Malgré les réticences de Paris à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, la France reste un acteur incontesté et apprécié de la modernisation de l’économie de cette puissance émergente.
Après les grands groupes, ce sont les PME douées d’un savoir-faire original qui sont recherchées par l’agence turque d’investissement Invest in Turkey. Les partenaires ne manquent pas.
À Istanbul, le palais de Topkapi est sans conteste une merveille, avec ses jardins le long du Bosphore ! Mais pour échapper au flot des touristes, le promeneur peut porter ses pas vers la pointe du Sérail. Là, une surprise l’attend. Sur l’eau, une barge est posée.
C’est aujourd’hui le seul signe apparent du projet de tunnel ferroviaire devant relier les parties européenne et asiatique d’Istanbul. L’objectif est de fluidifier le trafic entre les deux rives. Les deux ponts sur le Bosphore n’y suffisent plus. La métropole économique de la Turquie compte plus de 12 millions d’habitants.
Le japonais Marubeni est le chef de file du consortium international devant réaliser la deuxième tranche du tunnel ferroviaire. Déjà sélectionné pour l’ingénierie ferroviaire, Alstom vise également le marché de fourniture des voitures passagers.
La présence française est ancienne en Turquie. « Fives y commerce depuis plus de 50 ans et de nombreux groupes industriels turcs, comme Erdemir, Izdemir, Sisecam, Kayseri Seker ou Oyak produisent aujourd’hui dans des installations que nous leur avons fournies », confiait en février dernier son directeur du développement international, Jean-Marie Caroff, à la veille d’un voyage en Turquie d’Hervé Novelli, alors secrétaire d’État au Commerce extérieur, à la tête d’une délégation d’entreprises.
À l’époque, les autorités turques venaient d’évincer Gaz de France du projet de gazoduc Nabucco, après que le président Sarkozy eut de nouveau indiqué qu’il n’était pas favorable à l’entrée du pays dans l’Union européenne. Cette position est d’autant plus mal ressentie à Ankara que c’est son prédécesseur, Jacques Chirac, qui est à l’origine du lancement des négociations d’adhésion, et que la Turquie est devenue la 15e puissance économique mondiale en fondant sa modernisation sur le modèle européen.
En outre, les relations bilatérales sont envenimées par la prise de position de la France sur le génocide arménien de 1915, reconnu par le Parlement en 2001. Dans ce contexte, les entreprises françaises ont plus de mal à accéder aux marchés publics turcs.
Mais il y a aussi des signes de détente. Pendant sa présidence de l’Union européenne, la France sera l’hôte d’une saison européenne. Ensuite, entre octobre 2009 et mars 2010, une saison culturelle turque sera organisée dans l’Hexagone, précédant ainsi la mise en lumière d’Istanbul qui a été choisie comme capitale européenne de la culture en 2010. Ce sera aussi l’occasion de découvrir les grands couturiers turcs, comme Dice Kayek ou Atil Kurtoglu.
En mars dernier, le groupe français PPR, propriétaire de Puma, a annoncé la nomination au poste de directeur créatif de la marque sportive d’un créateur de mode bien connu en Turquie, Hüseyin Caglayan, également artiste et cinéaste. Dans le fil de ce partenariat, l’enseigne sportive a pris une participation majoritaire dans la société d’Hüseyin Caglayan.
Les courants d’affaires continuent à passer d’autant mieux que 90 % d’entre elles se concluent avec le secteur privé ; « les entreprises sont avides de partenariat », note Yilmaz Cakir, un membre du Conseil d’affaires franco-turc au Bureau des relations économiques internationales (Deik). « Avec ce pays, le partenariat est la bonne solution, confirme Frédéric Farré, co-fondateur de la société d’accompagnement Turnkey.
Les Turcs fabriquent et ne veulent pas d’une relation de producteur à distributeur. » Le partenariat permet d’opérer sur un marché où il faut du temps pour s’imposer. Ce sont 4 millions de PME, soit plus de 95 % du tissu économique, qui seraient susceptibles de vouloir bénéficier de la « French touch ».
« Aujourd’hui, comme tous les groupes français sont établis avec bonheur, vous voulons attirer les petites et moyennes entreprises », confirme François Bernard, le représentant en France de l’Agence turque d’investissement (Invest in Turkey).
Un véritable défi car, bien que ce pays à forte croissance (plus de 7 % en moyenne entre 2002 et 2007) ne soit situé qu’à trois heures de vol de Paris, « l’image de notre pays en Turquie demeure floue ou inexistante », déplore Raphaël Esposito, le directeur de la Chambre de commerce française en Turquie (CCFT), qui va créer un business center pour les PME de l’Hexagone qui ont besoin de bureaux à moindre coût et de services partagés.
François Pargny, envoyé spécial en Turquie