La Commission européenne vient de mettre à jour son rapport de 2017 sur les distorsions induites par l’intervention de l’État dans l’économie chinoise, véritable outil mis à la disposition des industriels européens pour déclencher d’éventuelles enquêtes anti-dumping de la part de Bruxelles. Des détails sont fournis sur de nouveaux secteurs.
Par rapport à la première édition de 2017 de ce rapport, les équipements de télécommunications, les semi-conducteurs, l’industrie ferroviaire, les énergies renouvelables et des véhicules électriques sont les secteurs pour lesquels la Commission donne de nouveaux détails factuels sur la manière dont des actions étatiques chinoises peuvent aboutir à une distorsion de concurrence. Comme dans sa première édition, il couvre également les secteurs de l’acier, de l’aluminium, de la chimie et de la céramique. A noter que la Chine est le seul pays tiers faisant l’objet d’un tel rapport de la part de l’exécutif bruxellois.
https://ec.europa.eu/transparency/documents-register/detail?ref=SWD(2024)91&lang=en
Bien que publiée plutôt discrètement le 10 avril*, ce document en anglais de plus de 700 pages est attendus des industriels européens opérant dans les secteurs passés en revue. Le rapport fournit en effet « des informations factuelles pertinentes pour les enquêtes en cours et futures de l’UE en matière de défense commerciale liées aux mesures antidumping », souligne la Commission. « Il permettra à l’industrie de l’UE, lorsqu’elle dépose des plaintes pour pratiques de dumping, d’utiliser les informations les plus récentes sur l’économie chinoise et sur les circonstances spécifiques du marché, ainsi que dans certains secteurs industriels », complète-t-elle.
Sont ainsi passées en revue les évolutions récentes de la législation chinoise mais aussi des politiques industrielles et d’autres développements. Les problèmes de surcapacités de production sont régulièrement évoqués. Et Bruxelles souhaite que les entreprises s’en emparent. « Le rapport précédent s’est avéré être un outil essentiel pour recueillir des éléments de preuve en vue d’ouvrir et de mener des enquêtes antidumping dans les secteurs où les prix et les coûts étaient affectés par d’importantes distorsions induites par l’État » estime la Commission.
Trois principales conclusions sont tirées de cette édition 2024 concernant le fonctionnement de l’appareil industriel chinois :
-L’existence de distorsions transversales, telles que le rôle de l’État dans l’allocation des ressources et l’identification des objectifs économiques, le rôle du système de planification et l’importance des entreprises publiques.
-L’existence de distorsions des facteurs de production, telles que l’allocation discriminatoire et l’accès à des ressources comme la terre, la main-d’œuvre, les matières premières et l’énergie.
-Enfin l’existence de distorsions dans certains secteurs, telles que les aides de l’État, y compris l’accès préférentiel au financement, dans des secteurs industriels spécifiques.
Comment fonctionne l’anti-dumping en UE
La Commission rappelle, dans un communiqué en ligne, quelques principes de l’approche européenne en matière d’enquête anti-dumping. « La déclaration elle-même, ou l’inclusion de certains secteurs dans celle-ci, n’entraîne pas automatiquement l’application d’une méthode particulière de calcul du dumping. Si, au cours de l’enquête et sur la base de tous les éléments de preuve disponibles, y compris le rapport, il s’avère que les prix et les coûts chinois dans un secteur particulier sont faussés, ils seront remplacés par des prix et des coûts provenant d’un autre pays tiers dont les conditions de marché ne sont pas faussées dans le même secteur, afin de calculer l’éventuel dumping. Cela se ferait au cas par cas, en s’appuyant sur les preuves disponibles. Au cours de chaque enquête, toutes les parties concernées, y compris le gouvernement chinois ainsi que les producteurs-exportateurs, peuvent commenter les conclusions du rapport ».
« Cela pourrait être considéré comme une invitation aux secteurs qui n’ont pas encore déposé de plaintes antidumping à explorer leur utilisation », avance Laurent Ruessmann, associé du cabinet d’avocats Ruessmann Beck & Co, cité par l’agence Reuter.
Bon an mal an, une dizaine d’enquêtes antidumping sont déclenchées par la Commission chaque année, dont beaucoup concernent des produits sidérurgiques. L’UE cherche manifestement à étendre sa politique anti-dumping aux nouveaux secteurs clés pour la transition verte. Elle l’a d’ores et déjà engagé, grâce au nouvel instrument anti-subvention en vigueur depuis l’an dernier, en lançant une enquête sur les fournisseurs chinois d’éoliennes et les importations de véhicules électriques en provenance de Chine.
C.G