« De façon concrète – et rien ne peut les empêcher de le faire – nous craignons que les Chinois s’implantent de plus en plus dans la région pour inonder le marché, mais surtout pour exporter leurs produits en Europe en profitant des accords de libre échange », confie à la Lettre confidentielle un résident français en Afrique.
Pendant que les milieux d’affaires en France analysent l’impact de l’Accord de partenariat économique (APE) signé en juillet entre l’Union européenne (UE) et la zone Afrique de l’Ouest (Cedeao + Mauritanie), d’autres chefs d’entreprises africains et français établis dans la région, ne cachent pas ainsi leur inquiétude quant à l’impact de ces nouveaux accords sur les tissus économiques du continent.
Un secteur retient plus particulièrement l’attention : le textile. « Les Chinois se sont installés en Éthiopie pour des raisons de coût, mais maintenant ils se dirigent de plus en plus vers l’ouest du continent, notamment en Côte d’Ivoire, pour acquérir des actifs dans le but d’exporter un jour de l’autre côté de la Méditerranée », affirme l’interlocuteur de la LC.
Pékin aurait promis d’injecter 5000 milliards de F CFA
L’accord APE signé avec l’UE a succédé aux anciennes conventions ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), conclues depuis 1975 entre l’UE et les pays en développement. Selon le calendrier établi dans le cadre de l’APE, dans cinq ans, les produits africains seront en franchise de droit de douane à l’entrée sur le marché européen pour 100 % des lignes tarifaires, contre 75 % dans l’autre sens. Certains sous-secteurs ou lignes de produits sont en effet exclus (par exemple, les poissons congelés- mais pas les poissons frais), notamment pour protéger l’industrie locale et l’investissement.
A Paris, « chacun – entrepreneurs, ministères – décortique aujourd’hui l’accord, tout en sachant que les recettes fiscales tirées des droits de douane devant beaucoup baisser, il va falloir être attentif aux budgets des États africains », reconnaît un familier du dossier. Une occasion rêvée pour Pékin d’accentuer son déploiement en Afrique.
Lors de la visite à Tianjin du président malien Ibrahim Babacar Keïta, du 9 au 13 septembre dernier, Pékin aurait ainsi promis d’engager 5 500 milliards de F CFA (8,36 milliards d’euros) dans toute une série de domaines, allant des infrastructures aux mines. Une somme qui paraît astronomique. « Si tous les projets dans l’énergie, le bâtiment ou le transport devaient être réalisés, alors le Mali deviendrait un pays émergent dans dix ans et il y aurait un Chinois à tous les carrefours de Bamako », ironise l’interlocuteur de la LC.
Si les financements promis par Pékin comprennent une partie de dons et prêts, face à la déferlante chinoise, l’offre d’aide de l’UE semble bien dérisoire. L’UE a ainsi accepté de mobiliser 6,5 milliards d’euros sur cinq ans pour accompagner le démantèlement tarifaire, dont 50 % en faveur des infrastructures liées au commerce. Il s’agit d’aider les pays d’Afrique de l’Ouest à adapter leur fiscalité dans le cadre d’un nouveau programme dénommé « Programme de l’APE pour le développement/Paped ». Mais compte-tenu de la puissance de feu chinoise, il n’est pas sûr que les Européens n’y perdent pas quelques nouvelles plumes…
François Pargny