L’Association française des utilisateurs de fret (AUTF) vient de rendre public sa position sur les nouvelles alliances maritimes, dont deux d’entre elles vont bientôt entrer en opération. Prenant acte des promesses d’amélioration du service, elle appelle la Commission européenne et les chargeurs à davantage de vigilance après la fin de l’exemption dont ces alliances bénéficiaient dans l’Union européenne.
Depuis le début de l’année 2024, l’actualité du secteur maritime a été marqué par un renouvellement des grandes alliances entre compagnies maritimes offrant des services réguliers, les liners. Aujourd’hui, trois principales se détachent :
–Ocean Alliance, renouvelée pour cinq ans en février 2024, réunit le Français CMA CGM (France), Cosco Shipping (Chine), Evergreen (Taiwan) et OOCL (Hong Kong). La capacité globale de fret alignée par Ocean Alliance comporte : une flotte d’environ 320 porte-conteneurs (dont 119 navires pour CMA CGM) ; 35 services sur les plus grands trades mondiaux ; une capacité totale d’environ 4,5 millions d’EVP (Equivalent vingt pieds). Avec une grande promesse d’amélioration du service, avec notamment une offre optimisée au nom marketing de « Day 8 product » sur les 35 services proposés.
–Gemini Cooperation, lancée en janvier 2024, regroupe le géant danois Maersk (précédemment alliée avec MSC) et Hapag-Lloyd (Allemagne), qui aligne une flotte de 290 navires (3,4 millions d’EVP), des navires et terminaux mis en commun, et promet 26 services océaniques principaux, complété par 14 services de navettes avec une fiabilité de 90 %. Mais elle réduit la desserte directe des ports français, seules 3 service de feedering (transbordement de marchandises d’un navire à un autre) étant assurés.
–Premier Alliance, lancée en février également et réunissant les compagnies asiatiques One (Japon) HMM (Corée du Sud) et Yang Ming (Taiwan). Entrée en vigueur début 2025. MSC, géant mondial qui a préféré rester seul, a passé un accord de coopération avec cette alliance sur l’axe Asie-Europe (à partir de février 2025). Entrée en vigueur en février 2025, après la fin de l’accord The Alliance, qui unissait ces trois compagnies à Hapag-Lloyd
A cette actualité mondiale, s’ajoute une actualité plus européenne : le non-renouvellement du règlement d’exemption par catégorie en faveur des consortium (CBER pour Consortia Block Exemption Regulation), qui a remis le secteur maritime dans le droit commun en matière de respect des règles de concurrence en cas de création d’un consortium.
Une position balancée entre espoir d’amélioration du service et vigilance sur les pratiques
C’est dans ce contexte que l’AUTF rend publique sa position. Elle est pour le moins balancée entre les promesses actées d’amélioration du service des alliances, plutôt accueillies positivement après une nette dégradation ces quatre dernières années, et la vigilance quant au respect des règles.
« Au regard d’un niveau de confiance des utilisateurs de transport qui apparaît dégradé, l’AUTF prend acte de cette évolution du marché dont elle espère qu’elle engendrera réellement une qualité et un niveau de services améliorés, notamment en matière de respect du transit time ou encore au regard des congestions portuaires, à des prix plus compétitifs » souligne son communiqué.
Quant au respect des règles de concurrence, elle en appelle d’abord à davantage de contrôle de la part de la Commission européenne : « l’AUTF sollicite un engagement plus proactif de la Commission européenne dans le contrôle de la conformité de ces alliances face aux distorsions de marché et reste attentive aux positions des régulateurs dont le contrôle demeure primordial dans un tel contexte » souligne le communiqué à cet égard.
Les chargeurs ne doivent pas être en reste : « l’association invite les chargeurs à la plus grande vigilance dans leurs relations avec les compagnies maritimes membres de ces nouvelles alliances, tant en matière de conduite et suivi des prestations que de pratiques tarifaires, écrit encore l’AUTF. En effet, l’entretien, par ces dernières, d’un déséquilibre de rapports s’avèrerait délétère pour le marché, aux dépens du consommateur final ».
Pour conclure, l’AUTF rappelle un certain nombre d’enjeux importants pour ses membres, tous grands groupes industriels ou de commerce, qu’il concerne la contribution à la décarbonation des activités ou le maintien d’une desserte régulière des ports français : « face à des enjeux communs tels que celui de la nécessaire décarbonation du secteur, il est par ailleurs attendu que les alliances maritimes relèvent, elles aussi, ces défis au travers de leurs nouvelles offres, souligne le communiqué. Enfin, l’Association rappelle que l’attractivité des ports français demeure une priorité pour ses adhérents, notamment au regard du nombre d’escales directes proposées ».
C.G