L’Union européenne (UE) et le Canada ont officiellement lancé, le 21 juin, leur partenariat stratégique sur les matières premières. Il fait suite à l’accord politique scellé entre les deux blocs lors du dernier sommet bilatéral qui s’était tenu la semaine précédente à Bruxelles. Pour les Européens il s’agit avant tout de s’affranchir des fournisseurs chinois notamment pour la fabrication des batteries utilisées dans les voitures électriques.
« Nous, Européens, voulons diversifier nos importations en provenance de producteurs comme la Chine, car nous voulons plus de durabilité, moins de dommages environnementaux et nous voulons de la transparence sur les matières premières », a commenté Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
Près de cinq ans après la signature de l’Accord économique et commercial global (CETA) et de l’Accord de partenariat stratégique (APS), Bruxelles et Ottawa souhaitent donner un nouvel élan à leur coopération. Parmi les thèmes de coopération évoqués, figure la construction d’une économie plus propre.
« Pour commencer, afin de continuer à créer de bons emplois verts pour la classe moyenne, nous devons garantir la durabilité des chaînes d’approvisionnement en minéraux et métaux critiques, qui sont essentiels pour des équipements comme les batteries des voitures électriques », a abondé Justin Trudeau, le premier ministre canadien.
Matières premières clés des secteurs de la transition écologiques
Pour soutenir la relance et construire des écosystèmes industriels résilients, l’UE doit garantir la sécurité des approvisionnements de certaines matières premières clés, nécessaires à la fabrication des batteries, des éoliennes, des moteurs de voitures, des panneaux photovoltaïques, ou encore dans le secteur de la robotique. Une condition pour renforcer l’autonomie stratégique du bloc « tout en préservant une économie ouverte », explique un fonctionnaire à Bruxelles.
Pays riche en ressources et qui « partage les mêmes valeurs », souligne cette même source, le Canada constitue un partenaire clé susceptible de fournir « durablement » à l’UE des minéraux essentiels tels que le cobalt, le charbon à coke, le graphite, le niobium et les métaux du groupe du platine.
Des projets miniers avancés devraient également permettre au Canada de fournir d’autres ressources telles que le bismuth, les terres rares, le lithium, le magnésium, le phosphate, le tantale, ou le tungstène.
Pour Ottawa, il s’agira avant tout d’établir des partenariats stratégiques, dans toute la chaîne de valeur, afin de développer davantage la capacité de traitement, de séparation, d’affinage et de fabrication de métaux. « Une façon d’assurer un écosystème industriel résilient et vert pour le Canada comme pour l’UE », résume ce haut responsable à Bruxelles.
D’autres partenariats à l’étude dont avec l’Ukraine
« Établir le premier partenariat sur les matières premières avec le Canada était pour nous une évidence », s’est félicité Thierry Breton. Pour le commissaire en charge de l’Industrie et du marché intérieur, l’initiative répond ainsi aux objectifs de la stratégie industrielle, qu’il a lui-même présenté en mai dernier, et à ceux de la nouvelle politique commerciale dévoilée quelques mois plus tôt, en février 2021.
D’autres partenariats sont à l’étude. La prochaine étape vise à finaliser une nouvelle alliance stratégique sur les matières premières avec Kiev, probablement à l’issue du sommet UE / Ukraine programmé le 13 juillet prochain.
Ces partenariats avec des pays tiers s’intègrent dans une stratégie plus globale, et plus ancienne, visant à sécuriser l’accès de l’UE aux matières premières. En septembre 2020, la Commission a ainsi présenté son « plan d’action », visant à réduire la dépendance vis-à-vis de pays comme la Chine, championne de l’extraction de terres rares.
La liste des matières critiques
« Nous ne pouvons pas nous permettre de dépendre entièrement de pays tiers », avait alors estimé le Commissaire français.
La publication d’une liste des matières premières critiques pour l’UE représente un élément central de cette initiative. Son objectif est d’inventorier les matières premières présentant un risque élevé de pénurie d’approvisionnement et une grande importance économique, « auxquelles l’accès fiable et sans entrave constitue un enjeu pour l’industrie européenne et les chaînes de valeur », indique un communiqué.
La dernière mise à jour de cette liste « de ressources clés » en recense trente, soit quatre de plus que dans la version précédente publiée en 2017. Parmi celles-ci, la bauxite, le titane le strontium et le lithium *, une matière première essentielle pour la fabrication des batteries des voitures électriques, comme pour le stockage d’énergie.
D’ici à 2030, l’exécutif européen estime que les besoins en lithium seront 18 fois supérieur et jusqu’à 60 fois plus pour 2050. Or en l’absence d’investissements significatifs, « un déficit de marché important pourrait survenir après 2025 », avertit la Commission. Bruxelles a donc identifié une série d’actions à mettre en place pour diversifier l’approvisionnement dans ces matières, améliorer l’efficacité de leur utilisation, et leur circularité. Mais aussi, quand c’est pertinent, pour en développer l’extraction et le raffinage sur le sol européen.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
* La liste 2020 des matières premières critiques peut être consultée sans le document (en français) présenté par la Commission : « Résilience des matières premières critiques : la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité »