« Il a fallu cinq à six ans
à l’Espagne et au Portugal pour réussir leur transition démocratique. Nous
espérons faire mieux », a lancé Adel Fekih, l’ambassadeur de Tunisie en
France, en ouvrant le séminaire « Tunisie : construction politique,
opportunités d’investissement et partenariats », organisé et animé par Le
Moci dans ses locaux à Paris, le 7 mars.
L’ambassadeur est conscient de
l’impatience des investisseurs et de la population, notamment des jeunes
diplômés et des habitants des régions intérieures tenues à l’écart du
développement sous le régime Ben Ali. Or, « la classe politique se
découvre. Elle ne se connaît pas », plaide Adel Fekih pour expliquer l’instabilité,
les retards dans les décisions et les blocages politiques.
Cette inexpérience de la classe politique se double d’une
lutte pour le pouvoir entre les trois partis -Congrès pour la République/CPR,
Ennahda et Ettakatol- qui dominent aujourd’hui les institutions (présidence de
la République, gouvernement, Assemblée constituante). Résultat : le pays
du jasmin vit au ralenti. Et après la démission du Premier ministre Hamidi
Jebali et son remplacement par l’ancien ministre de l’Intérieur Ali Laarayed,
les partis ont peiné à s’entendre pour composer un nouveau
gouvernement.
La Constitution et les élections seront fondamentales
La troïka au pouvoir prépare les
prochaines élections, qui doivent suivre l’adoption de la Constitution. Une
étape, il est vrai cruciale, car si cette feuille de route était respectée, elle
marquerait l’aboutissement du processus démocratique, et le gouvernement qui en
découlerait serait totalement légitimé. Selon l’ambassadeur, la Constitution
pourrait être adoptée en mai ou juin et les suffrages des Tunisiens pourraient
être sollicités en octobre ou novembre.
« La France est le premier partenaire de la Tunisie. Ses
entreprises ont confiance, mais certaines questions doivent être résolues
rapidement », affirme Michèle Féki, directrice du bureau Ubifrance à
Tunis. Une confiance partagée par l’Union tunisienne de l’industrie, du
commerce, de l’artisanat (Utica), « ce qui ne nous empêche pas de faire
pression auprès de l’Assemblée constituante et du gouvernement pour avoir un
calendrier politique clair », renchérit Kaïs Sellami, membre du bureau exécutif
de l’organisation patronale.
Patronat, syndicat, grèves, salaires : le nouveau paysage social
Parmi ces questions, figure
l’instauration d’un dialogue social efficace. L’Utica a constitué à dessein un
comité mixte avec l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Elle réfléchit
aujourd’hui à la fondation en son sein d’une fédération des entreprises
étrangères. « L’UGTT est aujourd’hui dans nos murs et les revendications
salariales constitueront sans doute un sujet important à l’avenir. C’est
normal. Il n’en reste pas moins que dans nos entreprises de cartes
électroniques et de câbles en Tunisie, nous n’avons pas subi de grève »,
se félicite Patrick Guérinel, directeur commercial d’Altrics SAS.
En revanche, Altrics peine à
convaincre certains prospects de se déplacer en Tunisie, en raison des incidents
qui sont suivi la publication des caricatures de Mahomet et de l’assassinat de
l’opposant tunisien Chokri Belaïd, début février, qui a été suivi d’une période de tensions extrême. « Les
sociétés que nous démarchons craignent maintenant les débordements et évoquent
le risque d’un blocage du pays, ce qui est très préjudiciable pour notre
entreprise », se plaint Patrick Guérinel. Alors que, depuis mai 2012, Atrics
travaille en Tunisie avec de nouveaux clients
« qui reviennent d’Asie », « certains devis ne sont pas
validés ». Et s’agissant de prospects, « ils hésitent maintenant à
venir auditer nos sociétés en Tunisie et mettent leurs projets en stand
by », déplore le directeur commercial d’Alstrics.
L’économie et les IDE se redressent
Malgré ces difficultés, après une
année noire en 2011, l’économie s’est redressée l’année suivante, avec une
croissance économique de 3,6 %. « L’investissement direct étranger (IDE) a
aussi retrouvé son rythme de 2010 », affirmait, lors du séminaire du Moci,
le directeur général de l’Agence de promotion de l’investissement extérieur
(Fipa), Noureddine Zekri (notre photo). De façon concrète, après avoir chuté de 30 % en 2011,
les IDE auraient gagné 80 % en 2012.
Parmi les mesures prises dans le
cadre de la loi de finances 2013, la déduction totale des bénéfices et revenus
provenant de l’exportation pendant dix ans a été reconduite pour les
entreprises qui déposent leurs déclarations d’investissement avant le 31
décembre prochain et réalisent leur première opération d’exportation d’ici au
31 décembre 2014.
Enfin, plusieurs mesures
favorisant les IDE sont prévues. Le Code d’investissement devrait permettre
l’ouverture de nouveaux secteurs, comme les services, aux opérateurs étrangers.
Une liste négative sera dressée. « Des aides seront alors accordées en
fonction du nombre de cadres étrangers et de diplômés tunisiens dans des
activités à valeur ajoutée et pour tout projet de développement régional dans
les zones de l’intérieur du pays », expose Noureddine Zekri.
Dix zones industrielles vont
encore être créées, des grands projets de centrales électriques ou de
raffineries développés. Pour les financer, Tunis entend développer les
partenariats public-privé (PPP). Un avant projet doit être présenté au
gouvernement dans les trois semaines à venir.
François Pargny
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