Emmanuel Macron à la foire de Shanghai.
Emmanuel Macron, l’émissaire de la France et de l’UE
Lancées en 2006, les négociations UE / Chine sur les IGP ont connu un coup d’accélérateur fin mars 2019, lors de la visite en France du président chinois Xi-Jinping. Après une journée d’entretiens bilatéraux, Emmanuel Macron avait convié à l’Élysée Angela Merkel et Jean-Claude Juncker pour donner une dimension européenne à ces discussions et afficher un front uni face au Président chinois.
Cette initiative, plus collective, a été réitérée lors de sa visite en Chine cette semaine : outre le commissaire Phil Hogan, membre de l’exécutif à Bruxelles, le chef d’État français a obtenu de la chancelière allemande qu’elle envoie à ses côtés, à la foire de Shanghai, non pas l’ambassadeur allemand en Chine comme initialement prévu, mais une personnalité de son gouvernement. C’est finalement Anja Karliczek, la ministre de l’Éducation, qui a été choisie.
« Il était important d’avoir une discussion qui fasse le suivi de ce qu’on avait lancé à Paris en mars 2019, c’est-à-dire montrer l’Europe avec un visage uni. On avait montré que quand l’Europe parlait d’une voix commune – avec la chancelière, le président de la Commission européenne, moi-même -, on pouvait avoir des résultats, parce qu’on pouvait partager un agenda avec le Chine ».
Au-delà de la coopération franco-chinoise, la visite d’Emmanuel Macron avait donc aussi pour objectif de renforcer les relations entre Bruxelles et Pékin. « Nous ne voulons pas être les victimes collatérales d’un accord de libre-échange entre la Chine et les États-Unis. D’où la nécessité de donner une impulsion nouvelle aux négociations bilatérales avec la Pékin », justifie un diplomate français basé dans la capitale européenne.
Une stratégie française qui fait débat à Bruxelles
Plus qu’un émissaire français, « il se positionne aussi comme LE leader d’une Europe unie », ironise un autre haut responsable à Bruxelles. Car l’initiative d’Emmanuel Macron n’est pas sans provoquer des grincements de dents dans certaines capitales de l’UE.
En mettant la France à l’honneur, pour cette deuxième édition de la foire de Shanghai (Poutine et la Russie étaient les invités d’honneur en 2018), « Xi Jinping fait de la propagande pour obtenir le soutien de l’UE dans la guerre commerciale entre son pays et les États-Unis », estime un haut représentant issu des pays de l’est.
Très attachés au lien transatlantique, considéré comme l’un des derniers remparts contre l’influence de Moscou sur le continent, plusieurs États membres, en particulier d’Europe centrale et orientale, préconisent une approche plus neutre dans le conflit qui oppose les deux grandes puissances mondiales. « En marquant un rapprochement trop net avec Pékin, on risque seulement d’aggraver les tensions avec Washington, sans obtenir grand chose en échange de la part de la Chine », pronostique ce même diplomate.
Du côté de la Commission, la critique est moins sévère. Car la nomination, vendredi 1er novembre, d’un « Monsieur Europe » au sein de la diplomatie chinoise, Wu Hongbo, envoyé spécial de la Chine pour les affaires européennes, démontre que cette stratégie, plus offensive et plus collective, commence à porter ses fruits.
« Pékin et Washington ont su profiter des divisions au sein de l’UE. À nous de nous en inspirer pour faire avancer l’agenda européen », souligne un proche conseiller du Président Juncker. Dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis, les Chinois « veulent augmenter leurs échanges avec le vieux continent, alors que leur économie ralentit », analyse cette même source.
Après l’accord sur les IGP, la Commission espère donc profiter de ce contexte pour boucler celui relatif à la protection des investissements. Objectif : conclure les négociations au cours du second semestre de 2020, lors de la visite prévue du président Xi Jinping à l’occasion du prochain sommet UE / Chine.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Voici les liens vers les listes d’IGP protégées, européennes et chinoises :
– IGP européenne : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/food_safety_and_quality/documents/eu-100-list-of-gis-eu-china-agreement_en.pdf
– IGP chinoises : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/food_safety_and_quality/documents/china-100-named-products-eu-china-agreement_en.pdf