Les négociateurs du Conseil et du Parlement européens viennent de conclure un accord provisoire sur les futures orientations du réseau transeuropéen de transport RTE-T, avec l’objectif d’assurer une connectivité durable dans l’Union européenne, et notamment plus « verte ». Il devrait générer un nouveau règlement en 2024. Nous présentons ici les grandes lignes de ce futur règlement, telles que présentées par un communiqué du Conseil européen.
Cet accord entre les négociateurs des deux législateurs était attendu depuis près de deux ans, la proposition de règlement révisé sur RTE-T ayant été adoptée par la Commission le 13 décembre 2021 dans le cadre du paquet législatif en faveur d’une mobilité efficace et verte. Selon le communiqué du Conseil daté du 18 décembre (actuellement sous présidence espagnole), la nouvelle législation européenne relative à RTE-T « vise à construire un réseau de transport fiable, transparent et de haute qualité qui assure une connectivité durable à travers l’Europe, sans interruptions physiques, sans goulots d’étranglement et sans chaînons manquants ». Tout un programme.
Concernant le calendrier, le réseau sera développé ou mis à niveau « étape par étape » d’ici 2050, le nouveau règlement fixant des « délais clairs » pour l’achèvement du réseau RTE-T à « trois couches » : le réseau central devrait être achevé d’ici 2030, le nouveau réseau central étendu d’ici 2040 et le réseau complet d’ici 2050.
A noter que ci l’accord provisoire prévoit également d’améliorer la connectivité avec les pays tiers alliés, nommément l’Ukraine et la Moldavie, les liaisons avec la Russie et la Biélorussie sont au contraire exclues du projet de règlement.
Quels sont les principaux éléments de l’accord provisoire ?
Nous livrons ci-après les principaux points présentés par le communiqué du Conseil.
Une ambition globale, les États membres gardent la main sur la mise en œuvre
En premier lieu, il maintient l’ambition globale de développer une infrastructure de transport « cohérente, connectée et de haute qualité » dans l’ensemble de l’UE, tout en tenant compte des différents points de départ dans les États membres, ainsi que de leurs priorités et approches en faveur d’un « transport plus vert ». Les États membres garderont donc la main sur la mise en œuvre.
Ainsi, ils décideront de la manière de « hiérarchiser les projets d’intérêt commun en fonction d’exigences techniques et prioritaires réalistes » visant à mettre en place une infrastructure unifiée, performante et entièrement interopérable pour contribuer à la décarbonation du secteur des transports et à sa multimodalité. Ces exigences, telles qu’elles sont définies par le nouveau règlement, sont « proportionnées aux bénéfices attendus, aux fonctionnalités et aux investissements requis par les États membres ».
L’accord provisoire tient également compte « des ressources financières disponibles des États membres », ainsi que des « besoins d’investissement » pour le développement des infrastructures, qui pourraient être considérables, en particulier sur le réseau RTE-T complet.
Délais pour la réalisation du réseau
L’approche à trois niveaux de la proposition initiale de la Commission européenne a été maintenue, le réseau RTE-T étant développé ou modernisé en trois phases, comme déjà indiqué : jusqu’en 2030 pour le réseau central, 2040 pour le cœur étendu et 2050 pour le réseau global.
La nouvelle échéance intermédiaire de 2040 a été introduite pour faire avancer l’achèvement de projets à grande échelle, principalement transfrontaliers, tels que les liaisons ferroviaires manquantes, avant l’échéance de 2050 qui s’applique au réseau plus large et plus complet. Par exemple, de nouvelles liaisons ferroviaires à grande vitesse entre Porto et Vigo, et Budapest et Bucarest, doivent être achevées pour 2040.
Afin de garantir que la planification des infrastructures réponde aux besoins opérationnels réels et en intégrant les voies ferrées, routières et fluviales, le nouveau règlement crée également neuf « corridors de transport européens », qui revêtent la plus haute importance stratégique pour le développement de flux de transport de marchandises et de passagers durables et multimodaux en Europe.
Les neuf corridors européens
Les neuf corridors européens sont : Atlantique ; Baltique – Adriatique ; Méditerranéen ; Mer du nord – Baltique ; Mer du nord – Méditerranée ; Orient – Méditerranée Est ; Rhin – Alpes ; Rhin – Danube ; Scandinavie – Méditerranée.
Pour les détails, consulter la carte interactive sur le site de la Commission européenne : cliquez ICI
Infrastructures de transport ferroviaire
Les colégislateurs ont reconnu l’importance des chemins de fer dans la transition vers des modes de transport durables et se sont mis d’accord sur de nouvelles exigences qui pourraient généralement contribuer au transfert modal et à une meilleure performance du futur réseau ferroviaire RTE-T.
Dans cet objectif, les colégislateurs ont convenu : des dispositions relatives au déploiement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) sur le réseau central étendu et complet ; le passage à l’écartement nominal standard européen de la voie ; l’augmentation du nombre de trains de marchandises de 740 mètres de long ; la vitesse minimale de 160 km/h pour les trains de voyageurs. L’objectif est « d’assurer une capacité suffisante et des opérations de transport ferroviaire fluides et sans interruption sur l’ensemble du réseau RTE-T ».
