La Tunisie ne craint pas la crise. Bien au contraire ! Elle s´estime bien placée, grâce à la qualité de ses ressources humaines et de ses infrastructures, pour accueillir les investisseurs à la recherche de pays à coûts attractifs. Enquête réalisée, en partenariat avec la revue Synergies de la Chambre tuniso-française de commerce et d´industrie (CTFCI), dans un pays qui apprécie « la French Touch ».
La petite Paris, c´est ainsi que les Tunisois appellent leur ville. C´est le long de l´esplanade et des trottoirs de l´avenue Habib Bourguiba que bat son cœur. Cinquante-deux ans après l´indépendance (1956), la France est toujours appréciée dans le pays. Mais aujourd´hui, l´esprit européen souffle également à Tunis.
Parmi les pays membres de l´Union pour la Méditerranée (UPM), la Tunisie a été le premier Etat de la rive sud à réaliser une zone de libre-échange industriel avec l´Union européenne (UE). Douze années auront été nécessaires entre la mise en œuvre de l´accord d´association, en 1996, et l´ouverture totale des frontières, le 1er janvier 2008.
Progressivement, les barrières tarifaires ont été démantelées. « Mon pays a plus que triplé ses exportations vers l´Europe. Notre principal partenaire a, lui aussi, plus que doublé ses livraisons en Tunisie », se félicite le ministre de l´Industrie, de l´Énergie et des PME, Afif Chelbi, dans un entretien exclusif accordé au Moci.
Comme le Maroc, la Tunisie a choisi de construire une économie moderne et performante, en s´appuyant sur le partenariat, le savoir-faire et la technologie européens. En période de crise mondiale, cette intégration a, cependant, son revers. Le textile, la sous-traitance surtout, qui ont su résister à la concurrence chinoise, souffrent aujourd´hui du ralentissement des commandes de l´autre côté de la Méditerranée.
Il en est de même dans l´automobile, les équipementiers installés en nombre en Tunisie dépendant des donneurs d´ordres européens. Pour autant, la mauvaise conjoncture ne semble pas doucher les espoirs des professionnels. Chez le français Delfingen, spécialiste des gaines de protection des faisceaux électriques automobiles, on se veut rassurant, même si on ne minimise pas l´ampleur de la crise.
« Comme notre carnet de commandes a fondu, nous avons dû prendre des mesures de chômage technique et de congés obligatoires », reconnaît Hichem Guizani, le directeur du site tunisien. Selon lui, les projets d´extension de Delfingen TN Tunis ne sont, pourtant, pas remis en cause. Même son de cloche chez Zodiac, où l´on redéploie une partie de l´activité de l´automobile vers l´aéronautique.
Chez Leoni, on prévoyait en 2008 une baisse de 4 % de l´activité en Tunisie. Mais le câbleur allemand devrait aussi y annoncer le transfert d´une unité de production, aujourd´hui en Slovaquie. Force est donc de constater que ni les institutionnels ni les industriels en Tunisie ne semblent véritablement inquiets. Au contraire, ils considéreraient plutôt la crise économique comme une opportunité pour le pays. À l´instar de Leoni qui veut y étendre son activité ou d´Airbus qui s´installe près de Tunis, les entreprises recherchent des pays low cost (à coûts bas) hors zone euro.
À cet égard, les Tunisiens, pour parler de leur pays, préfèrent l´expression « pays à coût attractifs ». Au moment où les coûts de revient augmentent en Europe de l´Est, ils soulignent que leur avantage comparatif n´est pas seulement la modicité du prix de la main-d´œuvre, mais également sa qualité.
Dans le rapport 2008-2009 du Forum économique mondial sur « la compétitivité globale », la Tunisie occupe le 27e rang sur 134 pays classés, dans deux domaines majeurs : éducation-formation et innovation. Elle occupe aussi le 34e rang dans les infrastructures. Le maillage du territoire se poursuit : télécommunications, technopoles, autoroutes.
Pour réduire les écarts de développement avec les grandes villes, des grands projets sont développés et des aides supplémentaires sont accordées aux entreprises qui s´implantent à l´intérieur du pays. C´est ainsi que l´italien Benetton, après avoir créé une première plateforme de contrôle et d´expédition à Kasserine, a décidé d´en établir une deuxième à Gafsa.
Le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, a réaffirmé la volonté de son gouvernement de poursuivre les grands projets dans le pays. À terme, la Tunisie veut se doter d´un parc de trains à grande vitesse. Ce dont pourrait profiter Alstom. Lors du voyage du président Sarkozy en Tunisie en avril dernier, le groupe français a remporté, aux dépens de Siemens, un contrat de 360 millions d´euros portant sur la réalisation d´une centrale thermique de 400 MW. Cette unité, à Ghannouch, dans la région de Gabès, doit alimenter une grande partie du sud du pays.
À l´occasion de la visite d´État de Nicolas Sarkozy, Airbus a signé avec Tunis Air une lettre d´intention pour la vente de 19 avions, dont 16 commandes fermes, s´engageant au passage à créer 2 000 emplois en recourant notamment à des sous-traitants industriels. Enfin, un accord-cadre de coopération en matière de nucléaire civil ouvre la voie à Areva pour la vente de centrales. La venue du Premier ministre François Fillon, annoncée pour ces prochains mois à Tunis, pourrait permettre d´avancer sur ce dossier.
François Pargny