Le groupe Bolloré a créé la surprise lundi 20 décembre en annonçant avoir reçu une offre de MSC pour l’acquisition de 100 % de Bolloré Africa Logistics sur la base d’une valeur d’entreprise de 5,7 milliards d’euros. Les négociations sont ouvertes entre les deux groupes, Bolloré ayant consenti une exclusivité au groupe italo-suisse jusqu’au 31 mars 2022.
La rumeur était donc fondée. Evoquée mi-octobre dans un article du Monde, la cession par le groupe breton de ses activités de transport et de logistique sur le continent africain est engagée. A l’issue d’un conseil d’administration le 20 décembre, le groupe Bolloré a annoncé lundi soir, par voie de communiqué, avoir engagé des négociations exclusives avec l’armateur suisse de porte-conteneurs et de navires de croisière MSC sur « 100 % de Bolloré Africa Logistics, regroupant l’ensemble des activités de transport et logistique du Groupe Bolloré en Afrique, sur la base d’une valeur d’entreprise, nette des intérêts minoritaires, de 5,7 milliards d’euros ».
Géant du secteur sur le continent africain, le réseau de Bolloré Africa Logistics comprend 16 concessions portuaires, 7 terminaux ro-ro (roll-on/roll-off), 2 terminaux à bois et un terminal fluvial ainsi que des entrepôts et des hubs routiers et ferroviaires dans 20 pays, principalement sur la côte ouest du continent (Guinée, Cameroun, Liberia, Gabon, Côte d’Ivoire, Ghana…).
Son chiffre d’affaires s’est élevé en 2020 à 2,1 milliards d’euros (Md EUR) sur les 21,4 Md EUR réalisés par le groupe partout dans le monde. Au-delà, c’était un des poids-lourds de la présence française en Afrique.
Quid des activités de commissionnaire et transitaire ?
Quid des activités de services (commission de transport, transitaire…) ? Pour le moment, la réponse n’est pas claire.
Rappelons que le groupe Bolloré n’est pas présent que dans les infrastructures de transports en Afrique. Il dispose d’un réseau de 74 agences maritimes (sur un total de 85 dans le monde) réparties dans 32 pays. De plus, Bolloré Africa Logistics s’appuie sur Bolloré Logistics pour proposer la prise en charge des démarches administratives et l’acheminement des marchandises dans 47 pays du continent.
Les activités de commission en douanes et de transit en Afrique du groupe Bolloré sont-elles également dans le périmètre des négociations avec MSC ?
Un communiqué publié le même jour par Bolloré Transport Logistics, maison-mère de Bolloré Africa Logistics depuis 2016, et que dirige l’un des fils de Vincent Bolloré, Cyrille Bolloré, précise que l’offre de MSC « concerne les entités portuaires, ferroviaires et logistiques en Afrique ainsi que les concessions portuaires en Inde, au Timor Oriental et en Haïti ». En outre, « Bolloré Logistics dans le reste du monde et Bolloré Energy ne sont pas concernés ».
MSC passe à la vitesse supérieure en Afrique
Contacté par le Moci pour plus de précisions sur l’avenir de l’activité commerciale du groupe dans la logistique et le transport africains, le groupe Bolloré n’a pu apporter plus de précisions sur le « panier de la mariée ». Le communiqué rappelle que la signature de l’accord surviendra à l’issue des procédures d’usage et « de certaines opérations de réorganisation internes au Groupe Bolloré ».
En attendant, cette annonce confirme les ambitions africaines de la Mediterranean Shipping Company (MSC), groupe familial que dirige Gianluigi Aponte. Plus connue du grand public pour ses croisières sur les flots bleus de la Méditerranée que pour ses activités dans le transport maritime et la gestion des infrastructures logistiques sur le continent, elle a récemment avancé des pions en remportant en 2017 l’accord de la concession pour 35 ans du terminal à conteneurs du port ivoirien de San-Pédro, près d’Abidjan.
Deux ans auparavant, au Togo, l’armateur suisse a été en 2015 le premier à ouvrir une ligne directe avec l’Asie depuis le port en eau profonde de Lomé. En avril dernier, le directeur des investissements Afrique de TIL (Terminal Investment Limited), filiale de MSC en charge des terminaux à conteneurs, David El Bez, déclarait au quotidien helvétique Le Temps : « Le terminal de Lomé, transformé en «hub unique» pour les navires en provenance de l’Asie, a été désigné par MSC comme l’un des terminaux principaux dans sa stratégie mondiale, et San Pedro peut devenir la même chose dans le futur ».
TIL opère actuellement 7 terminaux dans 25 ports de commerce international, selon les informations sur son site.
Recentrage sur les médias
La rumeur du désengagement du groupe Bolloré en Afrique courait depuis les déboires judiciaires d’Havas (filiale de Vivendi dont l’actionnaire de référence est Vincent Bolloré) soupçonné de soutenir les campagnes électorales de Faure Gnassingbé au Togo et d’Alpha Condé en Guinée, en échange de l’attribution des concessions portuaires.
Accusé en 2018 de corruption, d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance, Vincent Bolloré avait provoqué la sidération en reconnaissant les faits de « corruption active » et de « complicité d’abus de confiance ». Un « plaider-coupable » rarissime à ce niveau de responsabilité.
En cédant Bolloré Africa Logistics, le groupe finistérien ne quitte pas pour autant le continent, un point sur lequel insiste son communiqué de presse. Ce dernier affirme qu’il reste présent dans les médias, les télécommunications, la communication et l’édition. En quatre ans, Group Vivendi Africa l’opérateur FTTH (Fiber To The Home) a fourni Internet à quelque 700 000 foyers et entreprises de six pays (Gabon, Togo, Côte d’Ivoire, Congo, Rwanda et Burkina Faso).
En 2020, Canal+, important opérateur de télévision payante en Afrique francophone, avait annoncé prendre 12 % dans la société sud-africaine MultiChoice Group Ltd, leader de la télévision payante en Afrique subsaharienne anglophone et lusophone, devenant son second actionnaire.
Si Bolloré se désengage du transport et de la logistique en Afrique, ses appétits pour le secteur des médias pourraient prendre le relais.
Sophie Creusillet