En outre, l’accord provisoire prévoit l’inclusion d’exigences opérationnelles pour les corridors de fret ferroviaire dans les articles du règlement RTE-T révisé, car elles sont considérées comme indissociables des exigences en matière d’infrastructure. Dans l’ensemble, l’accord garantit des liaisons plus efficaces et plus rapides pour les passagers et le fret par chemin de fer, ainsi qu’une meilleure intégration des ports, des aéroports et des terminaux de fret multimodaux dans le réseau RTE-T.
Transport routier : pas de norme unique de sécurité routière
Concernant le transport routier, il n’y aura pas de norme unique de sécurité routière. « La nécessité pour les États membres de disposer de la flexibilité nécessaire pour aborder la sécurité routière d ‘une manière adaptée aux conditions locales plutôt que d’appliquer un ensemble unique de normes routières a été confirmée par l’accord provisoire » indique le communiqué.
Toutes les routes du réseau central et du réseau central étendu seront spécialement conçues, construites ou améliorées pour la circulation automobile, en prévoyant des voies de circulation séparées pour les deux sens de circulation, séparés l’un de l’autre par une bande de séparation non destinée à la circulation ou, exceptionnellement, par d’autres moyens.
En outre, les colégislateurs se sont mis d’accord sur le déploiement d’aires de stationnement sûres et sécurisées sur le réseau central et étendu afin de garantir de meilleures conditions de travail et de repos aux conducteurs professionnels. Ces zones seront déployées sur une distance moyenne maximale de 150 km sur le réseau central et le réseau central étendu.
Un plan de mobilité durable à établir par 424 villes d’ici 2027
Les colégislateurs ont adopté l’idée de renforcer la couche urbaine de la politique RTE-T. Il a donc été convenu qu’un plan de mobilité urbaine durable (PMUD), qui est un plan intégré de mobilité de marchandises et de passagers à long terme et global pour l’ensemble de la zone urbaine fonctionnelle, devrait être établi d’ici 2027 pour chaque nœud urbain. Le plan pourrait inclure des objectifs, des cibles et des indicateurs qui sous-tendent les performances actuelles et futures du système de transport urbain.
Les 424 grandes villes situées le long du réseau RTE-T sont tenues de développer des PMUD afin de promouvoir la mobilité zéro émission et d’accroître et d’améliorer les transports publics et les infrastructures pour la marche et le vélo. En outre, les colégislateurs ont maintenu l’obligation de disposer d’au moins un terminal de fret multimodal par nœud urbain d’ici le 31 décembre 2040, lorsque cela est économiquement viable.
Infrastructures de transport aérien
En vue d’accroître l’utilisation de modes de transport durables et de réduire le nombre de vols intérieurs, le nouveau règlement soutient fortement l’objectif d’améliorer la connectivité des aéroports avec les services de transport ferroviaire.
Les aéroports des grandes villes européennes avec un trafic annuel total de passagers de plus de 12 millions de passagers seront ainsi connectés au réseau ferroviaire transeuropéen, y compris le réseau ferroviaire à grande vitesse lorsque cela est possible, permettant des services longue distance d’ici le 31 décembre 2040.
Gouvernance et protection financière
Concernant la gouvernance et la protection financière, les coordinateurs européens continueront à guider la mise en œuvre des corridors RTE-T et des priorités horizontales et impliqueront un grand nombre de parties prenantes tout au long de l’achèvement du réseau RTE-T. L’accord provisoire soutient leur rôle de « facilitateurs » dans l’ensemble du processus afin d’assurer la planification en temps voulu des investissements et la mise en œuvre des mesures nécessaires à la réalisation des objectifs du règlement RTE-T.
Toutefois, compte tenu des énormes engagements financiers nécessaires à la mise en œuvre des mesures identifiées par le nouveau règlement pour le développement ultérieur du réseau RTE-T, une garantie financière a été introduite en tant que garantie pour les États membres. Enfin, un cadre révisé pour l‘application du nouveau règlement a été adopté, principalement en rationalisant les instruments actuels de communication et de suivi de la mise en œuvre du RTE-T.
Enfin, l’accord de compromis prévoit l’alignement des plans nationaux de transport sur la politique des transports de l’UE. Les États membres devraient tenir compte, entre autres, des priorités définies dans les plans de travail des coordinateurs européens chargés d’assurer la surveillance des neuf corridors de transport européens. Les États membres fourniront également à la Commission les plans ou programmes nationaux pertinents une fois adoptés.
Prochaines étapes : les travaux sur le règlement révisé se poursuivront au niveau technique. Une fois ces travaux terminés, la présidence de l’UE a l’intention de transmettre le texte aux représentants des États membres (Coreper) pour approbation. L’acte législatif devra ensuite faire l’objet d’un examen juridique et linguistique minutieux avant d’être formellement adopté par les colégislateurs et d’entrer en vigueur.