En théorie, le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) ou Accord économique et commercial global/AEGC) pourrait entrer en vigueur dès le 17 juin. Déjà ratifié par les institutions européennes – le Conseil en octobre et le Parlement en février – cet accord de libre-échange UE / Canada a obtenu le feu vert du Parlement à Ottawa le 17 mai dernier. En conséquence, 95 % de l’accord, soit les dispositions qui relèvent des compétences exclusives de l’UE, pourraient dès lors être mis en œuvre, de façon provisoire, un mois après son adoption par les députés canadiens. Mais à ce stade, aucune date n’a été spécifiée.
« Probablement au courant du mois de juillet », pronostiquent certains responsables à Bruxelles. Un calendrier incompatible avec plusieurs procédures en cours. La Belgique, qui avait entamé un bras de fer sur le CETA avec Bruxelles, exigeant des garanties supplémentaires, a promis de saisir la Cour de justice de l’UE dans les semaines à venir. En France, 110 députés français ont saisi le Conseil constitutionnel qui doit rendre sa décision au début de l’été. En outre, entre les deux tours de la présidentielle, Emmanuel Macron s’est également engagé à mettre en place un comité d’experts chargé d’analyser les impacts potentiels de l’accord, notamment sur le plan environnemental.
Un véritable casse-tête
Ce dernier point est un véritable casse-tête pour le nouveau président, qui ne peut raisonnablement pas envisager la création d’un groupe d’experts avant les trois mois qui suivent son élection. Et « pour être jugées crédibles et pertinentes, la création de cette commission et les décisions qui en résulteront doivent intervenir avant l’entrée en application provisoire de l’accord », soulignent plusieurs ONG dans un communiqué.
Le sujet a certainement été abordé par le président français et son homologue canadien, Justin Trudeau, durant leur rencontre le week-end passé au G7 en Sicile. Les détails de cette entrevue sont néanmoins restés confidentiels, rien n’a fuité sur les solutions envisagées. « Emmanuel Macron va expliquer quel est l’objectif du comité qu’il veut installer, afin qu’il n’y ait pas de mauvaise interprétation », affirmait une source élyséenne peu avant l’entrevue.
Mais l’idée d’un nouveau report ne semble pas à l’ordre du jour à Bruxelles où l’on estime que la saga autour du CETA n’a déjà que trop duré. « Il s’agit de la crédibilité de l’UE en tant que partenaire commercial », rappelle un proche collaborateur de Cecilia Malmström, la Commissaire en charge du dossier. Il dit espérer une entrée en vigueur de l’accord « avant l’été ».
Les dispositions applicables
Dans ce cas de figure, la grande majorité des dispositions du pacte commercial seront applicables immédiatement. Parmi celles-ci figurent notamment :
-l’augmentation des quotas d’importation de viande canadienne vers l’Europe ;
-la protection des 145 appellations d’origine contrôlées européennes sur le sol canadien ;
-la baisse des droits de douane pour les produits agricoles, les produits de la mer, les métaux, l’automobile et les produits manufacturés ;
-un meilleur accès des entreprises européennes aux marchés publics canadiens (30% contre 10% actuellement) ;
-la libéralisation de nombreux services, à l’exception de tous les « services reconnus d’utilité publique au niveau national ou local » ou encore une protection renforcée des brevets pharmaceutiques européens au Canada.
Cependant, un certain nombre de chapitres du CETA – relevant d’une compétence mixte UE / États membres – ne pourront s’appliquer qu’au terme de sa ratification définitive par les trente-huit Parlements nationaux et régionaux recensés au sein de l’UE. Le mécanisme de règlement des différends investisseurs / États en fait partie, de même que certaines dispositions liées aux services financiers et à la fiscalité.
Si toutes les assemblées des États membres donnent leur accord, après un long processus, le CETA sera pleinement validé et entrera en vigueur dans son intégralité. Un seul vote négatif pourra néanmoins mettre un terme à la mise en œuvre provisoire du pacte commercial, et à toutes les dispositions déjà d’application. A ce stade, sur Vingt-huit États membres, seule la Lettonie a ratifié l’accord. En République tchèque et en Espagne, la procédure vient d’être lancée. Quant à la Croatie, la Finlande, le Danemark et la Lituanie, tous ont annoncé qu’ils souhaitaient accélérer le processus de ratification.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles