Alors que la menace d’un blocage planait sur les ports de la façade Est des Etats-Unis, les dockers et leurs employeurs ont finalement trouvé un accord. Mais le débat sur l’automatisation des terminaux, pomme de discorde entre les deux parties, demeure.
Le monde du transport maritime peut reprendre son souffle. Le scénario catastrophe d’une mise à l’arrêt des ports de la côte atlantique et du Golfe du Mexique et d’une belle pagaille dans le trafic transatlantique ne se réalisera finalement pas. Le 8 janvier, après des mois d’âpres négociations sur les salaires et l’automatisation des installations portuaires, l‘International Longshoremen’s Association (ILA), le syndicat des dockers, et la United States Maritime Alliance (USMX), qui regroupe leurs employeurs, ont en effet trouvé un accord.
Les négociations sur les salaires avaient déjà abouti en octobre dernier après une grève de trois jours alors que le précédent contrat-cadre de six ans entre l’ILA et l’USMX venait d’expirer, le 30 septembre, sans que les deux organisations ne soient parvenues à un consensus. Les manutentionnaires avaient alors obtenu une augmentation de 62 % sur six ans, portant le salaire moyen à 63 dollars de l’heure (USD), contre 39 USD précédemment. L’accord final doit encore être ratifié pour entrer en vigueur, ce qui devrait se faire très prochainement.
L’automatisation toujours en suspend
Restaient en suspens la question de l’automatisation des terminaux, souhaitée par l’USMX, mais qui fait figure d’épouvantail auprès des 45 000 dockers concernés. En cause : la crainte d’une perte massive d’emplois dans les opérations de manutention, cœur même de leur métier. Sur ce sujet précis, le communiqué commun publié dans la foulée de l’annonce d’un accord reste vague. Tout juste évoque-t-il « la mise en œuvre de technologies qui créeront plus d’emplois tout en modernisant les ports des côtes Est et du Golfe [du Mexique, ndr] – en les rendant plus sûrs et plus efficaces, et en créant la capacité dont ils ont besoin pour maintenir la solidité de nos chaînes d’approvisionnement ».
Cette absence de précisions est volontaire. « Les détails du nouvel accord provisoire ne seront pas publiés pour permettre aux membres de base de l’ILA et de l’USMX d’examiner et d’approuver le document final », justifie le communiqué. Le débat sur l’installation dans les terminaux américains de grues semi-automatisées, qui équipent déjà les ports chinois, semble donc loin d’être tranchée. Ces équipements, qui ne sont pour l’instant installés que dans une poignée de ports aux Etats-Unis et remplacent les chariots élévateurs, permettent de de « gérer des piles de conteneurs plus grandes que les équipements traditionnels […] avec peu d’implication humaine », précise une dépêche Reuters.
Donald Trump, fervent soutien de l’ILA
Autre avantage, « en raison du manque de nouveaux terrains disponibles dans la plupart des ports de la côte Est, le seul moyen de traiter plus de volumes est en effet de densifier les installations existantes », explique un article de Marine marchande. S’il faut désormais attendre la ratification du nouveau contrat-cadre pour en apprendre plus sur la modernisation des installations des terminaux, le pire est en tout cas évité. Le monde du transport maritime redoutait en effet les conséquences désastreuses d’une grève prolongée sur le trafic maritime transatlantique, mais aussi entre les Etats-Unis et l’Asie.
Le fait que ce scénario catastrophe soit finalement retombé comme un soufflet tient par ailleurs beaucoup au calendrier politique américain. La conclusion d’un nouvel accord-cadre survient en effet 12 jours avant l’investigation à la présidence de Donald Trump. Ce dernier s’est dernièrement posé en fervent soutien de l’ILA. Le futur locataire de la Maison blanche s’est prononcé contre l’automatisation des ports dans un post sur le réseau social Truth. « Je sais à peu près tout ce qu’il y a à savoir à ce sujet, écrit-il. La somme d’argent économisée n’est rien en comparaison de la détresse, du mal et du préjudice causés aux dockers. Je préférerais que ces entreprises étrangères consacrent [leurs] bénéfices aux hommes et aux femmes qui travaillent sur nos quais, plutôt qu’aux machines, qui coûtent cher et qu’il faudra constamment remplacer ».
Ce positionnement n’a pas manqué de ravir l’ILA. « Tout au long de ma carrière, je n’ai jamais vu un homme politique – et encore moins le président des Etats-Unis –, comprendre réellement l’importance du travail que nos membres accomplissent chaque jour, a ainsi déclaré son président, Harold Dagget qui s’est entretenu avec Donald Trump le 12 décembre à Mar-a-Lago. Mais hier, le président élu Trump a non seulement démontré cette compréhension, mais il a également fait preuve du plus grand respect pour le travail acharné, les sacrifices et le dévouement de nos membres ».
La conclusion de cette crise montre à ceux qui en douteraient encore qu’au cours du deuxième mandat de Donald Trump la politique commerciale de la première puissance mondiale sera clairement axée sur le populisme et le protectionnisme.
Sophie Creusillet