En 2008, « presque du jour au lendemain, la Chine est devenue une nation
du TGV. » La République chinoise est entrée dans le « club
fermé » des constructeurs, aux côtés de la France, l’Allemagne, l’Espagne,
le Canada, le Japon et la Corée
du Sud, comme l’explique l’essai Géopolitique
du TGV chinois de Jean-François Doulet et Janet Ramos-Doulet (en vente sur le site de la librairie La vie du rail). Si ce mode de transport durable était une nécessité pour
répondre à l’engorgement du réseau ferroviaire chinois, le résultat est que le pays dispose
aujourd’hui du plus long réseau ferré au monde (plus de 9000 km de lignes) et d’une
technologie avancée. Or se pose la question de la rapidité de ce
« miracle » et des failles d’un système construit trop rapidement.
Une stratégie de séduction
Le matériel roulant chinois, qualifié
« d’hybride » de technologie allemande, japonaise et canadienne
(Siemens, Kawazaki et Bombardier), a été construit avec des technologies qui
n’étaient pas siennes, qu’il a « digérées ». Avant l’accident de du
23 juillet 2011, où deux rames de TGV sont entrées en collision au Sud de
Shanghai, il bénéficiait d’une aura internationale. « Des délégations se
pressaient de tous les coins du monde pour venir l’admirer » et vanter les
mérites de la grande vitesse chinoise : beauté du train, confort, service
digne du transport aérien. « La
Chine a réussi un pari technologique et financier d’envergure
à un niveau de développement économique encore intermédiaire », reconnaît
Jean-François Doulet, interrogé par le Moci. Mais comment la nation peut-elle
se relever de ce coup porté à son image ? En misant sur la prudence et en
pariant sur les infrastructures et les investissements. Une « arme
géopolitique » et même une « diplomatie du TGV », qui consiste à
l’utiliser pour affirmer son influence sur une zone géographique, souligne l’écrivain. Et si la méfiance prévalait et prévaut encore en
Occident, il n’en va pas de même en Asie, Afrique ou Amérique latine, où le
« cash » chinois est le bienvenu. Le pays a ainsi « structuré
une stratégie d’export qui le place en principal concurrent sur les grands
appels d’offres internationaux ».
Des perspectives de montée en puissance
De fait, la
Chine n’a pas attendu la catastrophe de l’année dernière pour
remettre en question son TGV. « Le système était déjà en cours de réforme et
de réorganisation. Pendant cinq ans, le secteur restera morne, le temps qu’il
se restructure », explique Jean-François Doulet. A présent, le pays se concentre sur
deux chantiers : la maintenance du système ferroviaire national et la
réforme de la gouvernance du secteur économique chinois en le libéralisant.
Ceci afin d’apporter une autonomie aux acteurs de la construction ferroviaire et
une nouvelle culture de management à l’international. Car selon l’auteur, « les
Chinois se sont rendus compte de leur incompétence pour répondre aux appels
d’offres internationaux ». D’où leur désir de s’associer à des partenaires
locaux. Autant dire que d’ici cinq ans, le pays sera encore plus puissant dans
le domaine.
Les TGV chinois, qui ne sont encore qu’en Chine, devraient
aussi s’exporter. « Les Chinois n’ont jamais construit à l’international mais ils
financent », précise-t-il. Ce qui représente une arme
stratégique pour aider les pays émergents à accéder au coûteux TGV et
s’immiscer dans les contrats internationaux. En dépit des échecs connus en
Arabie Saoudite, à cause d’une mauvais préparation et de leur manque
d’expérience. Ou au Brésil : même les Chinois ont « jeté
l’éponge » et n’ont pas répondu à l’appel d’offres pour relier Sao Paulo à
Rio, par peur de « perdre des plumes » dans ce projet jugé très
risqué.
Alors ils se positionnent ailleurs : en Turquie par exemple. Un
rayonnement international pour un Etat qui ambitionne clairement de devenir le
leader des technologies ferroviaires. « Ils intègrent les technologies des
étrangers et les améliorent en ajoutant de la R&D, tandis que d’autres restent assis
sur leurs lauriers. » C’est une logique de coproduction et de partage des
risques. Et Siemens l’a bien compris en s’investissant avec eux sur le long
terme. « Cela ne coûte rien : je leur donne ma technologie, on
coproduit et je tire profit des projets chinois », résume l’auteur. Car ils
profiteront de la force de frappe financière chinoise à l’export et de ses
partenaires. D’où les reproches formulés à l’encontre du Français Alstom qui
lui s’est coupé du marché chinois, alors que le groupe avait accepté le
transfert de technologie avec les Coréens.
Les prochaines nations vouées à faire émerger le TGV sont
aujourd’hui au Proche et Moyen-Orient (Turquie, Arabie Saoudite, Iran) et en
Asie du Sud-est. « La Chine
fait pression pour remettre au goût du jour le réseau transasiatique qui
relierait le Chine à Singapour. » Et au passage étendre son influence.
Mais aussi en Asie centrale, au Kazakhstan notamment pour relier Astana à
Almaty. Ensuite viendront les Amériques, et beaucoup misent sur le TGV
californien entre Los Angeles et San Fransisco, même si cela demeure
« très long et coûteux » et difficile d’accès pour les Chinois.
Alix Cauchoix
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Site de Jean-François Doulet : http://www.geopolitiquedutgvchinois.com/