La fermeture partielle du port chinois de Ningbo-Zhoushan, premier au monde pour les conteneurs, en raison de la découverte d’un cas de Covid-19, le 11 août dernier, perturbe encore un peu plus le fret maritime mondial déjà mis à rude épreuve. Malgré une réouverture progressive, les livraisons de produits en Amérique du nord et en Europe pour le Black Friday et Noël apparaissent de plus en plus compromises.
Le transport maritime chinois se remettait à peine de la mise à l’arrêt en mai dernier de Yantian, le plus grand terminal de conteneurs de Chine, près de Shenzhen, quand les autorités ont annoncé l’arrêt partiel des activités du port de Ningbo, au sud de Shanghai, après qu’un docker du terminal de l’île de Meishan a été testé positif à la Covid-19.
Situé dans la baie Hangzhou, entre la municipalité de Shanghai et la province du Zhejiang, ce vaste complexe portuaire, réunissant sous la même autorité les infrastructures de Ningbo et Zhoushan, est le premier au monde avec une capacité annuelle de 43,5 équivalents vingt pieds.
Les compagnies maritimes, ont immédiatement annoncé l’annulation de l’escale ou le déroutage de leurs navires vers d’autres ports, déjà engorgés. Entre la pénurie de conteneurs, le blocage du canal de Suez par l’Ever Given en mars et la fermeture de Yantian en mai, la congestion des ports chinois est aujourd’hui à son comble. Selon des données compilées par l’agence Bloomberg, 141 navires étaient à l’ancre devant les terminaux à conteneurs de la région de Shanghai le 17 août dernier.
Une congestion sans précédent des terminaux
Le taux de congestion (le nombre des navires à l’ancre divisé par la somme des navires à l’ancre et des navires immobilisés à quai) atteint 59,2 % pour les terminaux à conteneurs de la région de Shanghai, 40,2 % à Shenzhen et 63,2 % à Xiamen (en face de Taïwan). Idem pour les autres grands ports de la région : Singapour, Vietnam, Malaisie, Indonésie, Corée du Sud…
Des centaines de navires font la queue devant des terminaux qui tournent à plein régime. Et les délais d’attente de s’allonger, passant par exemple de 6 jours début août à 24 jours deux semaines plus tard à Xiamen, toujours selon Bloomberg.
Cette nouvelle surtension sur le transport maritime depuis la Chine congestionne les ports de ses grands partenaires commerciaux. Ainsi, les navires attendent actuellement en moyenne 40 jours devant le port de Los Angeles.
Des taux de fret toujours en hausse
Déjà à des niveaux stratosphériques depuis le début de la crise sanitaire, le coût du fret n’en finit pas de grimper. Le Ningbo Containerized Freight Index a frôlé les 3 900 dollars (USD) le 20 août, soit une progression de presque 100 % depuis mars et de 170 USD entre le 6 et le 20 août !
Quelques navires ont pu accoster à Meishan ces derniers jours, rapporte leStraits Times, dont quatre de la CMA CGM : le Rivoli, le Samson, le Taurus et l’Elbe, les deux derniers étant encore actuellement à quai. La compagnie française table sur à un retour graduel à la normale d’ici « quelques semaines ». De leur côté, les autorités chinoises ont annoncé le 23 août à grand renfort de communication, ne pas avoir enregistré de nouveau cas de Covid-19 au cours des 24 heures précédentes (hormis 21 cas « importés »), une première en un mois de restrictions draconiennes pour endiguer le pire rebond épidémique qu’a enregistré le pays depuis fin 2019.
L’aérien également perturbé à Shanghai
Reste qu’il va falloir de nombreuses semaines pour que le fret maritime mondial absorbe ce nouveau coup dur. D’autant que le fret aérien, lui aussi perturbé, risque de ne plus pouvoir prendre le relais et n’est pas non plus à l’abri d’une nouvelle flambée de Covid-19 en Chine.
Samedi 21 août, 24 heures après la détection d’un cas parmi le personnel de l’aéroport de Shanghai, le logisticien français Qualitair and Sea International (groupe Crystal) a indiqué qu’« en raison d’une importante recrudescence des cas de Covid à Shanghai, certaines compagnies aériennes suspendent leurs vols vers l’aéroport international de Shanghai-Pudong et d’autres aéroports en Chine » et chercher des « solutions alternatives » pour ses clients.
Depuis la détection du premier cas, les autorités de l’aéroport de Shanghai ont mis en place une quarantaine 7-7-7 pour les personnels au sol (7 jours de travail, 7 jours de quarantaine à l’hôtel et 7 jours supplémentaires à domicile) qui ralentit les opérations de chargement et de déchargement.
Risques de rupture d’approvisionnement pour les marchés occidentaux
A quelques mois du Black Friday et de Noël, l’acheminement dans les temps des marchandises depuis la Chine jusqu’aux Amériques et en Europe, semble de plus en plus compromis. Lundi 23 août, Steve Pasierb, le directeur de la Toy Association, la fédération professionnelle internationale du jouet (qui a monté fin juillet une cellule d’aide aux entreprises pour surmonter la crise du fret maritime), a conseillé aux consommateurs de faire dès à présent leurs courses de Noël.
Dans cette course contre la montre, les multinationales, grâce à leur réseau international, risquent de se montrer plus aptes à trouver des alternatives. Et, de fait, à couper l’herbe sous le pied d’entreprises de moindre taille. Hasbro et Mattel ont indiqué plus tôt cet été s’être organisés pour pallier la crise du fret (diversification des fournisseurs, anticipation des commandes…), mais Lego rencontre déjà des problèmes de stock…
Sophie Creusillet