Alors que les négociations sont au point mort entre le syndicat des dockers et la US Maritime Alliance, qui réunit leurs employeurs, un débrayage à compter de mardi 1er octobre dans les ports de la côte atlantique et du Golfe du Mexique semble inéluctable. Le secteur anticipe d’ores et déjà les impacts de ce blocage des ports américains.
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Du jamais vu en presque cinquante ans ! Si la grève se confirme, il faudra en effet remonter à 1977 pour trouver un blocage d’une telle ampleur. Car 36 ports de la façade atlantique et du Golfe du Mexique, par lesquels transite la moitié des importations des Etats-Unis, sont concernés, dont ceux de New York et du New Jersey, Houston (Texas) et Savannah (Géorgie). A lui seul, le port de New York traite en moyenne 15 000 à 16 000 EVP (équivalents vingt pieds) par jour, soit environ 240 milliards de dollars de marchandises chaque année.
Au cœur de la discorde, le contrat qui lie depuis six ans l’International Longshoremen’s Association (ILA), syndicat réunissant 45 000 dockers et la United States Maritime Alliance (USMX). Il arrive à échéance lundi 30 septembre à minuit. Faute d’un nouvel accord l’ILA a annoncé que ses 45 000 membres ne reprendraient pas le travail le lendemain. Les négociations ont été rompues, à l’initiative de l’ILA, les deux parties ne parvenant pas à trouver de compromis sur les salaires et les prestations de santé, mais aussi sur le recours à des terminaux automatisés dont le fonctionnement nécessite mois de main d’œuvre.
Premier partenaire commercial de l’UE
Un blocage des ports perturberait non seulement l’économie américaine (JPMorgan estime son coût à 5 milliards de dollars par jour) mais également le fret maritime entre le Vieux et le Nouveaux continents.
L’Union européenne a en effet exporté en 2022, tous modes de transport confondus, 509,4 milliards d’euros (Md EUR) de marchandises. L’an dernier, les Etats-Unis sont redevenus le premier partenaire commercial de l’UE, devant la Chine et le Royaume-Uni. La balance commerciale européenne était par ailleurs excédentaire de 155 milliards d’euros en 2023. Les exportations françaises ont, pour leur part, atteint 45,2 Md EUR et les Etats-Unis sont le quatrième client de l’Hexagone.
Le préjudice pour l’économie européenne serait donc important, d’autant que ses entreprises importent également massivement depuis les Etats-Unis (358,5 Md EUR, dont 51, 8 Md EUR vers la France).
Pour l’heure, la perspective de cette grève perturbe déjà le transport maritime transatlantique. Anticipant la grève, les entreprises ont rerouté leurs exportations vers le Canada (Montréal et Halifax) et le Mexique. Mais selon, le HSBC Global Research, « les importations en provenance d’Europe et d’Amérique latine seraient probablement bloquées, car les ports de la côte atlantique du Canada et les ports mexicains sont moins bien équipés pour gérer le débordement ».
Les compagnies maritimes imposent des surcharges
Sans compter les inévitables congestions alors que les entreprises américaines ont importé plus tôt pour stocker des marchandises en prévision des fêtes de fin d’année. Certaines acheminent également par avion, plus coûteux et en pleine peak season alors que les capacités sont limitées. Selon Glyn Hughes, directeur général de The International Air Cargo Association (Tiaca), cité par Le chargeur, la newsletter du commissionnaire de transport digital Ovrsea, les compagnies aériennes privilégieraient leur activité depuis l’Asie, ce qui pourrait du coup pénaliser le transatlantique.
Le chargeur évoque par ailleurs la longue liste des surcharges que les compagnies maritimes imposent à leurs clients :
- CMA CGM : 800 USD/TEU et 1 000 USD/FEU à l’export ; 1 500 USD/TEU à l’import, à partir du 11 octobre ;
- MSC : 1 000 USD/TEU et 1 500 USD/FEU dès le 1er octobre ;
- Hapag-Lloyd : 1 000 USD/TEU à partir du 18 octobre ;
- Maersk : 1 500 USD/TEU et 3 000 USD/FEU à partir du 21 octobre, « en fonction de l’impact de la perturbation sur la chaîne d’approvisionnement », précise la compagnie.
Une situation d’autant plus inquiétante que, à quatre jours de la fin de l’accord entre l’ILA et la US Maritime Alliance, cette dernière a annoncé le 26 septembre qu’elle avait déposé une plainte pour pratique déloyale auprès du National Labor Relations Board, en raison du refus répété de l’International Longshoremen’s Association de s’asseoir à la table des négociations. Le torchon brûle, donc, entre les deux associations et une grève illimitée semble inévitable.
Sophie Creusillet